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L'endroit où il se trouvait ne payait pas de mine. De ce côté-là de la Rive, il se serait attendu à du luxe, de la beauté, beaucoup d'espace. Au lieu de cela, il avait été conduit dans une pièce unique, pratiquement vide à part une table en bois et des coussins dans un coin posés à même le sol. L'odeur de poussière et de renfermé avait quelque chose de familier, comme s'il se trouvait de nouveau de « son côté ».

L'enfant jeta un coup d'œil par la petite fenêtre. La rue, bien qu'étroite, semblait entretenue et agréable. Il n'avait pas retraversé. Aucun gardes ou adolescents en colère ne passèrent devant cette fenêtre. Où qu'il soit, cela lui avait permis d'échapper à ses poursuivants.

- Pourquoi m'avoir aidé ? Demanda le garçon, alors qu'il n'avait pas eu de réponse à la première question.

La personne, voûté, légèrement instable sur ses deux jambes, lui tournait le dos. Elle fouillait dans une caisse en bois, visiblement décidée à garder le silence.

L'enfant secoua la tête et se concentra sur le jeune animal qu'il tenait dans ses bras. Il avait toujours la gueule bloquée par une corde, cette même corde qui s'enroulait autour de son cou et lui servait de laisse. Sans craindre de se faire mordre ou griffé, il libéra le louveteau de ses liens. Il poussa un petit jappement de satisfaction et ouvrit grand la gueule, retrouvant des sensations. Son regard, jusque-là vide de toute émotion, se posa sur l'enfant qui lui rendait sa liberté. Pourtant, il ne bougea pas. Il resta allongé sur les genoux du garçon. Lui non plus ne le craignait pas.

Le libérer avait été un acte aussi irréfléchi qu'il lui avait semblé évident. Il ne pouvait pas laisser un jeune loup sauvage aux mains de petits riches prétentieux.

- Tu as faim ?

Le louveteau ne lâchait pas l'enfant des yeux. Enfant qui sortit le pain volé plus tôt de sa tenue. Il avait été écrasé durant la course. Quelle importance ? Le goût serait le même. Il en coupa un morceau et le tendit à l'animal. Ce dernier le prit et le goba presque tout rond. Lui aussi était affamé. Depuis quand n'avait-il pas mangé ?

Il lui donna un autre morceau qui fut avalé tout aussi vite.

- Tu m'en laisses un peu ? Moi aussi, j'ai faim.

L'endroit lui était inconnu, tout comme la personne qui l'avait conduit ici. Il ne se sentait pourtant pas en danger. Du moins, pas assez pour l'empêcher de manger. Son ventre réclamé de la nourriture depuis trop longtemps. Ce fut donc ensemble, tous deux encore jeunes, qu'ils partagèrent un repas.

- Ne mange pas trop vite, même si tu es affamé. Tu vas te donner mal au ventre.

L'inconnue parlait donc ? Elle s'était enfin tournée vers lui, révélant ses rides, ses cheveux grisâtres et le bâton de bois sur lequel elle s'appuyait. Une dame sans âge lui avait donc sauvé la mise ? L'enfant se souvenait de la force avec laquelle elle lui avait saisi le bras pour le traîner jusque-là. Était-ce vraiment cette vieille personne ? Elle en était capable ?

La femme – vieille femme – lui tendit un verre en terre rempli d'eau.

- Bois, tu dois avoir soif.

Il accepta, sans même se demander s'il y avait un danger caché. Il se contenta de boire. Dans sa gorge, l'eau coula, fraîche, désaltérante. Il n'avait jamais goûté une eau pareille. De l'autre côté, les algues, la poussière, la moisissure, rendaient l'eau infâme, mais ils n'avaient que ça.

- Qui êtes-vous ? Demanda encore une fois l'enfant.

- Et toi qui es-tu ?

Qui il était ? Une question qu'on ne lui avait jamais posé. Il n'était qu'un enfant des rues comme il y en avait beaucoup de l'autre côté de la Rive. Il n'était pas le seul orphelin à dormir dehors qu'il pleuve ou qu'il fasse beau. Il n'était pas le seul à faire les poubelles, espérant trouver quelque chose à manger. Il n'était pas le seul à avoir un avenir sombre, un avenir qui se terminerait sans doute rapidement ou brusquement. Personne ne se souciait de ce genre d'enfants.

Lys et VagabondOù les histoires vivent. Découvrez maintenant