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Les jours passaient, rien ne changeait. La pluie coulait sur le béton ternit par l'âge, elle embrassait le sol d'une senteur pétrichor. Les gouttes pulsaient du ciel, violentes, elles écrasaient les derniers brins de lumière. Le pigment, mouillé, abîmé, coulait comme une aquarelle. Au rythme d'un violon enragé, elle frappait la lumière d'un éclair. L'Aube coulait sous la lumière, aveuglante, même lorsqu'il essayait de faire marche arrière, même lorsque le Clair de Lune lui offrait son ombre. Lui promettant de revenir, même quand la lumière fut trop aveuglante.
L'Aube, fidèle à sa promesse, fidèle à son cœur, et à l'amour insatiable qui faisait vibrer ses entrailles.

L'Aube revenu, ses blessures n'étaient pas pansées. Il tendait l'oreille, essayait d'entendre, un battement de cœur derrière cette porte de bois.
Ouvrant la porte, une nouvelle poussière flambant l'air. La chaleur du Crépuscule avait disparue. Une fine feuille, salie à l'encre bleue, sous le vase de leur première fleur.
Les yeux embués de l'Aube, comme un objectif trempé dont le lentille fut bien trop vite abîmée. Relevant la feuille parcheminée, serrant le papier jusqu'à le froisser. Sa pluie salée coulait sur l'encre, son cœur flambait, sous le poids d'un soleil dérobé.

« Tu me manqueras.

Hier, aujourd'hui et demain.
J'ai peur, Taehyung, j'ai peur de mourir. J'ai peur de me perdre sans toi. Quand le bateau coulera, où sera ma bouée si tu n'es pas à mes côtés ?
Je me déteste, Taehyung. Je te déteste. Je nous déteste. Je déteste ce que nous devenons. Je déteste ce que nous avons toujours été.
J'ai peur de couler sans toi. J'ai peur d'être ton premier amour, j'ai peur de ne pas être le dernier. Laisse moi partir, laisse moi m'envoler, laisse ton Crépuscule devenir Solaire, tu n'avais pas le droit de laisser ce nuage en moi. S'il te plaît, attends-moi lorsque tu seras à nouveau toi. Cours, cours tant que la tempête ne frappe pas. Cours, même quand le Clair de Lune disparaît. Cours Taehyung, ne te retournes pas. Je te rattraperai, reste en vie, pour moi, tout y ira bien si tu veux bien m'attendre. Je dois le faire, pour nous, j'en ai besoin. Arrêtons le feu, mes ailes me brûlent.
Je n'avais pas le droit de te mentir, Taehyung. Détestes moi, détruits moi. Mais tu sais que je ne me sens pas capable d'endurer ça à nouveau, ni pour nous, ni pour toi. Ce n'est pas juste aller mieux, Taehyung. C'est me regarder dans le miroir et croire à nouveau en moi, croire en nous. Te connaître a bouleversé ma vie , et, pour la première fois, j'ai ressenti ce que cela signifie vraiment de vivre, et pas seulement d'exister.
Tu nous as détruits, mais je t'aimais si fort. J'ai essayé d'effacer ton nom , gravé sur mon cœur, mais tu es revenu encore et encore. Je t'aimais, je t'aime et je t'aimerai pour le reste de ma vie, mais il est temps de partir. Je t'aime d'une manière inconditionnelle, mais laisse-moi nous détruire une fois de plus, laisse-moi t'effacer de mon cœur. Partons, car c'est probablement la bonne chose à faire. Tu étais probablement la bonne personne pour moi, mais tu n'es pas apparu au bon moment. Retrouvons-nous, dans une vie future, vivons heureux, car tu mérites probablement notre amour, et peut-être que moi aussi.
C'est probablement la bonne chose à faire.

- Ton premier amour, mon Aube, la prunelle de mes yeux,

Je T'aime. »






L'Aube se détesta. Il détesta son monde, il détesta son âme. Il détestera le reste de son existence, tant il aurait aimer détester son Crépuscule.
L'Aube détesta son monde, souhaitant effacer la couleur du Crépuscule.

Mais Taehyung aimait trop Jungkook pour le briser. Il l'aimait comme son Crystal, sous neige et soleil.
Il pleurait son désespoir, serrant le draps froid, laissé à l'identique, comme s'il n'était jamais partit. Caressant cet odeur si familière du bout des doigts, rêvant d'une nuit où le soleil n'avait pas disparu.

L'Aube connaissait son Crépuscule, plus qu'il ne se connaissait. Il savait que le Crépuscule n'allait pas tarder à rentrer, il savait où le trouver. Mais il ne s'y rendit pas, les larmes bien trop ancrées sous sa peau. Lui promettant seulement de l'attendre. Reste en vie, tant que je suis de ton côté. Les heures coulaient comme l'Or, et dans une autre dimension, le Crépuscule aurait embrassé les paupières enflées de son Aube argenté.

C'est l'histoire de l'Aube et du Crépuscule, qui se sont aimés bien trop fort, bien trop tôt, jusqu'à s'en brûler les ailes.
C'est l'histoire de Taehyung et Jungkook, qui se sont aimés bien trop sincèrement, au mauvais moment.
C'est l'histoire de deux âmes sœurs, qui auraient sûrement dû se connaître dans une autre vie, et celle-ci n'était peut-être pas la bonne.

.

L'Aube coulait de petites gouttes glacées tombées d'une nuit d'Éclair. Il se rappelait de chaque touchés, de la chaleur de ses lèvres contre les siennes. Corps fermement enlacés, la pulpe chaude de ses doigts glissait sous son chandail, retraçait la courbe gracieuse de son corps de coton. Fermés, ses yeux regardaient pourtant l'horizon, croisant la digue, quittant le navire.
Il se rappelait, ressentait à nouveau cette chaleur désormais si lointaine. La peau frissonnante, comme si ses doigts y étaient encore. Comme si il pouvait encore sentir ces fins bras entourer sa fine taille, faiblement, comme si il avait peur de le briser. Comme si il pouvait encore ces faibles paroles, chuchotées, comme une promesse, un pardon.

Les larmes s'entrechoquèrent, elles dévalaient ses joues pouponnes, ces mêmes joues qui avaient rosies par ce même amour qui les as trempées. Mais Taehyung comme Jungkook espéraient une fin meilleure.

.

Ceux qui sont morts d'amour ne montent pas au ciel :
Ils n'auraient plus les soirs, les sentiers, les ravines,
Et ne goûteraient pas, aux demeures divines,
Un miel qui du baiser pût effacer le miel.

Ils ne descendent pas dans l'enfer éternel :
Car ils se sont brûlés aux lèvres purpurines,
Et l'ongle des démons fouille moins les poitrines
Que le doute incurable et le dédain cruel.

Où vont-ils ? Quels plaisirs, quelles douleurs suprêmes
Pour ceux-là, si les cœurs au tombeau sont les mêmes,
Passeront les douleurs et les plaisirs sentis ?

Comme ils ont eu l'enfer et le ciel dans leur vie,
L'infini qu'on redoute et celui qu'on envie,
Ils sont morts jusqu'à l'âme, ils sont anéantis.*


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*Sully Prudhomme

𝐒𝐇𝐀𝐃𝐎𝐖 [ᴋᴛʜ+ᴊᴊᴋ] RÉÉCRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant