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dédié à bobeeeeeeee.

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Un soir étoilé, dans un début de printemps.

Je lui parlais de ma journée sans grand intérêt, observant ses pupilles noisettes. Tout ce que j'y voyait, était de l'amour. Si bien que je n'étais pas en mesure de dire si cela était réel, si cela était sincère ?

« Même si cet amour n'était qu'un rêve ? Je pense que ça ferait un peu mal ? Mais du moins, je ne regretterais jamais de t'avoir vu, rien qu'une fois ? C'est comme de l'or incandescent, joliment sertis.
Mais l'or, ne rouille pas ? Non, il ne rouille pas.
Alors on devrait être d'Or ?
Je viens juste d'entrer dans ce monde inconnu, où rien ne semble familier.
Mais je sais que je serais plus fort que la peur  Jungkook. J'ai la rage de vivre, de ressentir, de juste être avec toi !
Comment réfréner mes sentiments, cette flamme ?
C'est comme un grand feu d'artifice que je ne pourrais contenir. »
 

Ça se passait souvent comme ça, à vrai dire.

On montait sur un toit, un soir plus ou moins pluvieux. Celui-ci était humide, de gros nuages parsemaient la nappe bleu marine du ciel et annonçait certainement une pluie ravageuse.

Mais ça se passait souvent comme ça, à vrai dire.

On parlait un moment, d'abord lui, puis moi. Certains soirs étaient baignés de culpabilité, surtout la mienne. Et quand on parlait, on pleurait souvent. Et parfois, la pluie accompagnait nos larmes.
L'air passait sur nous joues et séchait délicatement les sanglots. J'ai toujours adoré la pluie, mais je passait mon temps à la fuir.
J'ai décidé de me couper les ponts, de ne plus grandir.
C'est comme si je m'étais brûler les ailes en montant trop haut. J'ai essayé d'atteindre un calme divin, sur ma tour d'Ivoire, en pensant que  j'ai trop souvent eu le verbe un peu haut, que j'en  fais toujours trop.

C'était de voir comme nous empruntions des chemins toujours différents, d'abord Jimin, et moi.
Jamais d'accord, on le savait,  et pourtant nous avions besoin l'un de l'autre.
Il a toujours su plonger dans mes bras quand l'envie venait. Puis finalement, j'ai volé avec lui. Et cet ange est tombé, au sommet de sa gloire, ses ailes souillées par l'effort.

Mais j'ai volé, encore et encore, jusqu'à manquer de force, jusqu'à brûler mes ailes, jusqu'à avoir soif de briller, soif de tomber.

C'est exactement ça, le problème. J'ai toujours eu une soif de me faire mal, parce que j'existais.
J'ai toujours pensé que c'était une façon pour moi de me stimuler, de faire tenir mon cœur encore un peu, encore un tout petit temps avant la Délivrance .
 

Et Jungkook est arrivé. Aussi doucement qu'un Crépuscule naissant. Il est arrivé, juste avant la Délivrance.

Sûrement quelques jours avant, voir quelques heures.

Et Jungkook, ne partira jamais. Même quand il m'a vu me battre contre ma propre âme, il a su se fondre dans mes bras.

C'était ses yeux sans les miens. L'Aube a reprit vie.
 

Et aujourd'hui encore, il est là. Il me tient fort la main, alors que je raconte mon histoire, à haute voix devant lui.

Et je l'observe, lui et ses mimiques, sa façon de mordiller sa lèvre inférieur quand il est ému, sa tête se penchant vers la gauche quand quelque chose tracasse son esprit, ses genoux sautillant quand il est excité. C'était ça qui me faisait vivre, désormais.

Il berçait mon tout entier, il était devenu impossible d'être un Taehyung sans un Jungkook. Et si j'étais sa muse, lui peint sur ma peau tachée, avec de jolis pigments laissant une vague de peinture sèche.

Et avec un peu d'eau, le pigment s'active. Et au même moment, la pluie tombe sur nous.

Un peu précipitamment, on descend du toit usé, beige, manquant de tomber. Et une idée me tilt l'esprit, en voyant cette route déserte, dégageant une odeur de pétrichor sous les lampadaires à lumière basse de la ville.

Pourquoi s'abriter de l'eau, alors qu'elle réveille la couleur ?

C'est précisément cette phrase, qui m'a fait attraper la main du Crépuscule déjà trempé, claquant bruyamment mes chaussures contre le bitume, l'entraînant sous l'eau battante. Et pour la première fois  depuis bien longtemps, le monde revoyait mon sourire, après tant d'années, si bien  que les muscles de mon visages semblaient eux même surpris.
On brillait comme des étincelles. La pluie frappait, mais rien n'arrêtait nos corps brûlants, fiévreux de vivre.

On courait dans cette allée déserte en rigolant, l'allée de nos premiers « Je T'aime », et c'était comme une promesse, notre promesse.

Et peut être était-ce la pluie, mais on pouvait voir nos yeux humides, de larmes d'amour, de larmes d'averses. Et à bout de souffle, on s'enlaçait, bercés par l'agitation lointaine de la capitale de la nuit. Mais tout y était si calme, tellement que j'ai cru entendre le sang affluer jusqu'à son cœur, reliant le mien.
 

C'était là, quelques centimètres à droite de mon organe vital, un peu au milieu, en bas, juste là, que le feu brûlait, que le feu s'élevait sans jamais rien détruire, sauf l'amertume de nos cœurs noircis par nos démons anciens.
 

Finalement, notre histoire est simple. Je suis la muse, il est l'artiste. Je suis la toile, et lui le pigment. Je suis d'argent, et lui d'or.
 

Je suis l'Aube, Lui le Crépuscule.
 

« -Je t'aime
-Et moi encore,  plus. »
 

.
 

C'est une histoire d'amour aussi vraie qu'imaginaire.

C'est une histoire, platonique, brillante.

C'est l'histoire d'un enfant ayant trop grandit, l'autre ne voulant pas grandir.

C'est l'écriture d'une vie montrée comme idéale,

C'est des alexandrins rayés sur un carnet de croquis tâché de peinture Ocre de la nuit dernière.

C'est l'histoire de deux âmes poétesses, qui s'aiment réciproquement avant de s'aimer elles même.

C'est l'histoire d'une perte de vie, de confiance, d'amour et de force.

Mais même si le soleil ne scintille pas, l'Ombre est toujours là.

Et c'est très bien comme ça.

.
 
Ce soir là, Jungkook et Taehyung unissent leurs lèvres  jusqu'à en perdre haleine, jusqu'à avoir la respiration hachurée.
 
Ce soir là, c'est la résurrection de deux âmes se liants.

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Ce beau printemps qui vient de naître
A peine goûté va finir ;
Nul de nous n'en fera connaître
La grâce aux peuples à venir.

Nous n'osons plus parler des roses :
Quand nous les chantons, on en rit ;
Car des plus adorables choses
Le culte est si vieux qu'il périt.

Les premiers amants de la terre
Ont célébré Mai sans retour,
Et les derniers doivent se taire,
Plus nouveaux que leur propre amour.

Rien de cette saison fragile
Ne sera sauvé dans nos vers,
Et les cytises de Virgile
Ont embaumé tout l'univers.
Frustrés par les anciens hommes,

Nous sentons le regret jaloux
Qu'ils aient été ce que nous sommes,
Qu'ils aient eu nos cœurs avant nous.*

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*Sully Prudhomme, Printemps oublié.

𝐒𝐇𝐀𝐃𝐎𝐖 [ᴋᴛʜ+ᴊᴊᴋ] RÉÉCRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant