LEURS MAGOUILLES

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Dans le même temps, en France, 12h04.

Le Commandant, dans la salle de réunion, se tenait droit comme un « i », sentant son dos douloureux se contracter à chaque diapositive qui passait sous son nez. Il était nerveux, un peu comme toujours. Un peu comme tout le temps. En manque, sans doute, de ces années passées au sport et aux entraînements, dans la quête de la performance, de l'exploit et de l'accomplissement personnel. Le rapport se faisait sur les trois missions en cours et était destiné aux partenaires de ces missions, des gens hauts placés mais pas seulement, des agents en apprentissage du grade d'élite et quelques instructeurs libres, restés en France, sur le terrain. Melvin, temporairement nommé bras droit de la direction, se taisait. La petite Loana, Mascotte de toute la base, était assise sur les genoux d'une jeune fille, en train de fixer sa manucure. Melvin se fit la remarque, que la nana en question, elle ne devait pas s'entraîner souvent ! Finalement, ils étaient une trentaine dans la salle et la réunion, en visioconférence, réunissait environ une centaine de personnes. Tous étaient voués au silence. Rien ne pouvait sortir de la salle et le Commandant, rendait son angoisse en souffle régulier sur ses invités, en face de lui. Il craignait les hackers comme personne. Le mouvement Webpowers, malgré toute la sécurité Web mise en place, pouvait encore frapper et cette fois-ci, ce serait un gros coup. Le pactole, songea-t-il. Et la fin de toute collaboration, la fin de toute mission, peut-être même, la guerre. Les affaires étaient sensibles, ces temps-ci. On lui tapa sur l'épaule, il sursauta.

- Commandant, la connexion est établie. Voici le programme.

Affiché à l'écran, rediffusé sur le mur le plus large et le plus grand de la salle de réunion, les Incognitos purent lire et à voix haute, pour certains.

« Rapport des différentes équipes en quelques minutes. L'équipe de Tom en premier lieu, celle d'Alec en second, suivra celle de Quentin puis, l'équipe de Sandy, pour terminer le premier volet de notre réunion. Les pistes à suivre de ces investigations sont validées par la direction Incognito Française. Vous en prenez maintenant connaissance : prise de parole de nos partenaires, négociations, débats, sur les conduites à tenir. »

Les différents rapports n'avaient pas été longs en raison des manques cruciaux d'éléments d'enquêtes pour toutes les équipes sur le terrain à l'exception de celle de Sandy. Le Commandant de la base Française s'était targué du fait que c'était normal, qu'ils avançaient tous à leur rythme et que finalement, ce n'était que le commencement de la mission 1025, mission à antennes multiples. La prise de parole des partenaires fût, elle, plus intéressante. Quoique trop longue peut-être et les divers acteurs, soutenant du projet en cours, avaient posés de nombreuses questions puis débattus sur les thèmes ciblés et – notamment - la mission solo d'Alec – qui, ne devait pas être abordée clairement mais pour laquelle en revanche, ils étaient tous prêts, à lever des fonds au besoin. Quelques encouragements cordiaux s'en étaient suivis : des échanges en anglais pour des pactes signés de vives voix en matière de transports et de logistiques. Le Chef de la base Incognito allemande ouvrait l'accès à la France à leurs datas concernant l'affaire « Max et Maelle ». La Suisse, partenaire du mouvement de résistance Incognitos depuis plus de vingt ans donnait à la France des fonds conséquents pour le secteur médical et paramédical, pour les agents, en mission et hors mission. Le FSB faisait acte de présence sans pour autant aborder les questions relatives à l'instabilité de la Russie. La Suisse tempérée, jouait le rôle de médiateur. La France avait pu trancher juste grâce à eux. Les conduites à tenir, doucement dessinées, allaient des suggestions subtiles des renseignements russes aux ordres presque donnés par les Allemands. La réunion s'était ainsi terminée et les connexions diverses s'étaient vues coupées nettes à l'écran et sur tous les appareils connectés. Melvin lâcha un vaste soupir de soulagement. C'était la première fois de sa vie qu'il assistait à une telle réunion. C'était flippant car grandiose ; impressionnant dans le même temps ! Désormais, il comprenait mieux le stress de son Commandant, les jours d'avant. Tout cela, songea-t-il en aidant un instructeur à évacuer la salle, c'étaient juste des magouilles. De simples magouilles illégales et rendues légitimes par les affaires en cours, toutes, de la plus haute importance. Il passa une main sur son menton, pensif. En fait, se dit-il, en haut comme un bas de l'échelle, tout est histoire de pactes et de négociations. Il toussota d'embarras en voyant sa petite sœur pendue au bras d'un jeune homme et se grouilla pour la sortir de la pièce. Elle posait encore cinq milles questions lorsqu'ils s'éloignèrent ensemble de la grande salle.

- C'est quoi le FSB ? C'est où la Russie ? C'est comment là-bas ? Pourquoi des Incognitos ont trahis le mouvement ? Ils sont aujourd'hui recherchés et ils vont mourir...non ?

Melvin comprit qu'elle faisait référence a Max et Maëlle. Il ne dit plus un mot jusqu'aux dortoirs, marchant d'un pas affirmé et rapide, trop souple sûrement aussi, pour les petites jambes de Loana. Il ouvrit la porte du dortoir, expédia sa sœur dans le fond et l'obligea à s'asseoir.

- Tu as entraînement ce soir, à dix-neuf heures, Loana. Juste avant, tu iras nager avec le groupe de gymnastique. Ta professeure à prévue une séance collective à seize heures. Donc, je veux que l'on mange ensemble à la cafétaria et que tu te reposes avant les entraînements.

- Tu veux que je dessine ?

- Par exemple, c'est bien ça. Bonne idée. Bon, on va manger.

Sur le trajet, Melvin pensa qu'elle n'aurait jamais dû assister à la réunion et il en était désolé. Navré, presque ! Comme un gosse qui prend une bonne baffe dans la tronche, Melvin avait mûri subitement. Loana déposa ses mains d'enfants dans celles de son frère et sans broncher, elle le suivit dans les couloirs de la base. Des couloirs sombres, ternes et tristes.

- Pourquoi ? Coupa soudain la petite en s'arrêtant net. Pourquoi tu ne m'as pas répondu ?

Surpris, Melvin sourit doucement. Loana affirmait son caractère et il avait toujours été dur.

- Parce que c'est légal, tout ça. Mais c'est illégal, aussi. Il ne faut pas en parler. C'est interdit.

La blondinette fixa son frère dans les yeux. Elle fit la moue et cru même qu'il avait viré de la cafetière parce qu'elle se mit à rire de bon cœur. Non, elle n'avait rien compris ! Elle était trop jeune pour comprendre. Elle, elle voulait juste son frère et ses amis près de ses yeux, près de ses bras et près de son cœur. Elle n'en demandait pas davantage. Melvin, rassuré de cette réaction enfantine, s'assura de câliner sa petite sœur un long moment.

- Et si on prenait l'air, avant d'aller manger ?

L'enfant opina du chef et serra son visage contre celui de Melvin.

- Ah, je sais que ça veut dire « oui », ça.

Melvin porta Loana sur son dos et ils sortirent de la base, de la ville, même en marchant longtemps. Ils déjeunèrent en ville et prirent plaisir à rire, de tout et de rien. Ce fût aussi, une belle après-midi pour le rouquin, qui ne supportait plus la pression de sa hiérarchie. Un bon moment pour Loana, qui n'avait pas à comprendre, tout ceci. 

Rebelles - Les INCOGNITOS - HORS SERIE -Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant