Chapitre Intermédiaire

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Inconnu


Il marqua un arrêt, juste avant de franchir les hautes portes.

Il hésitait ? Non.

Avait-il peur de ce qu'il allait voir ? Pas du tout. Il avait voulu cela. Il l'avait imaginé, il l'avait mis en œuvre.

Pourquoi cet arrêt ? Il voulait simplement prendre son temps, savourer le moment présent, apprécier le fruit de sa réflexion. Il prit une grande inspiration et remit sa monture en marche. Il était bien entouré pour faire son entrée en ville. Tout un groupe de garde qu'il ne connaissait pas et dont il se souciait peu de connaître l'identité. Ils avaient été chargés de garder un œil sur lui et c'est ce qu'ils faisaient. Cela n'allait pas au-delà.

Frêle sur sa grosse monture et pourtant fier et sûr de lui, il posa son regard sur chaque détail qui se présentait à lui : une maison qui brûlait, un corps laissé sans vie au milieu de la rue, un enfant pleurant dans un coin, une étale renversée, un Dragon tombait à terre...

Cette ville, cette capitale, pourtant en fête jusqu'à présent, n'était plus qu'un triste endroit. Un lieu de désolation ou la douleur et la peine étaient omniprésentes.

Il stoppa une nouvelle fois sa monture. Le bâtiment qui se dessinait devant lui était immense. L'Académie faisait rêver tant de monde, les enfants surtout. Chacun espérait pouvoir y entrer, ne serait-ce que pour le visiter. Les plus chanceux rejoignaient les bancs de l'Académie et les plus fortunés devenaient des Dragonniers. À présent, ses grandes portes de bois avaient été éventrées, un brasier brûlait à son sommet et l'odeur du sang avait tout envahi. L'Académie était à l'image du reste de la ville : un lieu de désolation.

Il ne s'attarda pas plus sur le bâtiment. Lui était différent des autres enfants, l'Académie ne l'avait jamais fait rêver. Lui aspirait à autre chose. Ses désirs s'étaient toujours tournés vers quelque chose d'autre, un bien qui se trouvait à la fois si proche et pourtant, lui était inaccessible.

Il poursuivit sa route, tout droit vers le palais. Malgré le sang recouvrant la pierre, les corps jonchant le sol et les portes grandes ouvertes, le mal semblait être moins présent ici. Comme s'il s'était affaibli ou s'il avait souhaité faire moins de dégât en ces lieux. Détruire une maison n'avait aucune importance. Briser, fissurer, brûler le palais royal était une tout autre affaire. Lui, sur son fier destrier, ne voulait pas que le palais s'effondre sous les flammes. Lorsqu'il avait mis son plan en place, il avait souhaité, il l'avait même exigé : le palais ne devait pas s'effondrait. Il en avait encore besoin. Tout ceci, ces morts, ce sang, cette terreur n'avaient que pour seul et unique but le palais royal. Ses grandes salles, ses objets recouverts d'or, son trône : tout cela dans le creux de sa main. Il l'avait toujours voulu et à présent c'était là, à quelques pas seulement de lui.

Il mit pied à terre, laissant les rennes de son cheval au premier homme qui lui tendit la main et franchit les portes du palais... Seul. Il n'y avait ici plus personne pouvant s'en prendre à lui et le but était atteint. En marchant, il ne s'attarda sur aucun corps. Il ne voulait plus retarder l'événement. À pas rapide il rejoignit la salle la plus importante que ce palais avait à offrir : la salle du trône.

Enfin...

Il était devant lui. Il n'avait plus qu'un pas à faire et il pouvait s'asseoir dessus. Il tendit la main vers lui, un sourire s'affichant sur ses lèvres. Tant de jours, de mois, d'années à espérer, et il touchait au but.

- Le Roi a été mis au fer Monsieur, nous attendons vos instructions à son sujet.

- Quand est-il des invités ?

- Ceux qui ont tenté de résister ont péri. Les autres sont enfermés dans la salle de réception, sous surveillances.

- On s'occupera d'eux plus tard...

Du bout des doigts, il toucha le dossier du trône. Froid, forgé dans le fer, recouvert de cuir. Il s'était attendu à un contact plus chaleureux. Déçut ? Il ne pouvait pas se permettre de l'être.

- Quand est-il du Prince héritier ?

- Il est introuvable Monsieur.

Il tourna la tête vers l'homme chargé de lui faire le rapport. Son sourire avait disparu. Cette nouvelle ne lui plaisait guère. Lorsqu'il avait imaginé son plan, toute la famille royale, à cet instant précis, devait croupir au fin fond des cachots de ce palais. Aucun ne devait manquer à l'appel. Le Prince introuvable, cela présentait des risques pour lui, pour la suite. Il allait lui mettre des bâtons dans les roues. Il le savait assez ingénieux pour détruire tout ce qu'il venait d'entreprendre. Il ne pouvait pas échouer, pas si près du but.

- Retrouvez-le, tout de suite ! Lâcha-t-il d'un ton sec. Le Prince ne doit pas nous échapper !

- Bien Monsieur.

L'homme partit, donnant ses ordres. Lui, il se concentra de nouveau sur l'objet de ses désirs : le trône. Il ne pouvait plus attendre, il l'avait tellement souhaité. Son sourire revenu, il s'assit dessus en conquérant. Droit, fier, il se voyait déjà comme un Roi !

- Parfait... La fête peut reprendre à présent !

Lys et VagabondOù les histoires vivent. Découvrez maintenant