Chapitre 22 : Leah

532 76 1
                                    


Je ne devrais pas me trouver là. Les examens approchaient. Je devrais être assise derrière mon bureau et étudier mes fiches, préparer tout au long de l'année. Pourtant, je m'étais laissé embrigader par mes amis à cette soirée organisée par les footeux du campus, prétextant que cela ne pouvait que me faire du bien.

Les filles avaient été extrêmement présentes pour moi, ces derniers jours. Après notre petite soirée improvisée, nous avions toutes été d'accord pour dire que ma relation avec Benson serait un frein à ma carrière. Il me revenait de déterminer si cela en valait la peine après tant d'années d'acharnement dans mes études. Bien évidemment que non. J'avais toujours eu l'espoir de devenir avocate. Je n'avais jamais dévié de cet objectif. Il ne fallait pas que qui que ce soit se mette en travers de ce chemin que je m'étais tant donné de mal à arpenter. Néanmoins, l'homme ne quittait, pour autant, jamais mon esprit. Comme un signe de défiance à ma raison, il était imprégné en moi, telle une obsession. Il était le premier homme à me faire un tel effet et je ne savais pas comment appréhender ce sentiment. Il était étrange de se retrouver désemparé face aux souvenirs d'un homme aussi charismatique que Benson. Cependant, ces choix de vie étaient à l'exacts opposer des miens. Je me prédestinais à la justice. Il se prédestinait à la criminalité. Cela aurait dû me rendre réfractaire à une réapparition soudaine mais, voilà... j'en avais envie. J'avais envie de le revoir, de réentendre sa voix profonde, de sentir, à nouveau, ses gros bras autour de mes épaules, de m'emplir à nouveau les poumons de son parfum. Cela était frustrant et perturbant au possible. Cela était une lutte de tous les instants. Je ne le connaissais même pas tant que cela. Il demeurait un étranger parmi tant d'autres. Pourtant, j'avais l'impression de le connaître depuis toujours. J'avais la sensation que notre rencontre n'était pas due au hasard. Il était une énigme que j'avais envie de résoudre, tant pour le bien de ma santé mentale que pour mes pauvres nerfs. Seulement, je me contraignais à penser différemment. Je ne pouvais me permettre une telle erreur. Cela pourrait gâcher tant d'implication pour mon futur, pour mes rêves. J'étais, en tout point, partager entre la raison et le cœur. Cela était aussi bizarre de parler de cœur en si peu de temps, néanmoins, il n'y avait clairement pas d'autres mots pouvant expliquer ce qui m'animait, le concernant. Cela ne me semblait pas être de l'amour car trop tôt et trop malsain. Je ne pouvais poser de mot sur ce sentiment obsédant. Je n'avais que l'espoir que cela s'atténuerait avec le temps. Il n'avait toujours pas repris contact avec moi et cela était un mal pour un bien. J'avais autant envie de l'en remercier que de le fustiger. En somme, j'étais complètement perdue.

Après maintes discussions avec les filles, elles en avaient décidé qu'il me fallait me détendre et m'amuser. Elles cherchaient à m'occuper afin qu'il ne pénètre pas constamment mon esprit, qui s'amusait à me torturer, rendant mes habitudes difficiles. Je n'étais plus aussi concentrée sur mes cours, oubliant de prendre des notes primordiales, n'écoutant qu'à moitié les sages paroles de mes professeurs alors que mes derniers examens se jouaient très bientôt. Cela serait une véritable catastrophe pour moi, si je venais à échouer aussi près du but. Malgré cela, je parvenais, je ne savais toujours pas comment, à assurer lors des prises de paroles en cours. J'avais toujours eu une facilité déconcertante pour les études, comme si cela s'imprimait sans effort dans mon esprit mais mes doutes se jouaient de moi, ces temps-ci.

- Arrête de réfléchir et amuses-toi, râla Shondra en se laissant tomber près de moi, sur le canapé de l'immense salon des sigmas.

- Je m'y emploie, je te le jure.

- Ton cerveau ne s'éteint jamais hein ? me taquina-t-elle.

- Je n'ai jamais eu cette fonction, rigolais-je.

- Laisse-le tombé. Il n'en vaut certainement pas la peine.

- Là est problème, Shondra. Je n'en suis pas aussi sûre que toi...

- Il t'a retourné la tête. Le temps fera son job, ma belle.

- Je l'espère. Je ne peux pas tout gâcher pour un homme.

- Exactement, intervint Anna en nous rejoignant, accompagner du reste du groupe.

- Toujours sur ce mec, râla Brad, à son tour.

- C'est une discussion interdite aux hommes, le remit à sa place Brittany.

Celui-ci leva les yeux au ciel.

- Excusez-moi de m'en faire pour mon amie, répondit-il avant de se tourner vers moi, je t'interdis de mettre en péril tout le travail que tu entreprends depuis tant d'années pour ce type, Leah.

- Ce ne sont pas mes intentions, Brad, le rassurais-je.

- Personne, même pas nous, n'en valons le coup, asséna-t-il.

- J'ai compris, Brad. Je ne compte pas abandonner mes études pour qui que ce soit. Toi, mieux que quiconque, sait à quel point cela me tient à cœur alors inutile de me faire la leçon. Je suis suffisamment grande pour savoir ce que j'ai à faire, d'accord ? m'irritais-je devant ses remontrances.

Mon meilleur ami leva les mains en l'air avec un petit sourire avant de passer son bras autour de mes épaules et se pencher sur mon oreille.

- C'est seulement que je me fais du souci pour toi, tu sais, murmura-t-il.

Je reculais la tête pour le regarder dans les yeux.

- Je sais, Brad mais n'interfère pas dans mes décisions, exigeais-je avant d'ajouter pour détendre l'atmosphère, ou alors je vais penser que tu as été missionner par mes parents.

Il rigola en me relâchant et se levant pour aller chercher une nouvelle bière. Lorsque je refis face au groupe, les gars zieutaient Brad d'un drôle d'air alors que les filles se concentraient sur moi, du même air. Cela leur arrivait de temps en temps. Je savais ce qu'ils pensaient mais ils se trompaient. Brad et moi avions une relation exceptionnelle mais purement platonique. Cela était parfaitement clair pour l'un comme pour l'autre. Nous étions simplement très proches. Je comprenais que cela pouvait sembler ambigüe, vu de l'extérieur, mais notre relation n'avait rien de romantique. Brad était un frère pour moi et j'étais la petite sœur qu'il n'avait pas... ou plus, tout du moins. En effet, Brad avait perdu sa petite sœur lors de ses onze ans, d'un cancer. Il avait mis longtemps à s'en remettre et lorsque notre relation amicale s'était approfondie, il avait déplacé son amour pour Kelsey, à moi, voyant en moi, celle qu'il avait perdue. Cependant, je ne fis aucun commentaire. Nous nous en étions longtemps défendu. À présent, nous laissions couler, en ayant marre de justifier le lien qui nous unissait depuis tant d'années.

Lorsque je revins aux filles, celles-ci avaient cessé de me fixer de façon intrusive pour reporter leur attention sur quelque chose, derrière moi, de façon aussi insistante. Perplexe par leur regard aussi alerte que belliqueux, je me tournais vers l'objet de leur attention jusqu'à tomber sur la personne que je m'attendais le moins à voir en ces lieux. Comme un ressort, je me levais du canapé, où je stagnais depuis le début de la soirée, les yeux écarquillés. Je ne m'attendais pas à le revoir. J'avais pensé n'être qu'une erreur de parcours pour lui mais il était bien là et toutes mes tergiversions, à propos d'éloignement, semblaient bien lointains, à cet instant. Mon cœur ne cessait de faire des bonds dans ma poitrine alors que je le regardais avancer vers moi, les sourcils froncés. Ses yeux, eux, fixaient les personnes derrière moi, de façon menaçante. Je demeurais figée, abasourdie par sa présence lorsqu'il s'arrêta devant moi et baissa enfin son regard sur moi. Ses yeux se firent plus doux, contrastant avec une certaine colère sous-jacente qui ne le lâchait, vraisemblablement, pas. Je ne bougeais toujours pas lorsqu'il enfouit sa main dans la poche de mon jean pour en ressortir mon téléphone portable et l'agiter sous mon nez avant de me dire de sa voix si profonde, m'envoyant de délicieux frissons.

- Tu ne fais jamais attention à ton téléphone... ?

Deviation of the ritualOù les histoires vivent. Découvrez maintenant