Il s'arrêtait au bord d'un magnifique lac, seulement éclairé par la lune scintillante à la surface de l'eau, avant de descendre de moto et m'aider à en faire de même. L'ambiance avait quelque chose de romantique malgré la tension qui tournoyait entre nous. Je n'avais pas eu l'intention de le suivre jusqu'ici avant de sortir de la maison. Au départ, j'avais pour projet de lui dire ce que je pensais réellement de la situation et le laisser retourner à sa vie avec beaucoup de regrets mais il m'était difficile de ne pas céder face à lui. J'étais, clairement, faible lorsqu'il s'agissait de lui et je n'en comprenais pas la raison. Cela était comme si mon corps et mon esprit appelaient à sa présence et que chaque lutte était vaine. Cela était frustrant.
Il me conduisit devant le lac et s'asseyait dans l'herbe en m'incitant de le suivre. Le regard droit devant moi, j'essayais de reprendre mes esprits et ne pas me laisser diriger par l'attraction qu'il exerçait sur moi. Il fallait que je garde les idées claires afin d'avoir une conversation constructive pour savoir où cela allait nous mener. J'avais l'impression que nous étions deux personnes perdues sur un océan d'émotions que nous n'avions pas demandées, piégé à ressentir. Je secouais la tête en soupirant. Quel imbroglio !
- Je rêve de devenir avocate depuis toujours, Benson...
- Rien ne t'empêche de le devenir. Tu as même des clients par avance.
Je levais les yeux au ciel.
- Ce sont les innocents que je me destinais à défendre, pas les criminels.
- Pourquoi pas ?
Je tournais la tête vers lui en le regardant comme si une deuxième tête lui était poussée.
- Tu rigoles, n'est-ce pas ?
- Pas du tout. Nous n'avons pas véritablement de représentant en justice. Tu aurais l'occasion d'exercer ton métier sans problème et pour notre part, on saurait défendu par la meilleure.
- Pourquoi ferais-je ça ?
- Parce que tu aimes ce métier et que tu serais plus qu'occuper par nos affaires. Je possède plus de quarante chapitres à travers le pays. Il y a de quoi faire.
- Bosser pour des délinquants n'était pas ce que j'avais en tête en commençant mes études.
- La vie est pleine de surprise, poupée.
- Je ne peux que confirmer...
- J'ai parfaitement compris que ce n'est pas ce que tu aurais voulu mais parfois, les choses changent. Il faut s'adapter. Une chance s'ouvre à toi. Tu as tout à y gagner.
- Vraiment ? répondis-je perplexe de sa vision des choses.
- Tu ne défendras pas des innocents mais tu feras partie d'une famille plus soudée qu'il t'est donné de rencontrer.
- Qui donne dans la drogue ou les armes...
- On est des clients comme les autres. En plus, ne crois pas que tu défendras toujours des innocents. Tes premières années de carrière, tu seras, tout au plus, une avocate commise d'office pour des petits branleurs. Tu n'aurais à passer par là si tu bosses auprès de nous. Ce serait de vraie affaire.
Il n'avait pas tort. Excepté si je trouvais un cabinet réputé qui acceptait de m'embaucher dans les premières heures, cela se passerait ainsi. J'en avais conscience mais cela me posait un cas de conscience tout de même.
- Et nous pourrions être ensemble, asséna-t-il.
Je l'observais intensément, partager. Il avait des arguments mais étais-je capable de brouiller mes valeurs pour cet homme ?
- Je sais que tu en as envie autant que moi, ajouta-t-il.
- Pourquoi t'arrêter sur moi. Je connais la réputation des gars comme toi.
- Pour être franc, je n'en sais rien. Je veux dire... tu es très belle, je ne peux le nier mais je côtoie de très belles femmes au quotidien. Je les pratique même depuis mes treize ans, ne se gêna-t-il pas d'argumenter, mais tu m'as fait quelque chose que je ne m'explique pas.
- Tu penses souvent à moi. Tu n'arrives pas à te sortir mon souvenir de la tête.
Il leva un sourcil, le visage illuminé par l'amusement.
- Tu n'y vas pas de mainmorte pour t'exprimer. Je n'ai pas pour habitude de parler de ces trucs alors je vais te laisser le soin d'en parler toi-même.
- J'aimerais seulement que tu sortes de ma tête, moi aussi. Tu n'étais pas prévu au programme.
- Tu regrettes de m'avoir rencontré, se ferma-t-il.
Je le fixais un moment afin de chercher en moi ce que je voulais réellement.
- En quelque sorte, confirmais-je. Néanmoins, je ne peux me résoudre de voir cet après-midi-là, au festival, comme étant une mauvaise chose. Depuis deux jours, j'essaye vraiment de voir les choses ainsi, sans y parvenir.
- Pourquoi avoir accepté le rencard, alors.
- Je n'étais pas sûr de l'endroit d'où tu venais et quand je l'ai compris, je me suis persuadé que cela n'était qu'un flirt sans conséquence. Je n'y voyais pas vraiment de problème... jusqu'à ce que j'apprenne ce qu'était une régulière...
- Qu'as-tu appris ? Qui te dit que je veux faire de toi, ma régulière ?
- Une de mes amies, Brittany, connaît pas mal de choses sur vous et m'a expliqué votre hiérarchie et la place d'une « régulière ». Quant à ta deuxième question, je le sais, c'est tout, ne m'avançais-je pas plus.
Son esprit ne cessait de m'envoyer un seul mot sans discontinuer. « Merde ». Aussi, je savais que je ne m'étais pas trompé sur la signification qu'il avait donnée à ce mot ce soir-là. Il ne pouvait me mentir, sans le savoir. Personne ne pouvait me berner.
- Ça serait une si mauvaise chose ?
- Ma raison me dit que oui. Mon cœur me dit que non mais je n'ai jamais fait confiance à mon cœur plus qu'à ma raison.
- Et c'est une bonne chose mais parfois il ne faut pas être constamment sur la défensive, Leah. Tu pourrais rater de beaux moments à vivre.
Je fronçais les sourcils, perturber par ses paroles car mon père n'avait eu de cesse de me répéter ces mots depuis que j'étais en âge d'avoir mes propres opinions. Pour mes parents, j'avais toujours été trop amère pour une jeune femme de mon âge. Trop dans la réserve et mature. Trop méfiante et nerveuse. Rendant mes interactions difficiles, mes amitiés trop rares. J'étais faite ainsi. Je faisais toujours attention à ne pas me tromper de chemin et ne pas laisser les personnes qui m'entouraient de me dévier de ma route. J'avais l'impression de passer un ultime test avant d'entrer dans la vie active, à ce moment-ci. Alors que je regardais cet homme qui me faisait tant ressentir d'émotions contradictoires, je me sentais plus perdue que jamais.
La sensation de passer à côté d'une histoire importante, si je le laissais reprendre sa route, ébranlait mes convictions. Je détournais la tête afin de ne pas me laisser emporter par ses beaux yeux verts et me figer devant ce merveilleux spectacle que m'offrait la nature. J'étais une femme simple, possédant un esprit terre à terre et déterminer. J'étais discrète et mesurée. Je n'avais jamais expérimenté la passion. Cependant, à cet instant, celle-ci me dévorait entièrement alors que je luttais contre elle.
Le pouce de Benson vint se rappeler à moi, comme pour m'interdire de l'exclure de mes pensées. Je baissais le regard sur ce simple doigt, qui caressait doucement ma cuisse, me procurant des sensations voluptueuses. Je levais les yeux sur lui, alors...
Quel choix devais-je faire ?
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Deviation of the ritual
RomanceDouce mais féroce. Volatile mais rigoureuse. Joviale mais sérieuse. Azalea était un être des plus contradictoires. Cela lui conférait une place toute spéciale dans ses fonctions. Elle était considérée comme étant la meilleure dans son domaine. Elle...