Lys et Vagabond

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Vagabond

Pour la première fois depuis quelques années, Vagabond ne se sentait pas à sa place. Réellement pas à sa place. Et pour cause ! Il venait de passer les murs d'enceintes de l'endroit le mieux garder de la ville, voire de tout le pays. Pour l'Empire, le palais royal était l'endroit le plus important, l'épicentre de toutes les décisions. Même les fortunés de la ville n'avaient rien à faire là s'ils n'y étaient pas invités.

L'enfant avait suivi un autre intrus. Bonne ou mauvaise idée ? Peu importait. Tous deux n'avaient pas été repérés. À présent qu'il se trouvait à l'intérieur, l'enfant des rues ignorait où se trouvait l'autre sous sa cape. Infiltré quelque part dans ce château... Vagabond n'avait aucune raison de se soucier de lui, il devait avoir ses propres raisons d'être là.

Découvrant autant de splendeur pour la première fois, il regardait tout avec de grands yeux, émerveillés. Ces grandes colonnes, ces tapisseries cousues à la main certainement durant des heures, ces statues et même les portes. Tout transpirait la richesse, la supériorité... La royauté.

Des pas raisonnèrent, des claquements sur le sol de pierre parfaitement lisse et sans la moindre tâche. Un bruit, se rapprochant, lui rappelant qu'il n'avait rien à faire là. Si quelqu'un le voyait, c'en était fini de lui. Machinalement, usant de sa petite taille, il se faufila derrière une statue. Il régula même sa respiration pour faire le moins de bruit possible. Juste à temps ! Deux personnes passèrent devant lui. Une femme aux pas légèrement tremblants à cause de l'âge et un jeune homme, blond, sortant tout juste de l'enfance.

- Je n'ai pas envie d'y aller, surtout si je n'ai pas mon bracelet porte-bonheur !

- Il fallait y penser avant et rentrer plus tôt ! Hâtez-vous à présent, vous devez être aux côtés de votre père lorsque les invités seront là !

Le blond, dans sa belle tenue cousue de fils d'or, se contenta de lever les yeux aux ciels et traîna un peu plus du pied, cherchant à être plus lent encore. Ni l'un, ni l'autre ne firent attention à la statue qui servait de cachette à l'enfant des rues. Pour une, ce n'était qu'une décoration qu'ils avaient l'habitude de voir chaque jour. Ils quittèrent le couloir et Vagabond n'entendit plus rien. Il pouvait sortir sans craindre d'être vu, du moins il l'espérait.

Il osa un coup d'œil en dehors de sa cachette. Personne. Silencieusement, il sortit et, sur la pointe des pieds, il s'aventura un peu plus loin dans ce palais. Il ignorait où aller, ni même pourquoi y aller. Il était poussé par la curiosité, il avait ce goût de l'aventure. Il passa devant plusieurs portes et n'en ouvrit aucune. Il avait cette petite voix dans sa tête qui lui ordonnait de rester prudent. Une porte ouverte était une invitation à entrer : il pouvait voir ce qu'il y avait de l'autre côté, s'assurer qu'il n'y a aucun danger. Une porte close, en revanche pouvait cacher bien des dangers. Pas après pas, il se contenta de suivre ce couloir. Il s'arrêta lorsqu'une immense fenêtre se présenta à lui. De son jeune regard, il se permit un coup d'œil sur l'extérieur. Même la vue était magnifique. Installée sur sa petite colline, être au palais permettait de voir la ville de haut. De là où il était, il voyait même la délimitation entre le « bon » côté et le « mauvais » de la ville. De cette fenêtre il pouvait admirer autant la splendeur de Zownorha, que son mauvais côté. Planté là, il devina la Rive, ses ponts permettant de traverser. Il visualisa les rues qu'il avait l'habitude de prendre, il s'imagina louve qui l'attendait quelque part en contrebas. Il essaya également de voir les différentes cachettes de la vieille – là où il avait l'habitude de vivre à présent – mais il n'en trouva aucune. De l'angle où il se trouvait il lui était impossible de les voir. Comment la famille royale pouvait accepter de voir chaque jour une partie de sa ville pourrir ainsi ? Il était impossible de le rater, l'enfant était certain que c'était visible de chaque fenêtre de ce palais. Avec le rang qu'ils occupaient au sein de l'Empire ils ne pouvaient donc rien faire ?