VASTE REPOS

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Quelques heures plus tard, dans le Bunker.

Ce n'était pas un endroit idyllique pour jouer aux cartes, pour s'amuser même. Mais si nous riions. Mais si nous nous amusions. Mais si nous paraissions tous heureux, le FBS baisserait rapidement sa garde. De même, suivre les ordres d'Alec à la lettre n'était pas une bonne idée. Rester terrer dans un coin, ça puait la peur. C'était contre-indiqué. J'avais bien d'autres idées en tête. Après quelques longues parties de jeux, je proposai tout simplement :

- Vous avez visité la salle poubelle de ce bunker ? Ce n'est pas fermé. On peut y aller, non ?

Lucas et Marin hochèrent la tête. Ils en avaient entendu parler de cette fameuse pièce mais Alec leur avait refusé catégoriquement l'entrée. A dire vrai, lui-même n'avait pas fait l'effort de savoir ce qu'il se trouvait derrière la porte blindée. Et, à en écouter ses mots, ce n'était vraisemblablement pas intéressant. Il supposait que ce n'était que de vieux mobiliers et de la décoration.

- Attends, si ce n'est pas fermé...Demanda Lucas, intrigué. Tu es rentrée ?

- Non. Je ne voulais pas désobéir seule, ironisai-je. J'ai simplement entre-ouvert la porte.

- Et ? Questionna Lucas. Tu as vu quoi ?

- La lumière était éteinte, les gars. Je n'ai pas insisté. On y va ?

Marin se leva le premier et déverrouilla la porte de sa chambre, tout excité. C'est vrai que ça donnait un peu de piment à cet ennui profond que l'on commençait tous à vivre et à ressentir en décupler. Être cloisonné, il y avait plus intéressant dans la vie, quand même ! Je passai en tête et intimai le silence lorsque nous passâmes proche des piaules des deux hommes. Lucas avait pris une lampe torche au cas où et Marin, la tête haute, me suivait d'un air tout à fait naturel. Il s'apprêtait à découvrir une nouvelle pièce, ça l'excitait au moins autant qu'une chasse au trésor. Une fois devant la pièce, je filai un coup de pied dans le métal blindé et me ravisai aussitôt.

- Tu as oublié deux faits majeurs, s'amusa Marin en me retenant dans ses bras.

- Fracture de la cheville, porte blindée. Aïe. Je haïs la morphine.

- Ah, ça donne des ailes. Mais tu vois...Je suis persuadé que tu viens d'aggraver ton cas.

Pendant ce temps, Lucas avait activé le mécanisme d'ouverture de la porte et l'avait ouverte en grand. Une odeur de poussière et de renfermé s'en dégageait. Il franchit le petit Sas et se retrouva au milieu d'un grand dépôt anarchique. Marin activa l'interrupteur sur la gauche du mur et nous purent découvrir non sans stupéfaction tout ce que cette pièce cachait depuis près d'un siècle. Un simple chemin encombré permettait de se frayer dans la pièce. Marin ordonna à Lucas de garder l'entrée car il avait déjà observé qu'il n'y avait aucun moyen de sortir de cette pièce une fois la porte close. C'était sûrement la seule raison valable qui avait poussé Alec à nous l'interdire radicalement. Il savait les lieux risqués. J'entrai donc, accompagnée de Marin qui, arme à la taille, ne cessait de jeter des regards anxieux en direction de l'extérieur et du couloir. Je fis quelques pas. Mon regard se perdit sur la masse d'objets entreposés. Machines à écrire. Téléphone d'époque. Poste de radio aux fils débordants de partout et sectionnés en partie. Une armoire esquintée dont la porte avant ouverte et désaxée laissait entrevoir une belle vaisselle et intacte. Des appliques murales pour enfants. Des puzzles dont les pièces manquaient. Un tir au pigeon. Des masques à oxygène probablement endommagés.

- C'est la caserne d'Ali baba, sourit Marin, tout excité.

Il tenait dans ses mains un tourne disque et des vinyles de collection. Je soulevai quelques piles de livres poussiéreux et trouvai un carnet à dessin et quelques peintures encore intactes et bien préservées. C'était une aubaine pour moi qui n'en espérait pas tant, honnêtement ! Je fermai les yeux et continuai de rêvasser aux paysages que j'allais pouvoir dépeindre, aux courbes que j'allais pouvoir tracer sans l'ombre d'un doute ou d'une hésitation. C'était ma seule joie depuis que j'étais entrée dans ce bunker. Mon unique consolation peut-être aussi. Marin s'avança encore dans la pénombre et dénicha, dans un recoin poussiéreux, un vieux piano resté parfaitement intact. Il se tourna vers moi et me sourit longuement. Un sourire empli de sous-entendu.

Rebelles - Les INCOGNITOS - HORS SERIE -Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant