Rebelles - Les INCOGNITOS - HORS SERIE -Tome 2

REAMENAGEMENT

Réaménagement

Le 28 novembre 2039, 7h42, en France.

« Après l'incendie causé par les membres activistes du réseau Webpowers, le réaménagement quasi-totale de la base Incognito est en cours depuis plus de deux semaines. Les hommes du mouvement informatique noir ont agi, comme vous le savez, dans l'idée de voler nos données informatiques qui sont évidemment toutes, classées secret-défense, et, plus spécifiquement, une partie du fichier intégral Mac Davis contenant des informations d'Etats à savoir des résultats d'enquêtes, des listings de données comptables, quelques schémas de prototypes et en somme, une bonne approche de ce que sera le futur de l'humanité. Le fichier a été copié dans les temps par Melvin. Cependant, un doublon réside et reste bien indestructible à distance. Aussi, je vous demande à tous et à toutes, instructeurs de cette base et agents qualifiés d'élite, de montrer l'exemple en perdurant vos efforts. Le réaménagement de nos locaux doit être rapide, efficace et ne nous laisser « faibles » en aucun cas. Merci à vous pour votre engagement. Au rapport, Alec, élite instructeur, base Incognitos Française.»

Alec pose son cellulaire. Il vient de résumer la situation via message oral au tiers de ses Hommes. Il fixe l'heure à sa montre. Les autres ne tarderont pas à se réveiller et ce sera alors le début d'une longue journée pour eux, de grande vigilance, chargée en efforts physiques et en adrénaline. L'instructeur élite le sait bien et il n'exclue pas le risque d'incidents qui, réguliers, surviennent de plus en plus sur le site dévasté. Au fil des jours passés à la tâche, le réaménagement se fait dur : les plus téméraires suent et suintent sans se faire prier et les moins costauds achèvent en ordres et réprimandes, les plus faibles : une désescalade hiérarchique et risquée, qui mènera à terme, à un joli bordel si Alec ne rétablit pas l'ordre. Au pas de course, le concerné quitte la salle de réunion accompagné de Sam et ils descendent dans les locaux gris de cendres et de poussières de ciments. Sa femme a la tête ailleurs. Le sourire sur ses lèvres et ses mains sur son ventre, son envie est pressante car elle va bientôt donner naissance à leur petit homme, programmé pour le début de l'année prochaine. Alec, lui, marche droit dans les couloirs de la base. Pourtant, à l'idée simple de devenir père, il se barre en courant. Sa femme sur ses talons, soutenant son gros ventre, l'appelle presque à l'aide.

- Alec ! Attends-moi.

- Ils ont besoin de moi, là-bas, euh...tu vois...s'excuse-t-il en accélérant la cadence.

9h35, le même jour de la même année, en France, dans les chambres de la base Incognitos.

Il fait très froid lorsque je me réveillai en sursaut, sur ce sommier un peu cassé, abîmé par les années. Il grince, je pose pieds à terre. Le sol lisse et propre que j'ai tant de fois fouler me ramène à cette matinée calme, encore bien trop rapprochée de mes rêves. Le trouble me saisit. Suis-je éveillée ? Devant moi, les veinures d'un lino gris et blanc me rappellent aux ténèbres d'un passé complexe et les sillons dans le sol tracent un ensemble de voies, choisies ou inabouties. C'est peut-être ça, ma vie... Mon destin ? Oh, je n'en sais trop rien. Ce sont mes réflexions et contemplations embuées du matin. Et puis, on me l'a déjà dit : « six feelings, c'est ma façon de percevoir le monde », paraît-il. Je reporte mon attention sur le sol. Attentivement, je suis le tracé du regard. C'est vrai que l'un d'eux finit sa course folle et jalonnée près de la porte. Le chemin de la victoire est sous mes yeux. Tortueux. Sinueux. Laborieux, même. Et vicelard, oui. Très vicelard.

- Il est affaire à suivre, sans hésiter, marmonnai-je dans un long bâillement.

Hier au soir, l'instructeur a parlé de sa voix forte et éloquente. Un frisson me parcoure en y repensant. Car Alec est un autre homme face à la mort. Enfin éveillée, je m'habille à la hâte pour sortir dans les longs couloirs. Les agents se promènent déjà tous en pyjamas, sûrement pressés d'aller déjeuner et c'est donc silencieuse, que je me rends au réfectoire toute de blanc vêtue. C'est la consigne, en ce jour de deuil. Je passe une main dans mes cheveux noués en chignon. Je m'assois à une table et dépose mes coudes sur le rebord de celle-ci. Lentement, je masse mon crâne. Tom arriverait d'une minute à l'autre et je devais me préparer à sa mine d'endormie, ses regards gelés du matin et son trait pourtant bien trop loquace.