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Jungkook rayonnait. Du haut de ses 16 années, était considéré depuis toujours comme un « intello » , faible appellation pour un être aussi humain, aussi intelligent et vivant.

C'était du à cette intelligence qu'il s'est vu forcé d'intégrer les cours scientifiques de niveaux supérieurs, pour « accroître son savoir » et « manier ses capacités », chose qu'il ne faisait absolument pas.
C'était, à ses yeux, une plaie. Devoir vivre, ressentir, comprendre tout, être constamment à fleur de peau, avait le même effet que de l'acier chaud sur une cicatrice infectée.
Malgré son intelligence quasiment hors du commun, voilà bien un défaut proéminent du lycéen : il était naïf. Une naïveté abominable, le laissant croire toutes paroles, aussi mauvaises que possible. C'est pourquoi toute sa vie , il avait acquiescé sur parole celles de ses parents, de ses amis.

« Personne n'aime ton dessin trésor, rangé le, va étudier.

Non Jungkook, tu n'es pas comme eux, tu n'es pas une sale pédale, tu n'es pas encore une pourriture.

T'es un garçon vraiment mignon, mais désolée, tu fait trop fille.

Mec, détend toi putain on dirait un coincé ! »

Alors, comme pour prouver l'inverse, il s'était efforcé d'être le plus drôle, le plus joyeux, le type sympa du collège qui a de bonnes notes et qui est sacrément beau. Le stéréotype du fils d'avocat, riche, bien élevé. Il était le genre de personne hilare chaque secondes, tactile, compréhensif. La perfection. Et ô combien l'on savait que sa perfection était enviée.

Mais jusqu'à la fin, c'était des « tout va bien ».

Sauf que ça ne va plus. Mais ça ira toujours bien.


Enfin,

« Tu devrais partir Jungkook... » Cette dernière fut la plus frappante.

Ces mots résonnant depuis plusieurs jours dans sa tête, il ne pouvait se résoudre à les faire sortir. Il n'en avait que faire, des polissons, parlant d'un langage trop brut pour une personne aussi délicate et pure que lui. Mais lui, c'est lui. C'est Taehyung. Et justement, c'est ça le problème.

En rentrant chez lui, sentant toujours le tabac froid, des tâches d'encres ornant iris fatiguées, sa peau blafarde tel un grain de Lune : n'importe qui doté d'un minimum de bon esprit aurait pu douter de son bien être.

Car depuis que sa Venise a disparue dans les abysses charbonneuses du mutisme, son monde était ternit, comme un bois ancien.

.

Le printemps des regrets ont fui les noirs hivers

Sans l'apercevoir, il se met à pleuvoir.

Une larme coule sous la pluie.

L'orage brutal menace de briser ses larmes cristallines, son visage porcelaine.

Il se dépeint, le pigment du Crépuscule.

Les couleurs gisantes sur l'eau, le torrent déroute tout.

Maintenant que l'Aube est marine,
Que le Crépuscule est ternit,
La lumière est encrassée,
Comme une vitre abandonnée ;

C'est l'apogée des lumières.

.

Il monta directement dans sa chambre, enfilant ses écouteurs et un carnet de note, puis il s'assit sur le rebord de l'escalier en bois.
De là il pouvait entendre distinctement la cacophonie des voix de ses géniteurs, se battant inlassablement à coup d'injures et de calices brisés contre le parquet si durement nettoyé par l'enfant unique de la demeure.
Cela faisait bientôt 2 ans, que les cadres de mariage sont devenus des affiches sur la procédure de divorce, le planning de la futur garde alternée de Jungkook.
Les cris continuaient un moment, avant que l'irrésistible soit commit, Jungkook venait toujours s'interposer entre son père, souvent bien trop alcoolisé, et sa mère, dont le maquillage dégoulinant frottait ses bijoux luxueux -qui provenaient d'on ne sait d'où-.
C'était la seule façon d'arrêter les engueulades, quand ça marchait.

À ses 13 ans, il s'était exploser un vase sur le bras pour calmer les tensions tellement tout était trop fort.
Forcer l'instinct parental à se réveiller.
C'est l'amalgame d'une famille dégonflée , trompée qui l'avait amené à être ça. Tout ce dont il avait besoin était son papa et sa maman, faisant un gâteau au chocolat avec leur petite perle ,la farine plein les doigts. Et il ne l'a pas eu. En y pensant, il a obtenu bien meilleur.
Il l'avait, lui, et son teint caramel terne, lui et ses jolies bouclettes, lui et ses lèvres gercées qu'il triturais sans cesse, lui et son torse nu, chaud, et lui, d'Or, couché sur une Aube aussi légère que le coton en fleur. Ils étaient si beaux comme ça.

Repassant ses dernières notes, il reconnut une écriture familière.

« Mon ange, est-ce une brise de vent que je viens de sentir ?

Fait-il si bon , tout d'un coup ?

Je le pense, que c'est splendide.

C'est un peu comme une journée de printemps

C'est un peu comme toi ?

La Lune n'est plus loin ! Il est tard

C'est sûrement un morceau de nuit qui caresse ton doux visage »

Les yeux embués, il s'imaginait le sourire en coin de son Aube, relevant ses joues, détaillant ses grains de beauté et ses yeux , actifs sous la concentration. Il voyait sa drôle de façon de tenir son stylo, causant toujours une tâche marine sur sa main gauche.

Si il était là tout serait juste plus facile,

Mais ça faisait bientôt deux semaines.

Et en deux semaines, le Palais des Plaies tournait comme à la veille de la Révolution, ça gronde comme un sentier, ça tremble et ça saigne sous les coups. Ça brûle, car depuis que l'Aube ternit de couleurs, le feu reprend de plus belle, il stagne sous son épiderme et pique comme de l'acide. Le feu est flamboyant et étouffe le Crépuscule, les ailes du Phoenix fondent en cendres dans la cage d'Or.

.

Aux étoiles j'ai dit un soir :
« Vous ne paraissez pas heureuses ;
Vos lueurs, dans l'infini noir,
Ont des tendresses douloureuses ;

« Et je crois voir au firmament
Un deuil blanc mené par des vierges
Qui portent d'innombrables cierges
Et se suivent languissamment.

« Êtes-vous toujours en prière ?
Êtes-vous des astres blessés ?
Car ce sont des pleurs de lumière,
Non des rayons, que vous versez.

« Vous, les étoiles, les aïeules
Des créatures et des dieux,
Vous avez des pleurs dans les yeux... »
Elles m'ont dit : « Nous sommes seules...

« Chacune de nous est très loin
Des sœurs dont tu la crois voisine ;
Sa clarté caressante et fine
Dans sa patrie est sans témoin ;

« Et l'intime ardeur de ses flammes
Expire aux cieux indifférents. »
Je leur ai dit : « Je vous comprends !
Car vous ressemblez à des âmes :

« Ainsi que vous, chacune luit
Loin des sœurs qui semblent près d'elle,
Et la solitaire immortelle
Brûle en silence dans la nuit. »*

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Et peut être que dans une autre dimension, leur mains seraient flamboyantes de pastels luminescentes.

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*Sully Prudhomme

𝐒𝐇𝐀𝐃𝐎𝐖 [ᴋᴛʜ+ᴊᴊᴋ] RÉÉCRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant