Le regard perdu devant moi, les pensées attristées, je tentais de reprendre mes esprits. Cela n'était pourtant pas la première fois que je perdais une protégée mais celle-ci avait eu un gout spécial pour moi. J'avais eu l'espoir qu'elle obtienne une vie beaucoup plus longue que celle dont elle s'était vu octroyer. Mes fonctions me contraignaient à l'attachement, bien sûr, mais cette humaine avait une âme différente. Il n'y avait pas une once de noirceur en elle. Elle était tout simplement heureuse de ce qu'elle avait.
Je ne contrôlais pas leur destin et je n'en connaissais pas la teneur. J'étais aussi aveugle qu'eux lorsque je les rencontrais pour la première fois. Cependant, elle avait fait la connaissance d'un homme, qui était tout son opposer mais capable de lui sauver la vie. Malheureusement, cela n'avait pas été suffisant. Elle avait perdu la vie si jeune. Il m'était revenu de l'accueillir comme elle le méritait, ce que j'avais fait. Encore là, elle avait été heureuse de retrouver ses proches disparus. Elle possédait une âme solaire et je ne doutais pas qu'elle se voie proposer la même proposition que l'on m'avait faite à ma fin. Pour d'autres raisons, bien entendu. Elle en avait la stature. Je devais avouer qu'elle avait été l'humaine que j'avais préféré protéger.
Me sentant observer, je me retournais pour tomber sur Kendari. Au loin, elle demeurait figée, le regard plein de compassion sur moi. Je baissais les yeux au sol. Elle finit par s'approcher de moi, doucement, les mains liées devant son ventre.
- Je suis désolée, Azalea. Je savais que tu aimais protéger cette humaine.
- Va-t-elle bien ?
- Elle se satisfait de sa condition.
Je hochais la tête.
- Je sais qu'il est difficile de perdre ses protégées si jeunes mais il faut que tu passes à autre chose, me conseilla-t-elle.
- Je sais que tu as raison. Elle est bien mieux, à présent, mais si elle était toujours en vie, elle aurait obtenu une vie tout autre. Elle avait trouvé l'amour...
- Elle le reverra.
- Oui...
- En attendant, un autre humain t'a été assigner, m'informa-t-elle.
Je relevais la tête, surprise par la vitesse de mon affection.
- Si vite ?
- Oui. Il va bientôt naître. Cet humain est à ta charge.
- Mais...
- Ce sont les ordres, Azaléa. Tu en avais connaissance lorsque tu as décidé de devenir un ange gardien.
- D'accord... Où vais-je être envoyé ?
- Bâton-Rouge, répondit-elle après un moment d'hésitation.
Je fronçais les sourcils.
- C'est une blague, n'est-ce pas ?
Elle secoua la tête.
- Non et j'en suis désolée mais un humain va naître sous peu dans cette ville et il sera sous ta protection.
- Pourquoi moi ?
- Je ne serais te le dire.
Bien sûr, qu'elle ne le savait pas. Kendari était ma supérieure mais ce n'était pas elle qui décidait. Cela revenait au grand patron, à l'éternel. Chacune de ses décisions avait une cause. S'il m'avait assigné Kasia, c'était pour que je comprenne que les humains n'étaient pas éternels lorsque j'avais eu une succession de centenaires. S'il m'assignait à cet humain, il y avait, également, une raison. Chaque assignation était une sorte de surprise, une leçon. Cela était ma punition. Je le savais et l'acceptais.
J'avais accepté de devenir ce que j'étais, aujourd'hui, pour éviter le pire. La punition du purgatoire pour une vie humaine que je n'avais pas choisie.
Devenir ange gardien était un moindre mal et j'avais appris à aimer cela. Je n'avais pas été une mauvaise humaine mais j'avais vécu sous une mauvaise influence qui m'avait conduite à faire de mauvaises choses. J'avais été une faible humaine. J'étais un parfait ange gardien. Je me rachetais comme je le pouvais, sans jamais manquer à mon travail.
Les informations sur ce petit être à naître en mémoire, j'écarquillais les yeux face à un Kendari contrite. Elle ne semblait pas être ravie de devoir me l'annoncer elle-même.
- Je ne comprends pas, soufflais-je.
- Je ne comprends pas son but, non plus, mais rappelle-toi qu'il y a toujours une raison derrière ses décisions.
Je me repassais mentalement les informations que j'avais en ma possession, cherchant l'erreur que j'avais pu faire mais cela était en vain. Je soupirais discrètement.
- Très bien. Je dois y aller. La mère est déjà en travaille.
Kendari s'éloigna et je me laissais transporter par ce nouveau lien qui jaillirait pleinement lorsque ce petit prendrait sa première bouffée d'oxygène.
En un clin d'œil, je me trouvais dans une salle blanche. Plusieurs rangements métalliques étaient accolés aux murs. Au milieu de la salle de travail, se trouvait un lit. La femme hurlait de douleur alors que le petit s'engageait dans son bassin. Deux infirmières et un médecin s'évertuaient à lui donner suffisamment de courage pour continuer à pousser. La femme était épuisée mais courageuse. Son mari lui permettait de lui broyer la main tout en épongeant son front, les yeux braquées sur son entrejambe distendu.
- Allez-y, madame, poussez, l'encouragea le médecin.
Invisible à l'œil humain, je me plaçais derrière celui-ci pour voir mon nouveau protéger naître. Je ne pouvais encore rien apercevoir de lui.
- Soufflez un bon coup et recommencez à pousser, Maylis, conseilla une infirmière.
La jeune femme s'exécuta et je pus voir une petite touffe de cheveux noirs. La femme relâcha sa poussée en se lançant tomber en arrière avant de reprendre ses efforts. Elle poussa si fort que la tête du bébé finit par sortir. La maman fatiguée souffrait comme un bœuf. Elle poussa une dernière fois et le médecin réceptionna le petit corps du petit avant de l'emmailloter dans une serviette en le frictionnant. Une infirmière approcha avec une poire qu'elle enfonça dans chaque narine du bébé. Ce fut à l'instant où il se mit à pleurer que le lien s'était établi, et l'importance de protéger ce tout petit être jaillit en moi. Le docteur transmit le bébé à l'infirmière. Celle-ci le rapprocha de la maman afin qu'elle puisse faire la connaissance de son fils avant de l'emmener dans une pièce adjacente, accompagner du père, afin de lui donnait les premiers soins. Ce fut lorsqu'elle le déposa sur une table à langer, une main sur son ventre pendant qu'elle attrapait une couche où je pris la liberté d'altérer le temps, le ralentissant considérablement pour chaque humain, excepté le petit, pour me baissait sur le bébé, qui me découvrait pour la première fois.
Cela arriverait un nombre, limiter de fois, durant son enfance jusqu'à ce que je disparaisse complètement de sa vision afin de ne pas altérer sa vie.
Il me souriait. Je lui souriais.
Je levais l'index devant son visage avec tendresse et le posais devant sa bouche en appuyant légèrement.
- Il faut que tu ne partages pas ton savoir, petit ange, murmurais-je avec toute la dévotion d'un ange gardien. Je serais toujours là pour toi, Benson.
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Deviation of the ritual
RomanceDouce mais féroce. Volatile mais rigoureuse. Joviale mais sérieuse. Azalea était un être des plus contradictoires. Cela lui conférait une place toute spéciale dans ses fonctions. Elle était considérée comme étant la meilleure dans son domaine. Elle...