QUITTE OU DOUBLE

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Quitte ou double.


Dans la base Incognitos Française. 01h45 du matin.

Dans la salle informatique ou dans les salles de réunions, tous les dirigeants s'activaient. La quarantaine venait d'être levée et pourtant, une certaine tension régnait : Mattéo Kim restait entre la vie et la mort, d'après les dires des instructeurs. Melvin était donc là, les bras ballants. Alec devrait rendre un rapport et Melvin, pauvre sujet exécutant, serait chargé de l'expertise de ce même rapport ainsi que d'une enquête en interne, aux côtés de deux collègues, sur le point d'arriver. Melvin songeait à tout. Il devait anticiper car, sur les images de vidéosurveillances, données de base pour l'élaboration du dossier, on voyait nettement Vincent glisser sur le haut d'un monticule et faire dévaler, du bout de ses semelles, deux gros gravats, quelques cinq mètres plus bas, précisément dans la zone où Mattéo Kim se trouvait. Melvin se prit la tête à deux mains. Lui, par habitude si réactif, ne parvenait plus à faire abstraction de ces images, clairement dignes d'un film d'horreur. Si la suite des événements avançait en ce sens, dans le pire des cas, il y aurait « mort sans l'intention de la donner ». Le Commandant de la base avait été formel : le responsable de cet incident serait jugé selon les lois Inc. prévues à cet effet. Melvin resterait impuissant, la sentence serait alors donnée, lourde de conséquences pour le malheureux Vincent de suite emprisonné et pour les cinq prochaines années dans l'une des prisons de haute sécurité du mouvement Incognito : en Allemagne, en Angleterre, en Afrique du Sud ou pire, dans le Colorado ; seul espace du monde moderne à accueillir des résistants en faute. Non, Melvin ne pouvait cautionner cela ! Bien que très maladroit, Vincent n'était pas un meurtrier.

- Melvin, vos collègues arrivent dans cinq minutes, dégagez de notre poste de travail, merci.

Le rouquin se rendit compte que, sous le jouc de ses pensées intimement profondes et angoissantes, il s'était éloigné de son bureau, avait égaré son seul et unique stylo laser et renversé sur son passage pas moins de trois piles papiers de documents confidentiels « gestion des eaux usées sur le périmètre alentours aux côtes Japonaises ». Il reposa le dossier a sa place et soupira. Ce n'était pas une agence de presse, ici, pourtant. Mais les articles et les comptes- rendus faisaient parfois froid dans le dos. Melvin ne trouvait plus cela très cohérent. Peut-être aussi parce qu'il manquait de café, qu'il craignait pour Vincent et qu'il ne sentait pas en taille de déjouer tout un système d'enquêtes en interne. Melvin expira lentement et tenta de se calmer. Il voulait étouffer l'affaire. S'il n'y avait aucun témoin sur place au moment du carnage alors, il ne serait pas dur de trafiquer les enregistrements vidéo. Ce sabotage devait être exécuté sur le champ ! En somme, avant l'arrivée de ses collègues et avant la venue de l'instructeur en chef du pôle scientifique qui, comme la procédure l'indiquait, pouvait débarquer d'une minute à l'autre et exiger une copie des fichiers !

- Vite, marmonna le jeune homme.

Il ne pouvait chiffrer le temps qu'il lui restait. Sûrement très peu ! Il se frotta les mains et se mit à l'œuvre. Si ça tournait mal, il serait jugé pour « haute trahison » et Loana sera placée en dehors de son champ de vision et à dire vrai, il n'osait même pas y songer.

Dans l'ancienne garrigue de la Région Paca, 10h10.

Par une belle matinée d'hiver, il était dix heures lorsque je rouvris les yeux. Incroyablement bien et apaisée sans doute par la présence de la neige au dehors, je m'étirai longuement, sourire au bord des lèvres. J'avais rêvé. De quoi ? Je n'en avais aucune idée. Je fis quelques pas et montai même à l'étage, dans l'espoir d'y trouver mon frère. Mais Alec était un lève-tôt et rien qu'à son caractère de feu, j'aurais dû m'en douter : il n'y avait personne. Moi, j'étais plus lente au réveil, plus douce dans ma conception de la Vie et de ce qu'elle m'évoquait. Prendre le temps d'ouvrir les yeux, de méditer sur mon environnement, c'était capital pour bien démarrer la journée. En somme, je n'étais pas de ces boute-en-train du matin, surexcités à l'idée de vivre une seule nouvelle seconde à couper le souffle et ce, fantastiquement bien éveillé ! Alec était de ces Hommes-ci : un hyperactif et surtout, un amuseur, un comédien, un joueur éternel...un homme qui fuyait la vie moderne tôt au petit matin pour ne rentrer que tard le soir, en recherche d'amour, d'un toit fumant, chaleureux l'hiver, rafraîchissant ou paisible l'été. Je regagnai la cuisine et me postai devant la fenêtre, le ventre apposé sur le radiateur large et froid. Je frissonnai. Il devait rester du feu dans la cheminée. Peut-être qu'Alec était parti chercher du bois. Le bougre en question avait déjeuné et il restait encore des preuves de son passage furtif. Une tasse, posée sur la petite table en métal, dont une odeur forte et de café s'en dégageait.

Rebelles - Les INCOGNITOS - HORS SERIE -Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant