Deviation of the ritual

Chapitre 20 : Leah

Autour de la table du restaurant, entourée de mes amis, je les écoutais discuter, distraitement, de leur journée de cours, plus précisément du professeur d'économie d'Anna et Mayron, qui avait pour réputation d'être intransigeant. Je ne parvenais pas à prendre part à la conversation. J'étais ailleurs à cause du silence de Benson. Voilà, trois jours qu'il m'avait ramené à ma résidence, et je n'avais plus eu de nouvelle de lui. J'étais, pourtant, persuadé qu'il avait été emballer à l'idée de me revoir. Je pensais m'être trompé, à présent. Après plusieurs messages envoyés, je m'étais ordonné de me faire une raison. Il ne comptait plus me contacter, à nouveau. Depuis cette constatation, je réfléchissais au moment où j'avais pu rater les signaux dans ce sens lors de cette soirée mais rien ne me vint. Il avait eu l'air de vouloir me dévorer tout au long de la soirée. Cela me rendait perplexe. Une main se posa sur mon bras, me ramenant à l'instant présent.

- Qu'est-ce que tu as, Leah ? s'inquiéta Brad.

Je secouais la tête en forçant un sourire. Je ne comprenais pas pourquoi je me prenais tant la tête pour si peu. Je ne le connaissais qu'à peine et ce n'était pas la première fois qu'on me faisait le coup.

- Oui, ça va.

- Elle pense à son biker, me taquina Shondra, maladroitement.

- Tu le revois quand ? demanda Anna.

Je haussais les épaules en tentant de garder bonne figure.

- Il ne t'a pas rappelé ? s'indigna-t-elle.

- Ça ne fait que trois jours, Anna, râla Mayron.

- Ce n'est pas la question. Il aurait dû prendre de ses nouvelles, quand même.

- Ils ne sont pas un couple...

- Peu m'importe. S'il est intéressé par notre petite Leah, il devrait s'assurer d'être toujours dans son collimateur.

Mayron leva les yeux au ciel et mon sourire se fit plus sincère. J'avais des amis formidables. Les voilà, se disputant sur une relation inexistante. L'un faisait preuve de rationalité alors que l'autre était exaspéré pour moi.

- Vous êtes trop bizarres, vous les femmes, désespérait Mayron.

- Pas bizarre ! Complexe, tout au plus mais vous êtes pas mal, vous aussi, dans votre genre, attaqua-t-elle.

Le reste du groupe regardait les deux protagonistes comme s'il s'agissait d'un match de tennis. L'instant était comique et un rire m'échappa, attirant l'attention sur moi.

- Ne vous disputez pas pour si peu, tempérais-je dans un sourire.

Anna attrapa ma main, concernée.

- Tu as essayé de lui envoyer un message ?

- Plusieurs.

- D'après ce que tu nous en as dit, il semblait vraiment content de votre sortie... je ne comprends pas pourquoi il a disparu, réfléchissait Shondra.

Je me tournais vers Brittany.

- Tu sais ce que veut dire « régulière » ?

Brittany connaissait le monde de Benson pour l'avoir côtoyé de loin lorsque sa sœur s'était amourachée de l'un d'eux, trois ans auparavant.

- Il t'a dit qu'il voulait faire de toi, sa régulière, s'exclama-t-elle, étonnée.

- Non. J'ai seulement entendu ce mot et je voudrais en connaître la signification, mentis-je à moitié.

Elle m'observait, perplexe sur mes explications.

- Ça désigne le statut d'une fille auprès de l'un d'eux.

- Quel statut ?

- Une régulière est la petite amie d'un biker. Elle devient intouchable. Elle entre dans la grande famille du club mais elle a des règles à respecter, expliqua-t-elle.

Tout le groupe s'était tu durant ses explications, intriguer par ce monde particulier.

- Des règles ? demanda des précisions Brad.

- Une fille qui devient la régulière d'un biker est soumises aux mêmes règles que le reste du groupe. Le club avant tout. Je n'en sais pas plus mais je suppose qu'elle doit se taire quant aux affaires du club.

- Tu veux être avocate, me mit en garde Mayron, d'un air grave.

Je hochais la tête, consciente de ce qui se jouait.

- Tu devrais rester loin de ce type, Leah, me conseilla Brad.

« Attention » fut le mot qui ressortit de l'esprit de Brad lorsqu'il me toucha, de nouveau, le bras. Il avait raison. Je destinais ma vie à la justice, à punir les criminels. Cela avait été mon point d'ancrage de mes objectifs. Pourtant, l'idée de ne plus revoir Benson me laissait un goût amer dans la bouche. J'étais perdue.

- Il va détruire ta vie, m'asséna Mayron.

Je le fixais, parfaitement clairvoyante sur la situation. Je ne pouvais décemment pas tomber amoureuse d'un homme, que je pouvais, possiblement, mettre sous les barreaux à un moment donné de ma carrière. Aussi, il serait préférable de couper court à tout cela. Connaître la signification du mot qui m'avait tant perturbé ces derniers jours ne m'incitait pas à oublier l'homme. Cela était flatteur et j'aimais, un peu trop, qu'il est pu penser à moi en ce sens.

- Je suis dans la merde, soupirais-je fortement.

Brad me prit dans ses bras et me frictionnait le bras.

- On est là. On ne le laissera pas te faire de mal, assura-t-il, pensant que je me sentais en danger.

« Protection », pensa-t-il. Brad était mon meilleur ami depuis nos seize ans. Nous avions vécu beaucoup de choses ensemble. Il avait toujours été présent à mes côtés. Il était le grand frère qui m'avait toujours manqué et il se comportait toujours comme tel. Cependant, il demeurait un homme. Il ne comprenait pas ce qui me tourmentait.

Les filles semblèrent exaspérer devant leur ignorance et me zieutèrent, compatissantes. Anna baissa la tête sur son téléphone et celui de Shondra, Brittany, ainsi que le mien bipèrent.

« Rendez-vous ce soir dans votre chambre, Shondra et Leah. »

Je levais les yeux sur elle, qui me fixait. Je lui adressais un sourire reconnaissant et elle me le renvoya.

J'avais besoin de personnes qui me comprendrait véritablement pour démêler ce sac de nœuds, et qui de mieux qu'elles, pouvaient m'y aider... ?

Un coup d'œil à la tablée, je m'assurais qu'aucun des garçons n'avait remarqué nos petites combines, ne voulant pas qu'ils se sentent exclus mais ceux-ci ne semblaient pas avoir percuté. Chacun d'eux supposait de leur force pour contrecarrer un homme comme Benson, en jouant de leur muscle. Aussi ridicule que cela puisse être, ils nous firent rire et l'atmosphère s'allégea, à nouveau, autour de la table devant la pitrerie de ces adorables abrutis.