REUNIONS

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08h 45, dans la périphérie de Kazan, l'équipe d'intervention d'Alec, réunie au complet.

Alec se tenait face à ses agents, Marin, Lucas, Alyzée, Andrea, Vincent et moi. L'attitude supérieure, il nous fixait sans dire mots. Il venait de recevoir un accord précieux de sa direction Incognito, qui classait leur mission comme une intervention de terrain et de recherche à hauts risques. Le caractère confidentiel était connu des agents et des instructeurs Incognitos. La direction cette fois-ci avait insisté sur les sanctions données en cas de non-respect de cette ultime consigne : secret défense et secret d'état. Alec se triturait les mains avec angoisse. Il savait à qui il parlerait : un jeune homme prometteur, sportivement robuste et talentueux meneur de groupe, une jeune fille rebelle et en pleine crise d'adolescence et un médiateur en devenir, au courant des débats politiques, chercheur en histoire. Quant à Vincent, Alyzée et Andrea, il n'osait guère les considérer davantage. C'était un frein à l'avancée d'une telle mission, mais une décision qui venait d'en haut et qu'il ne pouvait contredire. Alec se tourna vers sa petite sœur. Il tourna ensuite le regard sur les autres. Il parla :

- Je vous ai réuni car des changements ont eu lieu dans les ordres de mission. Nous partons dans une heure dans les forêts alentours alors préparez-vous en conséquence. Vous n'en saurez pas davantage pour le moment. En revanche, gardez à l'esprit que vous êtes sur une mission sensible, la plus sensible de toute depuis bien longtemps au sein du réseau Incognito, car nous allons devoir faire appel à des méthodes qui ne sont ni prouvées, ni légitimes et de l'ordre du champ ésotérique. Je vous demanderai de garder une prudence extrême dans vos communications, entre vous, à l'intérieur de la ville ou à l'extérieur de celle-ci. De la même façon, nous progresserons en carré, pour ratisser un périmètre spécifique et précis. Nous sommes à la recherche d'un lieu, d'un endroit, caché depuis des siècles, dans les environs.

- Tu as le don, Alec, de parler dans le vide ! Coupa Lucas, resté au garde à vous. Tu ne nous diras rien de plus ? Sincèrement ? Comment veux-tu que l'on agisse correctement sur le terrain si nous n'avons qu'un tiers des informations.

- Lucas, je ne veux plus t'entendre. Connecte tes neurones, tu as tout pour comprendre. Le gouvernement russe est sur le point d'être renversé, nous cherchons un bunker, lâcha-t-il. C'est confidentiel évidemment alors je refuse que l'un de vous emploie ce terme ou même, y fasse allusion. Nous allons pénétrer en zone militaire par l'arrière du terrain, un endroit que vous ne connaissez pas. Adams sera notre guide.

- Tu ne dis pas tout, Alec, coupa Vincent, crispé.

Il sentait l'entourloupe à des kilomètres à la ronde.

- Exactement, elle va nous guider parce qu'elle a compris la route à suivre. Je ne vous dis pas tout car c'est totalement irrationnel pour certains et que ça ne vous aidera pas à avancer dans l'enquête. Des questions ? Parce que personnellement, j'en ai terminé.

Le silence se fit, rude, sec, froid et Marin sursauta presque d'angoisses.

- Marin, des questions ?

- Non, non, Alec. C'est l'adrénaline qui monte un peu, rien d'important.

- Je préfère.

Alec claqua dans ses mains et s'éloigna au dehors. Je le suivis dans cette action mais l'homme fit volte-face et me fixa longuement, de ses yeux verts, profonds et durs. Ce regard que d'ailleurs, je connaissais par cœur. Il se préparait mentalement à diriger une troupe d'agents sur un terrain potentiellement risqué. Alec ne voulait ressentir ni tendresse, ni même sentiments, à l'égard de personne. Je tendis ma main dans sa direction et tentai de lui glisser un mot. Il bloqua mon poignet en l'air et le baissa en silence.

- Le travail, c'était le travail, coupa-t-il. Si tu veux parler, tu as toute la vie devant toi. Pour agir en revanche, le temps nous est compté ! Prépare tes affaires et obéis aux ordres. Je ne le répèterai pas.

Je grimaçai quelque peu. C'était toujours un peu déplaisant, sur le moment, d'être remise à ma vulgaire place de sous-fifre. Surtout que j'avais proposé une collaboration, détourné mes envies profondes de dormir pour passer du temps sur nos travaux et le remerciement que j'en avais, était encore une fois le même : nul ! J'étais déçue. Je baissai les yeux sur mes pompes et constatai que mes affaires, au loin dans le garage, étaient bien éparpillées. Alec avait donné ce laps de temps exprès ; il me connaissait bien. L'heure passa, nous avions quittés la grande périphérie de Kazan et avancions en direction des collines au loin, gravies quelques jours auparavant, sous une pluie diluvienne. J'avais faim. J'avais froid et j'avais mal de partout. Je suivais pourtant la troupe, en fin de cortège, arme à la taille et dissimulée par mon large pullover noir, d'intervention. Le blouson était dans mon paquetage sobre. Mes collègues avaient tous fait le même choix. Alec, lui, marchait devant, la tête haute, ses bras relâchés et détendus, toujours prêt à l'action. Il n'en laissait rien paraître mais, entre ses deux épaules, une certaine tension régnait et tenait sa colonne vertébrale en otage, si bien qu'il en avait déjà, mal au dos. Les petites barraques chics marquèrent la frontière avant l'entrée dans les profondeurs de la forêt. La typologie du site était marquante. Alec n'en disait plus un mot. Il avait compris dans la nuit combien la mission serait dure. Mais s'ils avaient un peu de chance, se disait-il avec optimisme, ils tomberaient peut-être sur des tous-terrains et des tunnels, puisque la moitié du site était une zone militaire. Il doutait, Alec, du fait que les militaires n'est pas effectué de recherches sur le sujet. Et si l'armée russe protégeait le site en s'y installant, qu'est-ce que cet endroit pouvait bien cacher ? Au-delà d'un bunker, les écrits étaient trop anciens pour ces technologies-ci. Alec respira lentement, apaisé par la présence de Lucas et de Marin derrière lui. Ces gars-là étaient des pointures dans leurs domaines et sa petite sœur, sportive et entraînée, pouvait clairement justifier de sa place ici. Puis certainement qu'Alec préférait l'avoir sous la main, d'autant plus qu'elle comprenait des éléments subtils, de ceux qui échappaient à la majorité...

- Alec, à droite, ici ! Le terrain par la gauche est accidenté et il nous mènera nulle part.

L'instructeur, sans broncher une seule seconde, bifurqua sur la droite et laissa le silence se faire. Lucas avançait à reculons, son regard planté dans mes yeux.

- Ta parole est d'or, conclut-il.

- Quand je suis reposée et concentrée, c'est dans votre intérêt à tous de m'écouter !

Rebelles - Les INCOGNITOS - HORS SERIE -Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant