Vagabond
Vagabond avait la sensation de se trouver dans un tout autre monde. Rien ne lui était familier ici. Il n'avait jamais vu des montagnes d'aussi près et cela changeait grandement l'architecture de la ville. Tout était plus rude, plus rocheux, plus abrupt. Il y avait des hauteurs, plus vertigineuses que celles qu'offraient les toits de la capitale. Ici, aucune rivière ne séparait la ville en deux. Il ne semblait pas y avoir de « bon » et de « mauvais » côté. Même les toitures étaient différentes : il ne s'agissait pas des tuiles rouges, mais plutôt une sorte de pierre plate et noire qui empêchait la pluie de rentrer. A peine quelques pas dans les rues, et le voleur savait qu'il allait devoir remettre en question toutes ses méthodes. Il était habitué à la capitale, il la connaissait par cœur. Ici, il perdait tous ses repères.
Pour autant, l'obscurité était la même partout. Et avançait dans l'ombre, il savait faire.
Il n'avait pas besoin d'être devin non plus pour deviner où il devait aller. La demeure du Premier Gouverneur était imposante. Comme l'Académie à Zownorha, elle attirait le regard. Elle n'avait pourtant aucune haute tour de laquelle observer toute la ville. Aucune large porte en bois capable de faire rentrer un géant. Elle se démarquait tout autrement. Construite à même la roche, entourée de sa propre muraille, avec sa propre porte gardée. La demeure était étroitement surveillée, y entrer n'allait pas être facile, surtout sans préparation.
- Alors comment on entre, Monsieur le voleur ?
Une ruelle les protéger de la vue de tous. Malgré le terrain inconnu, ils étaient parvenus jusqu'ici. Il ne leur restait qu'une muraille à franchir, qu'une porte et ils étaient dans la demeure. Le Premier Gouverneur était à portée de main.
- Si tu es pressé, tu peux entrer par la porte, tout simplement. Auquel cas, tu seras soit bien accueillit, soit arrêté, on verra bien. Si tu as encore un peu de patience, laisse-moi simplement observer et réfléchir.
Vagabond ne lâchait plus la demeure des yeux. Il la distinguait, au-delà de la muraille protectrice. Il voyait ses grandes fenêtres. Fenêtres qui devaient laisser passer autant le froid que la lumière. De là où il se trouvait, il était bien incapable de trouver un chemin à suivre.
Habituellement, pour ce genre de travail, il aurait pris plusieurs jours. Le temps suffisant pour analyser, étudier et comprendre. Il aurait envisagé plusieurs possibilités et Louve lui aurait grogné dessus lorsqu'il utilisait une voie trop risquée. Mais il n'avait pas plusieurs jours et Louve ne se trouvait pas avec lui. Elle était restée en dehors de la ville, dans la forêt. Par pure sécurité : un animal de cette taille-là ne passait pas inaperçu en ville.
- Restes-là ! Ordonna-t-il sans se soucier de parler à un prince.
- Où vas-tu ?
- Chercher un moyen d'entrer en toute discrétion.
Il quitta la rue, sans poser le moindre regard sur son compagnon de route. Caché sous sa capuche, profitant de la fin de journée qui se dessinait à l'horizon, le voleur s'approcha de la muraille. La franchir n'allait pas être des plus compliqués. Après tout, ils étaient entrés en ville sans attirer l'attention et sans encombre. Le plus grand obstacle était la demeure elle-même.
A première vue, il semblait impossible d'utiliser les fenêtres comme porte d'entrée, à moins de les briser. Cette méthode-là n'avait rien de bien discret. Il devait trouver autre chose et vite.
Un garde passa, un mur le cachait. Même dans une ville inconnue, les gardes ne l'effrayait pas. Avec leurs armes et leurs amures, ils étaient tous aussi lents les uns que les autres. S'il avait besoin de fuir, aucun de ses hommes ne serait assez rapide et agile pour le suivre et l'attraper. Il avait réussi tant de fois à échapper à des gardes. Et il était certain que le prince en était capable également. Après tout, n'avait-il pas fuis le palais à de nombreuses reprises ?
Après plusieurs minutes à observer, à chercher et à comprendre, Vagabond trouva sa porte d'entrée : un petit balcon, simple d'accès, avec une porte en bois, restée grande ouverte. Une parfaite opportunité !
- J'ai trouvé un passage, déclara-t-il en revenant auprès du prince. Est-ce que tu sais grimper ?
- Je me débrouille...
***
Vagabond ne s'était pas trompé en observant la demeure du Premier Gouverneur : il y faisait un froid glacial à l'intérieur ! Habitué à vivre dans les rues, le froid ne lui était pas totalement inconnu. Mais si proche des montagnes, il était saisissant, presque douloureux. Comment supportait-il de vivre ainsi ? Une simple question d'habitude sans doute.
Il n'y avait pas un bruit autour d'eux, rien trahissant la présence de quelqu'un. Tout semblait désert, inhabité.
- Tu es sûr qu'il y a encore de la vie ici ?
- La vie à Bawzo est bien différente qu'à la capitale. Tout est à la fois plus rude et plus calme ici. D'après l'ancien Premier Gouverneur, ça forge le caractère.
Le voleur observait avec attention tout ce qui l'entourait. Les murs de pierres, la maigre décoration, les armures exposées le long d'un couloir. La violence qui avait envahi la capitale, ne semblait pas être arrivée jusqu'ici. Ou alors, elle se cachait, dans chaque recoin, chaque zone sombre.
- Et maintenant, où va-t-on ?
- Je reconnais ces couloirs... J'y suis passé peu de fois, mais je ne les ai pas oubliés. Je dois trouver la chambre du Gouverneur.
Vagabond pencha légèrement la tête sur le côté, sans comprendre. Il savait reconnaître une maison qui avait de la valeur, différencier un objet important, d'une simple babiole, se cacher, avancer sans un bruit. Vivre dans l'ombre, c'était son monde à lui. En revanche, l'art de la diplomatie lui était totalement étranger. Il était pourtant certain que des conversations importantes et des négociations se déroulaient ailleurs que dans une chambre à coucher.
- Pourquoi la chambre ?
- Il me faut un endroit discret, sans garde, pour parler avec le Premier Gouverneur. Ce n'est que dans un premier temps. Au cas où... Restons prudent jusqu'au bout.
Il marquait un point !
- Et tu sais où se trouve cette chambre ?
Le regard de Lys se fit soudainement fuyant.
- Oui... Je sais.
Et le prince prit les devant. Rasant les murs, plus silencieux qu'une brise de vent, ils progressèrent dans les couloirs de la vaste demeure, jusqu'à une porte. Une énième porte. Elle ne semblait pas bien différente de toutes les autres qu'ils avaient pu voir, mais Lys resta figé devant.
- Je vais y aller seul.
- Est-ce vraiment prudent ?
- Khor, le Gouverneur, ne me fera rien.
Vagabond n'avait plus son mot à dire. Après tout, ils n'étaient ni frères, ni vraiment amis. Simplement réunis par le concours des circonstances. Il n'était pas garde du corps non plus. Il l'avait conduit jusqu'ici. Quels que soit la suite des événements, en bien ou en mal, il avait fini son rôle et ne pouvait rien faire de plus.
Pourtant, lorsque Lys disparu derrière la porte, le voleur ne put s'empêcher de rester non loin, tapis dans l'ombre, juste au cas où. Une minute, une heure ou une journée, il attendrait ainsi, caché, discret, pour être certain qu'il n'y avait plus de danger imminent.
La vie lui avait appris à être prudent...
VOUS LISEZ
Lys et Vagabond
AdventureLys est un enfant royal, l'aîné, qui ne veut pas du titre de roi. Lui ce qu'il veut, c'est découvrir le monde sur le dos d'un dragon de fer. Mais on lui refuse. Il fera pourtant tout pour y parvenir, jusqu'à demander l'aide d'un voleur... DU voleur...