Partie 17

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Le soir même, Marianne était de garde. Elle avait enchaîné les visites à ses patients, gérant également les urgences de nuit, prenant une attention particulière à celle de la chambre 234.


Aurore Jacob-Daunier était une patiente particulière. Normalement, Marianne refusait les traitements de faveur, mais il est vrai qu'elle accordait un peu plus d'attention à la capitaine de police. Seulement, le travail de médecin, accumulé malheureusement, à un âge assez avancé, et qu'il ne fallait surtout pas lui faire remarquer, Marianne était fatiguée. Et peut-être pas aussi attentive qu'elle aurait voulu.



En ouvrant une énième fois la porte de la chambre 234, elle ne fit même pas attention à sa patiente, allant directement vers les moniteurs, les dossiers, et vérifiant les perfusions.


« Bonjour », avait-elle entendu. Et par mécanisme, Marianne avait répondu un « bonjour », en retour.


Il lui a fallu peut-être trois secondes pour comprendre. Trois secondes pour pousser de gros yeux, lâcher ce qu'elle tenait et retourna enfin son regard vers le lit.


La Capitaine Aurore Jacob était belle et bien réveillée. Ses yeux bleus étaient bien ouverts et il semblerait qu'elle lui souriait.


« Oh putain », déclara Marianne sans se retenir et commença les premiers contrôles.


« Je vous en prie... » marmonna Aurore alors que la docteur lui passait une lampe devant les yeux, et lui faisait divers examens.


« Vous êtes réveillée depuis combien de temps ? » demanda Marianne, tout en continuant de l'examiner.


« J'en ai aucune idée.. peut-être une petite heure, ou deux ».


Marianne arrêta de l'ausculter et la regarda. Elle avait l'air fatiguée, les yeux et joues creusés, le teint pâle... mais elle avait cette petite étincelle dans le regard. Celle qu'elle avait déjà décelé lorsqu'elle l'avait rencontré la première fois, lorsqu'elle la voyait avec son mari, ou avec ses filles. Aurore Jacob-Daunier était réveillée. Enfin.


« Comment vous sentez-vous ? » dit Marianne en s'asseyant sur son lit, près d'elle, faisant attention aux files qui la reliait aux machines.


« Je suis crevée. J'ai mal partout. Je crois que je peux même pas soulever le petit doigt. J'ai dormi combien de temps exactement ? »


« Vous vous souvenez de- »


« Oui, de tout. Je me souviens de tout. La prise d'otage, mes blessures, les coups de feu... tout... Je veux juste savoir depuis combien de temps je suis ici, ce que j'ai exactement, dans un jargon compréhensible, et quelle heure il est. Parce que j'ai un peu faim pour être honnête ».


Marianne rigola, baissa le regard pour trouver les bons mots. Finalement, elle prit la décision d'être complètement honnête. Elle semblait bien lucide, la suivait du regard, semblait comprendre mot pour mot ce qu'elle disait, donc le plus important.


« Vous nous avez fait une belle frayeur. De belles frayeurs d'ailleurs. De nombreux arrêts cardiaques. Et le dernier c'est votre mari qui vous a réanimé ». A ces mots, la docteur vit qu'elle était affecté parce qu'elle venait de dire. Mais elle continua :« Pour votre cuisse, la balle a bien transpercé de part en part. On a réparé les plus gros dégâts, mais je crains que vous avez de longues heures de kiné devant vous pour espérer récupérer l'usage complète de votre jambe. Mais ce n'est pas le plus inquiétant ».


Marianne vit qu'Aurore jetait un œil à sa jambe, et vit effectivement le plus gros pansement.


« Vous avez perdu beaucoup de sang. Et pour les plaies vous guérissez rapidement ». Aurore tourna son regard vers la docteur, et acquiesça du regard.


« Pour la balle dans votre abdomen, elle s'était logée près de votre rein. Le docteur Dumaze a fait son possible, mais il a été obligé de procéder à une ablation de votre rein droit ».


Aurore essaya de comprendre, essaya vraiment, mais ça devenait difficile. La fatigue reprenait le dessus.


« On vit très bien avec un rein », dit-elle, plus un constat qu'une question.


« Vous allez avoir un sacré régime, à vie bien sûr, et une surveillance de l'évolution de votre rein gauche, mais oui, vous allez très bien vivre avec un seul rein ». Aurore hocha la tête en signe d'acquiescement, et souffla un bon coup.


« Vous avez dormi presque quatre jours. Il est à peine 7h du matin. Je vais prévenir votre- » Aurore l'interrompit.


« Non, prévenez personne », dit Aurore. Marianne poussa de gros yeux mais la capitaine s'expliqua : « Si vous les réveillez à cette heure-là, mes filles seront infectes. Il est beaucoup trop tôt. Et ce côté là, elles tiennent de William. Même s'il vous dira le contraire ».


Marianne sourit. Elle était estomaquée. Elle sortait d'une prise d'otage, avait pris deux balles, avait été dans le coma pendant des jours, et elle était inquiète pour le réveil de sa famille.


« Comment ils vont ? » demanda Aurore en fermant les yeux. Marianne remarqua qu'elle ne dormait pas, mais semblait juste se reposer.


« Mal. Comme vous pouvez vous en douter. Ils seront heureux de savoir que vous êtes de retour parmi nous ».


« Dites leur que je les aime », murmura Aurore en partant une nouvelle fois vers les bras de Morphée. Marianne comprit que la capitaine était repartie pour une séance de profond sommeil, et un sourire resta sur ses lèvres, regardant une dernière fois les constantes de sa patiente.



Elle avait spécialement hâte que le docteur Daunier et ses deux filles réoccupent les fauteuils de cette chambre comme ils en avaient l'habitude depuis de longs jours. Mais il semblerait que le séjour soit plus court que prévu.  

Le héros déchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant