UNE BELLE RUSE

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Dans le seul sentier que nous avions pu dénicher pour quitter le plateau, Lucas et Marin me portaient depuis près d'une demi-heure à tour de rôle, sur leur dos. En cette matinée fraîche, la neige tombait de plus belle et nous étions déjà presque bloqués dans notre progression, par de gros centimètres de poudreuse. Navrée pour mes deux porteurs qui luttaient acharnement contre les caprices du terrain, je me proposai de descendre un instant.

- Faisons une pause.

- Hors de question.

Après deux heures de marches, Marin me déposa enfin à terre, le dos labouré.

- Bon...Le GPS IGN indique que nous sommes tout proche.

C'était un sous-bois enneigé et froid, clair et espacé. Il n'y avait rien qui de près ou de loin, ressemblait à un point de chute, un point de ralliement ou même de rencontre. Je tentai de fixer l'horizon sans succès. Tout était caché, dissimulé dans les méandres des troncs d'arbres. Des feuilles. Des roches. Des surplombs et des creux dangereux. En matière de stratégie militaire, Lucas avait bien plus d'expérience et désigna rapidement un espace plat, couvert de feuille sur une dizaine de mètres.

- Attendez. La réponse est là-dessous.

Marin resserra son bras sur ma taille puis souffla, un peu amusé :

- Lucas est un génie, non ?

- L'entrée d'un sous-terrain ?

- Des vestiges de 39 ou de 45. Non, sans déconner ! C'est Lucas, quand même !

Ce disant, il haussa les épaules et planta son regard dans le mien.

- La Russie n'a pas été concernée par cette guerre, si ?

Marin plongea ses yeux dans les miens.

- Véritable cancre en Histoire, en plus de cela.

- Ça remonte à cent ans, je te signale.

- Hum...Fit-t-il en lâchant soudainement son étreinte.

- Hé ! Espèce de...

Lucas se rapprocha de nous et saisit Marin par son vêtement. Je fis quelques pas, pendu au bras de mon voisin. Dans la clairière, le calme était devenu pesant. Le silence presque, assourdissant. Lucas se baissa, balaya la couche de neige de sa main droite et retira les quelques feuilles gelées, emprisonnées dans le tout, avant de laisser paraître un anneau métallique gris-vert, oxydé par les années, ou devrais-je plutôt dire, le siècle passé. Il se retourna.

- Ce que vous voyez là, c'est l'entrée d'un sous-terrain militaire ou d'un bunker. Ça date à coup sûr de la seconde guerre Mondiale. En 1941 et 1942, le territoire a été envahi par l'armée d'Hitler, contrairement au traité de non-agressivité, signé un an plus tôt, entre les deux puissances. A l'époque, la résistance du côté russe n'était pas très célèbre, ce, qui n'empêchait en rien son existence. Ils étaient convaincus qu'ils étaient fichus d'avance, persuadés que la fin du monde approchait à grands pas, car l'Allemagne bombardait les flottes aériennes sans préavis et mitraillait des régions entières... Les dégâts étaient colossaux en termes de pertes. En soi, la présence de ce bunker ici est évidente.

La fin de la tirade était plus parlante pour Marin qui hocha alors docilement la tête. On aurait dit un jeune élève, désireux d'être bien vu de son professeur. Je souris discrètement et recoiffai ma tignasse en vrac, soufflée par les rares vents qui s'engouffraient dans la clairière.

- Et maintenant. Le plan, c'est... ?

Lucas poursuivit son ouvrage et dégagea l'entrée du bunker. L'anneau de métal vert dépassait d'une porte ovale, probablement lourde et condamnée d'un système de verrouillage « sophistiqué », pour l'époque, tout du moins. Une date, visible tout en bas et sur le côté gauche, avait été inscrite en Russe à la fabrication de l'engin ou peut-être juste, de la porte, au moment de l'assemblage. Marin lança d'un petit air moqueur :

Rebelles - Les INCOGNITOS - HORS SERIE -Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant