REGROUPEMENT

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Quatre jours plus tard, 18h45, Kazan EST.

Mathias, Camille, Jérémy et Quentin s'activaient pour les derniers préparatifs. Des convois allaient partir pour le bunker d'ici moins de dix minutes, en passant par les routes prédéfinies et sécurisées par des agents du FBS. C'était dingue à quel point, leur présence pouvait passer inaperçue dans les troupes militaires russes, aliénées et dirigées temporairement, tout le monde l'espérait, par le mouvement informatique noir. Les directives avaient été données et selon des sources fiables, un certain Platanov avait délégué à tout son réseau, des plans d'actions très rusés pour obtenir l'ensemble du territoire russe. Le premier axe de recherche serait celui de confiner la population et de mettre en place des barrages pour limiter les revendications. Le deuxième axe était en cours et consistait à couper toutes les sources médiatiques et de communications. C'était, aux yeux de Camille, la donnée la plus grave. Les quatre agents se séparèrent dans l'espace que présentait le grand parking. Ils attendaient là, aux rythmes des secondes qui défilaient sur leurs cellulaires d'intervention, placés en hors connexion également. Les citoyens russes avaient été recrutés dans le plus grand secret, activistes dans l'anarchie pour la plus part. Parmi eux, des anciens condamnés, des anciens détenus et une prison entière libérée pour le rétablissement de l'ordre, une brillante idée de la France et du réseau Incognito. Camille gloussa en y pensant. Elle n'osait pas imaginer la gueule de cette nouvelle résistance. Son talkie-walkie était actif.

- Cible en vue, cible en vue, entendit-elle. 150 mètres.

- Bien reçu.

Dans son dos, les portes de l'immeuble étaient fermées depuis trois jours. Trois jours qu'ils n'avaient cessé d'entasser des hommes et des femmes là-bas dedans. Il y avait même quelques enfants. Quentin n'avait pas fait dans la dentelle et les deux jeunes Incognitos non-plus. De plus, non loin de là, dans la ville de Moscou, un autre convoi était sur le point de partir. Celui que Tom avait en charge. Et sur le sujet, eux, n'avaient aucune information. Derrière les portes, il y avait des gens affamés, des gens énervés, des gens apeurés. Des hommes vaillants qui ne poseraient aucune question et des guerriers, des meurtriers, qui n'allaient d'ailleurs pas tarder à s'entre-tuer si les convois n'arrivaient pas rapidement. La discrétion ne serait pas forcément de mise. Camille avait cru comprendre que ce seraient des passages en force, dès que le nombre de convois en route commenceraient à alerter. Il fallait juste que tout ce petit monde rejoigne le bunker à temps. Camille ne pouvait s'empêcher de penser à Tom lorsque les trois premiers vans arrivèrent dans le parking. Des grands vans, de dix places. Ils chargèrent trente personnes au total et fixèrent les camions s'en aller. De l'autre côté du pays, non loin de là pourtant, à Moscou et dans un quartier guère peu fréquenté habituellement, une vingtaine de résistants venaient de prendre le départ. Tom et ses agents venaient d'embarquer. À Kazan, l'équipe de Quentin attendait un dernier convoi et puis, d'ici le soir même, tout le monde serait réuni, au bunker. Alec, de son côté, s'était imaginé un scénario palpitant et ne pouvait s'empêcher d'y penser, depuis trois jours pleins, même si les preuves lui manquaient. Pour lui, c'est très simple. La veille, l'ancien état russe a déclaré détenir des armes lourdes provenant « d'usines locales » et de fabrication « russe ». Alec ne peut s'empêcher de croire que les anciens dirigeants russes se préparaient au coup d'état aux côtés de Henrick Platanov, cousin du leader de hackers, actuellement au pouvoir.

- Ça n'éveillait pas trop les soupçons. C'était une façon d'agir à couvert, de se protéger en cas de renversement. C'est ce qui arrive, c'est ce qui est arrivé. Le FBS doit être mis au courant, si tentez qu'ils ne le soient pas déjà. Car, utiliser une arme de guerre contre son propre pays est suicidaire. Tout comme l'ancien régime, d'ailleurs, marmonna Alec entre ses dents.

D'après Alec, les deux brevets rachetés allaient servir sous peu. S'ils étaient devenus propriétés d'état, c'était bien pour alimenter une guerre plus meurtrière encore que les projets de mise à mort du mouvement Webpowers. Et ça, Alec en était persuadé. Il contacta la base Incognito Française en urgence, qui fit remonter la connexion à toutes les bases Incognitos existantes. Selon ses conclusions, les menaces ne pesaient pas sur la Russie mais sur une zone tierce. Alec, à lui seul, n'aurait pu définir quel pays. On le somma d'agir rapidement et en conséquence selon les étapes prédéfinies à l'avance, pendant que d'autres services de renseignements, d'autres pays, seraient informés. Il s'isola donc un instant, dans sa chambre et se massa le crâne. La résistance arrivait, le siège d'hacking avait été localisé depuis deux jours, ils n'avaient plus qu'à passer à l'assaut, d'ici quelques heures. Dans le Bunker, ils étaient une soixantaine à attendre. Les ordres et les consignes avaient été données par chaque groupement. Au total, un groupe de dix hommes sur la zone ciblée et le reste sur le pourtour, en barrage, pour lutter contre la milice russe, sous les ordres des hackers. Le plan était basique, un peu bidon, un poil bancal et faisait bien penser à des autres de révolutions datant des siècles précédents. S'il avait pu donner une seule référence, Alec, pour illustrer le carnage qu'ils s'apprêtaient à vivre, en Russie, s'aurait été un tableau de Delacroix, fichtrement bien connu pour revendiquer la liberté de la patrie.

- Alec, demandai-je en entrant dans sa chambre.

- Quoi ? Coupa l'intéressé, anxieux. Ce n'est pas le moment, tu sais.

- Je me doute, imbécile. J'ai juste une question, somme toute.

- Dis-moi.

- Qui va prendre le pouvoir après la chute de tout cela ?

- Moi, ricana Alec avec un grand sourire.

- Sérieusement ? Alec ?

Mon frère haussa les épaules. Il souffla juste, qu'après, cela ne le regardait plus et que les directives viendraient d'en haut. Il n'avait rien de plus ou de mieux à ajouter. Lui, comme lorsqu'il était dans l'armée, il se contenterait de réunir, d'unir, de rassembler et de faire en sorte que la coordination se passe bien, pour l'opération à venir.

- Tu sais, ricana-t-il. C'est pas un jeu.

- Alors, pourquoi rigoles-tu, narquois que tu fais !

- Parce que c'est marrant quand même, que les Humains soient toujours foutus de recommencer inlassablement les mêmes conneries, non ?  

Rebelles - Les INCOGNITOS - HORS SERIE -Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant