Chapitre 18 : Leah

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« Régulière »

Ce mot était imprimé sous mes paupières. Sans jamais s'effacer, il était l'objet de toutes mes pensées depuis la veille au soir, après être rentrée dans ma petite chambre d'étudiante.

En effet, cela était un fait depuis ma plus tendre enfance. J'avais toujours eu une spécificité pour appréhender certaines pensées de personnes m'entourant. Cela ne s'était jamais expliqué. Un bon petit secret familial afin que je n'aie pas à subir une tonne d'expérience scientifique qui aurait gâché mon enfance. Je n'en remercierai jamais assez mes parents pour leur clairvoyance et leur attention. Cela se traduisait par l'apparition de mots dans mon esprit. Ainsi, j'en apprenais beaucoup sur les personnes devant moi.

Le mot qui avait caractérisé la soirée auprès de Benson était « régulière ». J'avouais que je ne comprenais pas ce que cela voulait dire. Que voulait-il exprimer par ce mot ?

Alors que je m'interrogeais toujours à propos de sa signification, la porte de la chambre s'ouvrit avec fracas. Shondra entra avec l'allure d'une reine de la déchéance.

- Qu'est-ce que tu as fait de ta nuit ?

Elle grogna en se laissant tomber sur son lit.

- Jay, se contenta-t-elle de souffler.

- Tu as encore passé la nuit avec lui ? l'accusais-je.

Elle me regardait avec ses petits yeux emplis de culpabilité.

- On n'avait pas dit que tu ne l'approcherais plus ? Il va te faire souffrir, ce gars !

- Je sais mais je n'y peux rien. Il est trop sexy !

- Tu es incroyable. Je vais encore te récupérer à la petite cuillère, d'ici deux semaines, grondais-je.

- Désolée mais je n'arrive pas à lui résister... et toi ? Ta nuit avec le beau bikers ?

Je fermais la bouche en la fusillant du regard pour avoir détourné la conversation.

- Quoi ? fit-elle l'innocente. Je veux vraiment savoir.

Je soupirais. Il était difficile de rester en colère devant ce joli minois mais je n'abandonnais pas. Il lui fallait lâcher prise avec ce type. Il était nocif pour elle.

- Il m'a emmené à la Nouvelle-Orléans.

- Il n'y avait pas une fête sur le thème de la décadence ? s'exalta-t-elle en se redressant sur son lit.

- Tout juste. Ça a été une super soirée. On s'est bien amusé.

- Pas génial pour discuter, fit-elle remarquer.

- Ce n'était que le début de soirée. Après ça, on est allé dans un bar et on a passé une bonne heure à discuter.

- C'est tout ? fût-elle déçue.

- Tu t'attendais à quoi ? J'avais des cours à assurer le lendemain.

- Tu n'es pas marrante.

- Je suis très marrante, contrais-je. Je préfère y aller à mon rythme, c'est tout.

Elle me lança un regard en coin.

- Dis-moi, au moins, que vous allez vous revoir.

- Benson est un homme qu'on oublie pas. Je compte bien le revoir.

Le sourire de mon amie réapparut.

- En voilà des détails que j'apprécie. Il t'a donc fait bonne impression ?

- Effectivement ! C'est un homme... fascinant, je dirais.

Shondra tapa des mains, d'excitation et sauta de son lit.

- Il n'aurait pas un ami célibataire ? minauda-t-elle dans un clin d'œil.

Je levais les yeux au ciel en sortant mon livre de cours d'histoire de droit dans l'optique de revoir le cours que j'avais eu, plus tôt dans la journée.

- Quoi !? Une nouvelle conquête pourrait me faire oublier Jay.

- Bien sûr, Shondra, bien sûr...

Elle se rallongea en soufflant, perdue dans sa rêverie et je pus, enfin, me concentrer sur mes cours. Elle n'était pas facile à rassasier en matière de potin mais c'était pour sa personnalité pétillante que je l'adorais. Je l'avais rencontré le jour même de ma première année sur le campus. Cela avait été une évidence entre nous. Une amitié exceptionnelle était née et ne s'était jamais éteinte. Je l'ai, immédiatement, aimée. L'année suivante, nous avions demandé à avoir une chambre commune. Nous partagions tout. Nous n'avions aucun secret l'une pour l'autre. Je n'avais jamais partagé une amitié aussi forte. Malgré nos caractères différents, nous nous étions trouvés, toutes les deux.

Je refermais mon livre, deux heures plus tard, faisant réagir mon amie. Elle tourna la tête vers moi en souriant et fermant son propre livre.

- Ça te dit qu'on sorte ? J'ai besoin de vitamine D.

Rigolant de son extrapolation, je me levais et l'accompagnais jusqu'au parc où se retrouvaient tous les étudiants. Nous fûmes, rapidement, rejoints par le reste du groupe après un coup de fil à chacun. Seule, Brittany manquait à l'appel car elle travaillait.

- Notre petite Leah à eu un rencart, hier soir, chantonna Shondra, me faisant lever les yeux au ciel.

Cela eut bon de faire converger les regards sur moi.

- Mademoiselle Bourreau du travail s'est laissé approcher par un homme, s'amusa Brad.

Je dressais mon majeur et il éclata de rire.

- Qui est ce type pour que je lui demande son secret, ajouta Mayron.

Il eut droit au même traitement.

- Foutez-moi la paix. Ce n'est pas la première fois que j'accepte un rendez-vous.

- C'est si rare qu'on se demande souvent si tu ne vas pas devenir vieille fille, se moqua Anna.

- Vous êtes chiants, râlais-je. Ce n'est pas un défaut de vouloir réussir ses études !

- Mais non, ma petite bosseuse, me câlina Shondra.

Je lui adressais un sourire et attrapais une bouteille d'eau, ainsi qu'une grappe de raisin, qui était disposée au centre du cercle que nous formions.

- On est très heureux pour toi, ma belle, si tu as enfin décidé de sortir le nez de tes bouquins, m'assura Mayron.

Mes amis étaient des gens formidables. J'étais chanceuse d'être aussi bien entourée. Ils avaient raison. Cela faisait bien trop longtemps que je n'avais pas pris le temps de profiter de mon âge. La veille au soir, je m'y étais autorisé et je devais avouer que cela avait été agréable. Devais-je attribuer cela à l'exaltante ambiance mener par les habitants du vieux carré Français, ou à Benson ? Ou bien les deux ?

Ce dont, j'étais sûr, était que j'espérais revoir l'homme au plus vite car, jusqu'à présent, je n'avais vécu qu'une seule connexion aussi forte au premier regard et cette relation durait depuis près de cinq ans. Cela voulait bien dire quelque chose, pensais-je en regardant ma meilleure amie.

« Régulière », que cela pouvait-il signifier ?

Deviation of the ritualOù les histoires vivent. Découvrez maintenant