ASCENSION

2 0 0
                                    


Marin et Lucas se regardèrent un instant pour se concerter. Ils décidèrent enfin :

- Nous allons grimper. Te hisser au sommet de cette montagne sera plus aisé que de marcher sur le petit sentier à flanc de falaise. C'est trop étroit ici pour que l'on passe à plusieurs. Trop dangereux.

Stupéfaite, je restai silencieuse un instant. Lucas ajouta alors, d'un ton ferme :

- Tu pourras compenser facilement ta blessure en force et en technique. Pour une grimpeuse comme toi, c'est faisable, non ? A vue d'œil, tu juges l'ascension comment ?

Je levai la tête et vis que le ciel, loin de vouloir se dégager, était empli d'épais nuages, noirs.

- La météo menace. Je dirais cotation... du 6, grand maximum. Oui, c'est possible. Je vais devoir passer en tête. A moins que vous ayez des aptitudes cachées ! Je n'en ai pas été informée... Mais réfléchissez donc un peu. L'entière responsabilité de cette grimpe ne me revenir. Je passerai bien mon tour.

Marin approuva.

- Navrée, Tal. Tu ne nous laisses pas le choix.

- Lucas peut prendre la tête également, c'est lui qui a le plus de matos.

- Il en est hors de question. J'ai les outils et mes compétences s'arrêtent là ! Quelques initiations seulement par-ci, par-là... Je ne suis pas un grimpeur.

Le blond éclata de rire.

- Tal, dans ce cas, il évident que tu ne peux pas te planter.

- Tu nous guides en mouvements et je finis la cordée, trancha Marin.

J'opinai du chef sans grandes envies et levai le menton. La paroi était encore humide de la veille mais paraissait largement accessible pour l'ensemble du groupe. De plus, il ne restait que quelques mètres avant le sommet. Nous avions des coinceurs ainsi qu'une corde et quelques mousquetons. C'était peu en termes de matériel et la sécurité ne serait pas bien assurée.

- Je refuse de m'encorder. Je monte la corde et le peu de matos au sommet. Vous, vous restez-là : je ferai tomber le nécessaire depuis là-haut. Je grimpe seule.

- On peut faire le tour par le sentier, suggéra Lucas, soudain devenu plus frileux.

- Cessez de tergiverser. Vous, vous êtes libres de vos choix. Parés ? J'y vais.

- Parés à crever ? Pas nécessairement, non ? Et toi ? Nargua Lucas.

Je fermai les yeux et me concentrai, quelque peu. Un court instant, pour rêver : le visage de Alec. Un moment de sérieux, pour envisager : les arrêtes, les bacs, les roches saillantes et celles qui trop humides, ne tiendraient pas. Un souffle court pour recracher l'angoisse sur les pauvres pierres humides. Je rouvre les yeux puis m'écarte de la paroi avant de me délester du paquetage. Là, je dépose mes mains sur le rocher. Il est temps d'y aller. Alors, je m'élève d'un premier mouvement vers le ciel puis d'un second. Ma respiration est ample, mes mouvements sont lents, précis et se succèdent avec agilité. La concentration est intense. Je pose un coinceur et me sécurise comme je le peux. Mes coéquipiers parlent en contrebas mais je ne les entends pas. A cause du vent. A cause de moi. Dans ma bulle, il n'y a que l'ascension qui m'importe ; l'idée seule de prendre plaisir à m'en sortir, vivante. Ici, c'est un passage à nu, en libre : un petit moment d'adrénaline et de danger pur. Je porte la corde autour de mon corps. Je la sens sur mon épaule droite, lourde, vacillante à chaque mouvement et presque encombrante. Elle me colle au dos, elle me frotte le ventre. Elle irrite mes sens et fatalement, elle me déconcentre.

Rebelles - Les INCOGNITOS - HORS SERIE -Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant