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Alors qu'il réajustait sa capuche sur sa tête, autant pour conserver son anonymat que se protéger du soleil de fin d'après-midi, Lys sursauta au premier son de clairon qui raisonna dans la ville. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, Zownorha fut envahi par un véritable cortège. Musiciens, cavaliers, carrosses : tout était là.

Comme tous les passants présents, Lys les regarda, nullement impressionné par l'étalement de richesse dont faisait preuve toute cette troupe. C'était triste à dire, mais il était habitué. Lorsque les premiers gardes, droits sur leur monture, passèrent devant lui, le blond réalisa. Tous ces arrivants n'étaient pas là simplement pour se montrer aux beaux yeux du peuple. Ils étaient là pour la famille royale. Pour être plus précis encore, ils étaient là pour lui. Trop accaparé par les dragons et le créateur qui avait enfin accepté, il avait oublié. C'était aujourd'hui... En une soirée qui promettait d'être remplis d'étoiles, ses parents faisaient venir à la capitale sa première prétendante.

Lys avait treize ans à présent. Pour beaucoup cela restait jeune. Pour la famille royale, c'était le moment idéal pour commencer à chercher – et trouver – la personne qui s'assiérait à ses côtés sur le trône. Il sortait à peine de l'enfance et, déjà, on lui parlait de mariage. Il n'aurait pas lieu encore avant quelques années, bien sûr, mais, selon la tradition, il fallait savoir maintenant qui serait sa promise.

Le mariage... Il se sentait bien trop jeune pour y songer. Comment à son âge pouvait-il savoir avec qui il voulait se lier à vie ? Ce qui l'attristait le plus dans l'histoire, c'était de savoir que la promise, une fois choisie, n'aurait pas le choix. Qu'elle que soient ses envies, ses émotions, ses sentiments, elle serait forcée de se lier à lui. Lui qui, même s'il était destiné au trône, ne rêvait que de dragon. Cela ne semblait pas bien prometteur...

Caché derrière une mèche blonde, il regarda le premier carrosse passait devant ses yeux. Qui ses parents avaient-ils fait venir pour une première rencontre ? Il ne le savait même pas. Cela le concernait directement et il n'était pas mis au courant. Presque désespéré, il secoua la tête. Il n'était réellement pas fait pour la vie qu'on lui destinait.

Puis il réalisa où il était. Dans la rue, caché dans une cape mêlée au passant. À l'heure qu'il était, il aurait dû être au palais, dans sa chambre, en train de se préparer, aider par sa gouvernante. Il était cruellement en retard. Comme s'il venait de recevoir un violent coup, Lys bougea. Il partit en courant, empruntant des ruelles plus étroites pour devancer le cortège et arriver devant lui. Même arriver au palais, il allait devoir rentrer, avec la même discrétion que d'habitude, et regagner ses quartiers sans que personne ne soupçonne sa sortie et son retard. Ce cortège, aussi discret qu'une armée aux portes de la ville, lui offrait une diversion des plus profitables. Connaissant le chemin qu'il devait emprunter par cœur, il parvint, au final, sans grande peine, à rejoindre sa chambre. Ses nombreuses sorties et retour au palais donnaient l'impression qu'on pouvait rentrer et sortir de l'endroit le mieux garder de l'Empire comme dans un moulin. Ce n'était pas le cas. Lys avait l'avantage de connaître la moindre pierre de ce bâtiment : un avantage qu'une personne mal intentionnée n'avait pas forcément.

- Puis-je savoir ou vous étiez ?

L'héritier sursauta alors qu'il refermait la porte derrière lui. Concentré à ne pas se faire repérer jusqu'à ce qu'il arrive à sa chambre, il n'avait pas vu sa gouvernante qui l'attendait de pied ferme, une tenue dans les mains.

- J'étais avec le maître d'armes, tenta l'adolescent.

- Je me permets de vous le dire tant que vous n'êtes pas encore le Roi, mais sachez que ce n'est pas beau de mentir. Tout le palais est à votre recherche, y compris le maître d'armes.

Lys jura intérieurement. Riva ne pourrait pas lui servir de maître d'arme pour cette fois. Il allait devoir trouver autre chose.

- Disons que j'essayais simplement d'échapper à tout ça...

La femme, dans sa robe terne, qui était pour lui plus une mère que sa véritable mère, lâcha un petit soupir. Elle l'avait élevé, elle l'avait vu grandir, elle savait parfaitement comment il était et ce qu'il pensait. Toutes ces traditions et ces obligations... Ce n'était pas pour lui.

- Je sais que vous n'avez pas envie mais vous n'avez malheureusement pas le choix. Il faut se hâter à présent. Vous êtes attendus dans la salle de réception et votre tenue n'est pas du tout appropriée.

À cette soirée, interminable, il n'allait pas pouvoir y échapper. La mort dans l'âme, il enleva ce qu'il portait et enfila la tenue « présentable » qui avait été choisie pour lui. Des vêtements de hautes qualités, cousus de fils d'or, digne du prince qu'il était.

Passant une main sur son poignet droit, vide de tous bijoux, il s'approcha de sa table de chevet. Elle aussi était vide de tout objet.

- Tu sais où est mon bracelet ?

- Quel bracelet ?

- Celui que je porte toujours. Je ne sais pas quand je l'ai enlevé, je pensais le trouver là...

La femme jeta un regard rapide et se contenta de hausser les épaules.

- J'ignore où il se trouve. Vous le chercherez plus tard, vous n'avez plus le temps. Filez retrouver votre famille ! Et ne faites pas de détours !

Il n'avait pas son bijou porte-bonheur avec lui. Depuis quand il ne l'avait plus ? Plus rien n'allait en cette fin de journée et la soirée promettait vraiment d'être interminable. 

Lys et VagabondOù les histoires vivent. Découvrez maintenant