26

6 1 0
                                    


Vagabond


            Avec l'habilité qui lui était propre, Vagabond grimpa à un arbre. Branche après branche, il alla aussi haut qu'il put. Escalader cette plante recouverte d'écorce, n'était pas bien différent que d'utiliser une gouttière pour atteindre le sommet d'un toi. Tant qu'il pouvait prendre de la hauteur, rien n'était un obstacle pour lui.

Parmi tous les arbres qui l'entouraient, le voleur des rues en avait choisi un parmi les plus grands. Il avait besoin de voir loin à l'horizon, il ne voulait pas être dérangé par de quelconques branchages. Dans le silence de la nuit, sur son perchoir improvisé, il observa. Malgré la pluie battante qui était tombée sur leur tête, les feux de la capitale se voyaient parfaitement. Lumière rouge et dévastatrice, se détachant dans l'obscurité. À la manière d'un animal, il renifla l'air. Une faible odeur de fumée lui parvint, même à cette distance. Les responsables de cette tragédie n'y étaient pas allés par quatre chemins. Si c'était le pouvoir qu'ils étaient venus chercher, ils l'avaient sans doute obtenu au détriment de la ville. Voulaient-ils régner sur un tas de ruine ? Dans son for intérieur, Vagabond espérait que tout ne soit pas détruit, que tous n'aient pas péri. Certains bâtiments pouvaient brûler, pour intimider la population, mais pas toute la ville.

Le voleur regarda une dernière fois, les lueurs flamboyantes de la ville attaquée – non sans une once de nostalgie – puis baissa le regard. S'il voyait encore la fumée, le feu et même les remparts en se concentrant bien, cela signifier qu'ils étaient encore trop proches de la capitale. S'il voulait que le prince soit en sécurité, il devait s'éloigner encore. Toujours plus loin.

Mais pour aller où ?

En vérité, il l'ignorait. En dehors de la capitale et de la forêt alentour, il ignorait tout de l'Empire. Tous ses sens étaient en alerte, mais lui, il était perdu, déboussolé. Il avait agi impulsivement pour sauver sa vie et celle du prince. Seul, avec Louve, il pouvait rester cacher dans les bois longtemps. Assez pour survivre et oublier cette tragédie. Avec l'héritier à ses côtés ? Il était en danger, c'était une évidence. Il allait être recherché, poursuivit. Pour autant, Vagabond ne se sentait pas de l'abandonner. Il était évident que le prince connaissait mieux l'Empire qu'un simple habitant des rues. Mais seul ? Pouvait-il s'en sortir ? Il en doutait.

Il ignorait si c'était le meilleur plan, il savait qu'il se mettait en danger mais il était persuadé qu'emmener le prince plus loin, en sécurité, c'était la meilleure chose à faire. Pour cet héritier, pour la capitale, pour l'Empire.

Lui, petit voleur qu'il était, pouvait s'habituer aux envahisseurs et ce qu'ils feraient de la capitale. Tant qu'il parvenait à voler et manger, il n'avait pas trop de problèmes. L'Empire, lui, le pouvait-il ? La Vieille ne lui avait pas enseigné l'Histoire et la politique, mais il sentait que non. L'Empire allait souffrir. Trop pour que même lui puisse accepter cela. Il était un voleur, oui, mais il avait une certaine conscience. Un tas de cadavre ne lui permettrait pas d'avoir assez de contrats pour continuer son marché.

Alors oui, il écoutait cette petite voix, au fin fond de son esprit, qui lui disait de poursuivre sur cette route, d'aider cet héritier qu'il avait fait sortir de la ville. Peu importe le danger, il le devait.

Un certain sourire s'afficha sur le visage du jeune homme. Qu'aurait pensé la Vieille s'il le voyait faire ? Cette ville lui avait pris son père. Une telle rage bouillait en elle, qu'elle avait passé sa vie à se battre – à sa manière – contre tout le monde. À tel point qu'elle en était devenue cette « légende » redouté, autant qu'oublié. À son échelle, elle n'avait fait que gêner quelques personnes et ça lui avait suffi.

Lys et VagabondOù les histoires vivent. Découvrez maintenant