Lys et Vagabond

19.2

Lys

- Tu es en retard Lys !

Finalement, il avait trop traîné. Son père savait parfaitement que, s'il était en retard, ce n'était pas parce qu'il avait oublié le chemin pour venir jusqu'à la salle de réunion. Le chemin n'était pas si long entre ici et sa chambre. Il ne pouvait plus cacher ses sorties du palais, de ce fait, il ne pouvait pas non plus cacher qu'il avait dormi à l'extérieur. Mais le Roi ne disait rien. Il était grand à présent, il le laissait faire, tant que ces agissements ne faisaient pas grand bruit et qu'il respectait les tâches dues à son rang.

- Désolé. Qu'est-ce que j'ai raté ?

L'homme chargé de faire son rapport chaque jour des nouvelles du pays avait un visage livide. Presque apeuré. Le Roi faisait cet effet-là. Il effrayait tout le monde, même ses propres hommes, que les nouvelles soient bonnes ou non.

- Les Hommes des Mers sont de plus en plus présents sur nos terres. Ils ne se contentent plus de s'attaquer aux petits villages côtiers comme ils le faisaient ces dernières années. Ils vont plus loin sur le territoire. Même nos dragonniers ne semblent plus les impressionner.

- Quel est leur objectif ?

- On l'ignore Sir. Ils repartent aussi vite qu'ils arrivent. Ils ne s'en prennent jamais à nos troupes.

- Pourquoi ne pas attaquer massivement pour les repousser comme la première fois ? Meghan Tem-Rho a su les repousser en son temps, assez pour qu'ils ne reviennent pas durant des années !

Tous les regards se tournèrent vers Lys. S'il était tenu d'assister à chacun de ses comptes rendus matinaux, il était pourtant assez rare qu'il intervienne réellement.

- Meghan Tem-Rho ?

- Oui, celle qui a stoppé et fait fuir les Hommes des Mers à cette époque-là. Toutes ses années sur le trône, t'auraient-elles fait oublier les noms de ceux qui ont marqué notre Histoire ?

- Lys reste à ta place !

Le jeune homme se laissa retomber contre le dossier de son siège. Pourquoi rester là si on ne l'écoutait pas ? À chaque fois qu'il écoutait son père, qu'il le voyait diriger son pays d'une main de fer, le souhait de Ramsey résonnait à ses oreilles. « Devient un Roi différent ». Il était assez bien placé pour connaître son père et savoir que le profit était plus important que de retenir le nom de telle personne. Il dirigeait son empire, faisait en sorte qu'il tienne la route mais se souciait peu de savoir quelle personne lui permettait d'y parvenir. Tant que tout fonctionnait et allait dans son sens.

- Nous avons déjà envoyé un dragonnier sur les côtes lorsqu'ils sont revenus. Cela ne les a pas arrêtés. Ils ne semblent plus impressionnés. Nous n'avons pas assez de dragonniers disponibles à envoyer sur les côtes.

- Les dragons sont notre meilleure « arme » et nous n'en avons pas assez ?

Sa nouvelle intervention arracha un soupir au Roi.

- Toi qui t'y intéresses tant, tu devrais savoir qu'il n'est pas simple de devenir dragonnier. Cela demande du temps et beaucoup d'investissement. Le Fer-dragon commence aussi à manquer alors créer de nouveaux Dragons est compliqué. Nos Dragonniers sont donc précieux. Tu vas devoir apprendre Lys qu'il n'est pas possible de disperser cette arme aux quatre coins du pays. Nous devons faire attention.

- Et tous les gardes à la capitale ? C'est comme ça que tu défends tes habitants ? Que penseront les paysans de l'ouest s'ils apprennent que leur Roi refuse d'envoyer un Dragonnier en cas de besoin ? Et que pensent déjà les pêcheurs de la côte en voyant que les Hommes des Mers sont toujours là, après plusieurs années ? Que rien ne les repousse ? Où est passée la puissance de l'Empire ? Nous sommes un pays en paix, que personne n'ose envahir parce que nous avons les dragons. Mais cette réalité semble changer parce que l'Empire hésite à sortir ses dragons !

- Reste à ta place Lys !

- Justement ma place est là père ! Vous voulez que je gouverne ce pays et c'est ce que je ferais. Je ne fais là qu'exposer un fait ! L'Empire s'affaiblit !

- L'Empire ne s'affaiblit pas !

- Ce n'est pas l'image que vous donnez face aux Hommes des Mers.

- Ces hommes-là ne sont pas des envahisseurs. Ils ne sont que des pirates.

- Direz-vous la même chose si d'autres pays décident de se retourner contre nous parce qu'ils ne nous craignent plus ?

Le regard du messager passait du Roi au fils, du fils au Roi. Il n'avait jamais vu un tel échange entre les deux. D'une certaine manière, c'était la preuve que le Prince s'affirmait et que le Roi vieillissait.

- Aucun autre pays ne se retournera contre nous, nous entretenons nos relations pour cela. Nous enverrons de nouvelles troupes sur les côtes pour chasser les Hommes des Mers. Le problème sera vite réglé ?

- Vite réglé ? Ce n'est pas ce que tu as dit il y a quelques années déjà j'espère ?

- Où veux-tu en venir Lys ?

- Qu'il serait peut-être temps d'innover. De sortir de nos traditions avec nos Dragons vieillissant. De nombreux jeunes sont formés et les dragons eux-mêmes ne manquent pas. Le problème vient donc de la création des machines ! Une autre solution est possible pour augmenter le nombre de Dragons et ainsi ne plus être obligé de « préserver » nos troupes comme c'est le cas actuellement.

- Veux-tu donc créer plus d'armes, pour quoi ? Entrer en guerre contre des alliés ?

- Non je veux simplement m'assurer que la paix perdure et surtout que les habitants de l'Empire restent en sécurité.

- Ils sont en sécurité !

- Mais pour combien de temps ? Les Hommes des Mers sont de plus en plus présents et au Nord ça s'agite beaucoup. C'est bien pour cela qu'Iris a été envoyé là-bas non ?

- Tu t'inquiètes trop Lys.

- Je suis réaliste, c'est ce qu'un Roi doit être non ?

- Il n'y a aucun problème au Nord. Iris est simplement allé là-bas pour reparler de nos arrangements avec les peuples du Nord. Soit certains qu'ils ne désirent pas nous envahir !

Le message, toujours debout comme à son habitude, bougea, il s'avança, se permit d'intervenir, les coupant dans leur échange.

- Si je peux me permettre...

Le Roi tourna son regard vers lui.

- Oui ?

- Nous n'avons plus de nouvelles du Prince Iris et de la délégation qui l'accompagne depuis près d'une semaine. On ignore donc ce qu'il en est dans le nord.