Chapitre 2 : Azalea

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Deux ans plus tard :

Il avait bien grandi. J'observais tout ce petit monde amasser autour de lui alors qu'il soufflait ses sept bougies, du haut de la maison de ses parents. Plus précisément, depuis sa chambre d'enfant. Tout le monde l'applaudissait alors qu'il riait de plaisir en zieutant la montagne de cadeaux qui n'attendait que lui pour être ouvert. C'était avec nostalgie que je me remémorais les moments où il refusait de fêter son anniversaire sans ma présence. C'était un grand garçon, à présent. Il continuait à me voir mais n'y prêtait plus vraiment attention, croyant que ce que ses parents disaient de moi. Il estimait qu'il était temps pour lui de grandir et de ne plus avoir d'amie imaginaire. C'était compréhensible. Le cours normal des choses.

J'étais heureuse de le voir évoluer, le voir développer sa personnalité, ses capacités. Benson était un petit garçon équilibré, bien qu'un peu trop arrogant. Cependant, comment ne pas l'être lorsqu'il était entouré par des gens qui le comblaient de compliment plus machiste, les uns que les autres.

Keler et Betsy autour de lui le pressèrent à réclamer ses cadeaux, impatients d'en découvrir le contenu. Maylis entendit l'empressement des deux petits et s'empara d'un paquet recouvert d'un papier cadeau à l'effigie de Spiderman, sa fille dans les bras.

- Ouvre celui-ci, bonhomme. Il te vient d'oncle Terrence et tante Patty.

Elle le déposa devant mon petit protégé et celui-ci l'ouvrit sans attendre, tout exciter. S'en suivi une farandole de jouets en tous genres. Cela passait par des robots téléguider au drone high tech et console dernière génération. Le dernier cadeau arriva devant lui.

Je n'avais aucun droit de faire cela. Je le savais mais cela avait été plus fort que moi. N'étant pas humaine, où tout du moins, plus humaine, je ne disposais pas d'un compte bancaire. J'avais alors dû me débrouiller pour trouver un cadeau d'adieux digne de ce nom. L'idée de fabriquer, moi-même, un tout dernier présent à Benson m'était alors venu à l'idée. Il se passionnait pour les avions. Il en était fou depuis leurs vacances aux Caraïbes. Je lui avais alors confectionné un planeur en bois. Je savais que c'était une mauvaise idée car les adultes se poseraient des questions sur ce cadeau tombé du ciel. C'était une faute grave. La première que je commettais dans ma carrière mais je m'en fichais. J'étais prête à assumer les conséquences de mon acte. Benson était particulier pour moi. Je l'aimais vraiment. Je n'avais pas eu l'occasion d'avoir d'enfant lors de ma vie sur terre mais si j'en avais eu un, j'aurais aimé qu'il soit comme Benson.

Le petit garçon déchira le paquet cadeau que j'avais trouvé dans le cellier de ses parents. Lorsqu'il vit le petit avion, il fronçait les sourcils alors que les adultes cherchaient à savoir qui avait bien pu lui offrir cela. Lorsqu'ils comprirent qu'il ne venait d'aucun d'eux, ils voulurent lui prendre des mains mais Benson ne les laissa pas faire. Il leva le regard sur la fenêtre de sa chambre et me vit les observait. Il resta figé ainsi un long moment. Suffisamment pour inquiéter sa mère.

- Qu'est-ce qu'il y a mon garçon ?

Il secoua la tête et se tourna vers elle.

- Rien du tout. Est-ce qu'on peut aller jouer maintenant ?

- Bien sûr. Allez-y.

Il se leva, sans plus me prêter attention et courut avec sa nouvelle console de jeux dans sa cabane dans l'arbre avec ses amis.

Je soupirais, partager entre la joie de le voir progresser dans la vie et la mélancolie de ne plus avoir de moments privilégier avec lui. Il était le premier protégé à me donner ce sentiment. Je ne voulais pas qu'il m'oublie. Je voulais qu'il continue à réclamer ma présence. Pourtant, mon travail était de le protéger, pas de faire partie de sa vie. Je devais rester dans l'ombre. Néanmoins, cela était compliqué avec Benson. J'avais l'impression qu'un lien spécial me liait à lui depuis sa naissance. J'aimais tous mes protégés, après tout, je passais de longues décennies avec eux, mais celui-ci était particulier et je ne savais pas en quoi.

Dans peu de temps, il ne me verrait plus. Cela était un mal pour un bien. J'avais toujours fait en sorte de rester visible pour lui mais la question de cesser cela m'avait posé problème durant ces dernières semaines. Ma présence constante le gênait et même si cela était difficile pour moi, Benson devait passer au premier plan. Voilà l'explication de ce cadeau d'adieux. Je serais toujours près de lui mais j'avais décidé qu'il était temps pour lui de n'en rien savoir. Cela ne ferait qu'avancer le moment où il cesserait, par lui-même, de me voir. Aussi, je me rendis invisible à ses yeux, comme je le faisais pour tous les autres mais ne bougeais pas de mon perchoir. Au fond du jardin, les enfants s'amusaient alors qu'il restait dans son coin, s'amusant avec son jeu vidéo. Cependant, ses yeux n'arrêtaient pas de faire des allers-retours entre l'écran et la table de jardin, où se trouvait le planeur. Au bout d'un long moment, il éteignit la console et se leva pour aller prendre mon cadeau en main et leva le regard sur la fenêtre où je me trouvais. Je savais qu'il ne verrait que du vide et cela me fendit le cœur. J'avais toujours été une présence constante pour lui. Comment allait-il réagir à mon absence ?

Il entra précipitamment dans la maison et monta les escaliers pour atteindre sa chambre. Il poussa la porte et regardait partout dans l'espoir de me trouver. Je résistais à l'envie pressante d'apparaitre alors qu'il m'appelait de sa petite voix.

- Tu es là, Azalea ?

Il ouvrit la porte de son dressing puis celle de sa salle de bain. Je le scrutais avec tristesse lorsqu'il soupira.

- Je suis désolé de t'avoir ignoré, Lea... s'il te plaît, viens.

Je m'approchais de lui et passais ma main sur sa joue. Il ne pouvait plus sentir ni ma présence, ni mes caresses. Il vivrait comme tout le monde, sans que je n'interfère.

- Merci pour le cadeau, Lea. Je t'aime...

Je l'aimais aussi. En cela, il me revenait de prendre les décisions les plus difficiles.

Il se retourna et sortit de la chambre précipitamment. Un triste sourire étira mes lèvres lorsque je compris que j'avais faits le bon choix. Cela était pour le mieux. Il fallait que je le laisse vivre sa vie.

Je retournais à la fenêtre. Il prit place près de ses parents, l'air attristé. Cela lui passerait. Il finirait par m'oublier.

Sonny vint lui frictionner le crâne en lui demandant ce qu'il lui arrivait mais Benson ne répondit qu'avec un haussement d'épaules.

- Pourquoi tu ne vas pas jouer avec les autres, fils ?

- Je n'ai pas envie.

- C'est ton anniversaire, bonhomme, ajouta Maylis.

- Je sais mais je n'ai plus envie de jouer.

Maylis et Sonny se regardèrent, inquiets. Marlon vint s'asseoir près de lui et lui passa un bras autour du cou pour lui murmurer à l'oreille. À la suite de cela, ils eurent une conversation secrète chuchoter afin que personne ne puisse les entendre. Respectant cela, je n'y prêtais pas attention afin de ne pas m'immiscer là ou n'était pas ma place. Je n'étais pas là pour l'espionner mais pour le protégé.

Après plusieurs minutes, Benson retrouva, un peu, le sourire. Il jeta un dernier coup d'œil en ma direction, comme s'il avait compris que je ne réapparaîtrais pas. En cela, il me fit ses adieux, à son tour...

Deviation of the ritualOù les histoires vivent. Découvrez maintenant