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Les cris s’envolent, le bruissement incessant du caoutchouc frottant le sol abîmé et le bitume humide de la pluie dernière.

C’était un lundi gris, un lundi maussade.
Un lundi accompagné du Crépuscule et de l’Aube, refroidis. Il n’est que 8h, mais la peur d'autrui à bien trop ressurgie.
Aube avait peur, Crépuscule avait peur, l’Eclipse avait peur. Aube et Crépuscule se tenaient la main, fort, très fort. Car ils sentaient, le regard d’autrui sur eux.

« - Taehyung, j’ai peur.
-          Je suis là sunshine. »

Et il arrivait à sourire, car même dans les ténèbres on voyait l’âme poétique d'une muse et de son écrivain, lumière dans la pénombre. Ils brillent, ils rayonnent, ils satinent. Ils sont de nacre, ils sont de poussière. Mais avant tout, ils sont de lumière.
Alors, les doigts liés, le cœur battant, ils s’avancent dans la Grande Allée. Ils bravent la peur.

« - Je viendrai te chercher à ton dernier cours. » chuchote Aube à l’ouïe de Crépuscule, qui lui répondit d'un doux sourire.

Taehyung savait, ce qu'il allait endurer, comme toujours depuis trois années. Secrètement, il espérait que Crépuscule n'en saurait rien, par peur du rejet,  de la honte. Bien que, au fond il savait que ce n’était qu’une illusion, que jamais Crépuscule ne l’abandonnerait. Il valse dans le couloir au rythme de la cloche qui retentit. Il est 8h, Et Le Temps N’a Plus D’Heure.
 

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Comme promis, à 12h, Taehyung était devant la salle d’anglais de son blond. Sa matinée fut, rythmée comme à son habitude.

Des cris.
Des injures.
Des rires.
Des coups.

Et Taehyung endurait tout, pour protéger le Crépuscule n’ayant pas encore déployé l’intégralité de sa lumière. L’aube se tasse, et laisse place à la Lumière.
L’horloge sonne sur 12h05. Presque aussitôt, l'on entendit le grincement des chaises et le frottement des feuilles rangées dans la foulée. Presque aussitôt, Crépuscule et Aube se souriaient. Aube l’enlace, lui demandant comment il va. Crépuscule lui répond que tant qu'il est là, tout va bien. Crépuscule attrape la frêle main d’Aube, et l’entraîne vers l’escalier le plus  reculé de l’enceinte scolaire ; le toit. 

Ils rigolent, et montent l’escalier de fer. Dehors il fait tamisé, froid. Sous la condensation, la respiration devient fumée, dissimulée par la cigarette que Jungkook entamait.

«- Jungkook, où sont tes parents ? »

Taehyung était assit, le dos reposant sur un bloc de béton.

« - Ma mère est avocate, mon père est médecin. Taehyung tu sais, depuis petit ils cherchent à faire de moi un prodige, ils s'en foutent de ma gueule. »

Aube souffre, il sent la colère de Crépuscule.

Crépuscule à les yeux nourris de larmes, d'une pluie naissante qui ne demande qu’à déferler.
Aube s'approche de Crépuscule, il lui encercle la taille de ses deux bras meurtris, dissimulés par un de ses gros pulls en laine.
Il lui réchauffe le cœur. Crépuscule se sent comblé, il sent le nez et la douce chevelure de son noiraud dans son cou, sentant parfois sa tête légèrement s'incliner pour lui déposer un baiser de pouponnière.
Jungkook laisse tomber sa tête en arrière, regardant la fumée nocive ingérée doucement s’évaporer.

« Mon ange, je suis fier de toi. »

Et pour la énième fois, ils s'enlacent. Et tout va  pour le mieux car ils sont ensembles. Aube tourne doucement sur lui-même,  se détachant de son Crépuscule, récupérant son cellulaire de la poche de sa veste. Il enclenche une musique, du jazz. Il se laisse porter par la mélodie, il fait rire sa douce étoile. Il s’approche malicieusement, attrapant du bout de ses doigts la cigarette auparavant présente entre les lèvres du plus jeune. Il inspire la toxicité. Et il se sent vivant.

«  Mes géniteurs sont divorcés. Quand j'avais douze ans, j’ai su que je n'aimerai jamais de femmes. J’étais une lumière, j’étais de satine. Je suis de ceux qui étaient extravertis, qui étaient naïfs, pleins de vie. Je me souviens de ce Noël en famille, le dernier.
Nous étions attablés. Tout le monde rigolait. Nous étions heureux. Et sans savoir pourquoi, j’ai dit à mes parents que j’aime les hommes. Ils ont exposés en sanglot,
« Non chéri, tu n’es pas ça. »
Je pense que c’est à cet instant que je suis devenu l’Aube de moi-même. Trois jours après mon annonce, la procédure de divorce était entamée.
Ils m'ont jetés à la porte trois mois plus tard.
Avant ça, ma mère et moi étions proches, elle était kinésithérapeute, mon père était chef d’entreprise. J’ai tout fait volé en éclat. J’ai vécu dans le froid, j’ai connu la rue à mes treize ans. Il y avait ce garçon, d'un roux éclatant, qui était venu me voir en pleine nuit. De ce qu'il m’a dit, j’étais inconscient.
Il m’a hébergé jusqu’à ce que je trouve un appartement et un travail .
À quinze ans, j’ai vécu par moi-même, Il était mon seul ami. Il s’appelait Jimin, je suis sûr que tu l'aurais beaucoup aimé, Jungkook. »

Des sanglots.

Après le long monologue de L’Aube, le seul bruit ambiant était des sanglots étouffés. Et Jungkook se précipita dès lors dans les bras de Taehyung. Il lui disait qu'il était désolé, qu'il mérite mieux, qu'il l’aime. Taehyung sait. Il le ressent.

Ils se bercent de longue minutes, sous le soleil froid de Novembre.

«  -Où se trouve Jimin, désormais ?
-          Jimin était un artiste aussi, c’était un danseur. Il vivait de danse, il vivait en dansant, rythmé par la mélodie du piano de son amour. Jimin et Yoongi, s’aimaient passionnément. Ils étaient de ceux qui étaient en colère contre la société, alors ils ont juste arrêté. Je me souviens du jour où j’ai eu mon premier salaire. J’ai été chez Jimin et courant le plus vite possible, j’ai enfoncé la porte sous l’euphorie. Puis j’ai vu, les corps inertes, leur mains liées, ensanglantées. J’ai lu cette lettre , qu'ils ont signés d’un «  ym ». Maintenant, je comprend pourquoi. Souvent j’y pense, et je me dit qu'ils sont heureux désormais. »
 
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Pour vivre indépendant et fort
Je me prépare au suicide ;
Sur l’heure et le lieu de ma mort
Je délibère et je décide.

Mon cœur à son hardi désir
Tour à tour résiste et succombe :
J’éprouve un surhumain plaisir
A me balancer sur ma tombe.

Je m’assieds le plus près du bord
Et m’y penche à perdre équilibre ;
Arbitre absolu de mon sort,
Je reste ou je pars. Je suis libre.*
 

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4h sonne. Crépuscule a peur. Alors Aube protège sa lumière il empêche le feu de brûler. Il l'entraine rapidement dans les rues de la capitale, lui emboîte le pas en lui tenant la main. Jungkook observe d'un regard absent, mélangeant ses idées et pensées.

C’est l’histoire de deux âmes poétesses.

L’aube craint que le Crépuscule ne soit endormit. Il s'enfonce dans son appartement. Il verrouille la porte à double tour, enclenche tout les cadenas et met une chaise devant la poignée. Il ferme les fenêtres, descend les volets, ferme les  rideaux. Il éteint la lumière, il allume des bougies. Il met le chauffage, fait chauffer du lait. Et Crépuscule regarde, observe, les mouvements tremblant, rapides d’Aube. Mais il ne comprends pas, il ne comprends rien. Il a chaud, mais terriblement froid, et il voit du Noir, il broie la douleur. Il se laisse bercer dans le sommeil le plus profond sur Terre.

La Résonance s’écroule inerte.

Dans une autre dimension où Jungkook est conscient, il voit les larmes de Taehyung sur sa peau, il entend son bien aimé crier son nom en l’espoir d'un signe de Vie.
Ce soir, L’Aube et le Clair de Lune pleurent l’absence du Crépuscule.
 

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*Sully Prudhomme.
 

𝐒𝐇𝐀𝐃𝐎𝐖 [ᴋᴛʜ+ᴊᴊᴋ] RÉÉCRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant