Je croyais halluciner. Il n'y avait que deux possibilités à cette vision. Soit, je devenais fou, soit je rencontrais une version de Lea, l'amie que je m'étais inventée, petit.
Je me rappelais chaque moment passé en la compagnie de cette étrange femme que personne ne pouvait voir, excepté moi. Nous passions de longues heures ensemble. Il me revenait tous nos jeux, nos rires, nos discussions. Et puis, il y avait le moment du couché. Ma mère voulait toujours me lire une histoire mais je poussais des gueulantes parce que je voulais que cela soit Azalea qui le fasse. Dans mes yeux de petit garçon, elle était ma meilleure amie. Jusqu'au jour où elle avait disparu. Le jour de mon septième anniversaire. La déception avait été grande mais cela m'avait permis de grandir. Comme l'avaient pensé Sonny et ma mère, j'avais eu besoin de cela pour enfin évoluer.
Avec les années, j'avais fini par me persuader, à mon tour, qu'elle n'avait été qu'imaginaire. Après tout, j'étais le seul à la voir. Pourtant, son sosie parfait se tenait devant moi. Elle portait une cape bleu nuit similaire à cela qu'Azalea portait dans mes souvenirs. Ses yeux verts si clairs. Elle était bien plus petite que dans mes souvenirs mais je n'avais que sept ans lorsque je l'avais vu pour la dernière fois. Du moins, le double de cette jeune femme.
Je restais un instant saisi par son visage qui m'envoyait bon nombre de souvenir avant de la tirer par le poignet, un peu plus loin des oreilles indiscrètes de mes hommes. Quelques mètres plus loin, je tournais dans une ruelle et la poussais contre un mur. Cela devait être trop agressif pour cette inconnue mais je m'en foutais. Je n'étais pas un tendre. Le corps collé au mur crasseux, elle ne bougeait pas. Je m'abaissais à sa hauteur, les sourcils froncés.
- Tu t'appelles Azalea ?
La jeune femme, qui ne devrait plus en être une si elle était réellement celle que j'avais connue, tourna la tête dans le vain espoir de trouver une échappatoire, bouche close.
- Tu ne pourras pas me fuir alors répond.
Vaincue, elle baissa la tête en soupirant avant de la relever pour me fixer avec confiance et douceur. Cela me perturba car une seule personne m'avait, un jour, regardé de cette manière.
- Bonjour Benson.
Je reculais d'un pas, abruptement. Le choc fut violent. Comment était-ce possible ? Je n'avais pas réellement pensé qu'elle puisse être-elle. Peut-être sa fille. Pourtant cette voix... je ne pouvais pas me tromper. C'était bien elle, et mes hommes l'avaient tous vu. Je ne délirais pas. Azalea n'était donc pas le fruit de mon imagination d'enfant. Elle existait réellement. Je la scrutais intensément et j'avais l'impression qu'elle n'avait pas changé. Elle aurait dû prendre de l'âge, vieillir, mais elle était exactement comme dans mes souvenirs. Sa peau était lisse et pale.
- Je ne devrais pas être ici...
Elle tenta de passer sous mon bras, qui l'enfermait contre le mur, mais je ne la laissais pas faire. Elle était réelle. Je n'en revenais pas. Elle me devait des explications.
- Qui es-tu ?
Elle n'avait pas l'air d'être à l'aise de se retrouver en face de moi. Elle semblait prise par l'urgence. Je pouvais voir qu'elle n'avait qu'une seule pensée. Partir. Il en était hors de question. Cette femme avait énormément compté pour moi. Je ne voyais que par elle durant mon enfance. Elle avait toujours été auprès de moi, d'aussi loin que je m'en souvienne. Elle avait été importante jusqu'à ce qu'elle disparaisse.
- Je te repose ma question... qui es-tu ?
- Personne, chuchota-t-elle.
- Ce n'est pas une réponse ça.
- Il faut que tu me laisses partir, Benson. Je ne devrais pas être ici.
Son ton pressant m'interpela. Était-elle en danger ? Était-ce pour cela qu'elle avait subitement disparu, à l'époque ?
- Pourquoi être resté tant d'années auprès de moi ? Que cherchais-tu ?
- Benson...
- Réponds à mes questions, Lea. Tu travailles pour le compte d'un gang rival ?
Cela expliquerait qu'elle n'est pas l'air d'avoir vieilli. La chirurgie esthétique faisait des merveilles.
Elle secoua la tête.
- Non.
Je plissais les yeux, suspicieux.
- Alors, pourquoi ?
- C'était mon travail... murmura-t-elle.
- Ton travail ?
- Je n'ai aucun droit de te révéler quoi que ce soit. Ne peux-tu pas te contenter des beaux souvenirs que tu as à mes côtés ?
- Non.
Elle referma sa petite bouche charnue, l'air butée. Elle reprenait du poil de la bête. Elle ne dirait rien. Je commençais à la soupçonner de me mentir au sujet du gang rival. S'il s'avérait que j'étais dans le vrai, la trahison n'en serait que plus délicieuse à punir. Je n'en avais pas envie, au nom des nombreuses heures passées en sa présence et l'aide, et la douceur qu'elle avait pu m'apporter mais j'avais grandi. Je n'étais plus son petit bonhomme. J'étais un homme à la tête d'un groupe de bikers.
Cependant, il était difficile de faire preuve de cruauté lorsqu'elle me regarder avec ses yeux pleins d'une sorte d'adoration. Pourquoi me fixer de la sorte si elle travaillait pour nos ennemies ?
J'étais perdu et elle ne m'aidait pas à m'y retrouver.
- Ton nom est bien Azalea ?
- Oui, répondit-elle, assurément.
- Nous avons bien passé la moitié de mon enfance ensemble ?
Elle grimaça en retroussant le nez.
- Réponds, Lea ?
Elle eut un petit sourire. Le même que dans mon enfance. J'essayais encore d'intégrer que c'était bien elle.
- Oui, dit-elle, cette fois moins assurer.
- Tu as disparu le jour de mes sept ans ?
- Non.
Je fronçais les sourcils.
- Ne me mens pas !
- Je ne mens jamais. Cela est impossible pour moi.
- Je ne t'ai plus jamais revu après ce jour-là, l'accusais-je presque.
- Tu n'avais plus besoin de ma présence. Il était temps pour toi de grandir, expliqua-t-elle avant de poser une main sur sa bouche.
Elle n'avait pas eu l'intention de me répondre aussi franchement.
- Alors, tu es bien parti.
Elle secoua la tête les yeux sur le sol.
- Je ne suis jamais partie bien loin.
- Qu'est-ce que ça veut dire, bordel ?
Des pas se rapprochaient. Nous allions être interrompus mais je continuais de la fixer jusqu'à ce que Keler m'interpelle. Dans un réflexe, je tournais la tête vers lui et relâcher mon attention sur la jeune femme.
- Qu'est-ce que tu fous, Boss ?
J'allais lui répondre mais les mots se bloquèrent dans ma gorge lorsque mes yeux rencontrèrent le mur devant moi.
La jeune femme avait encore disparu...
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Deviation of the ritual
Storie d'amoreDouce mais féroce. Volatile mais rigoureuse. Joviale mais sérieuse. Azalea était un être des plus contradictoires. Cela lui conférait une place toute spéciale dans ses fonctions. Elle était considérée comme étant la meilleure dans son domaine. Elle...