— Kiyomi... cesse de faire les cent pas ! Assieds-toi ! Reprenons tranquillement... disait Jimin avec une infinie douceur à une Camille au bord des larmes. Une fois installée sur le canapé, il lui tendit une tasse de thé vert.
Donc... tu sors tout droit de chez Namjoon hyung... vous vous êtes disputés au sujet de son anniversaire...— Nous ne nous sommes pas disputés. corrigea la jeune femme des sanglots encore dans la voix. Il m'a juste informée.
— Tu espérais pouvoir le voir lundi soir pour son anniversaire ?
— Hummmm... opina-t-elle du chef.
Jimin vint tout près d'elle et prit les deux mains jouant nerveusement avec le petit bracelet d'or blanc.
— Il faut que je te dise quelque chose d'un peu difficile à entendre. C'est d'accord ? Tu me fais confiance, n'est-ce pas ?
Pour toute réponse, elle posa sa tête sur son épaule. Il portait ce parfum à l'odeur à la fois boisée et poudrée qui la réconfortait.
— Il a été honnête. Il n'a pas eu le choix. Ses parents souhaitaient passer la soirée avec lui. Namjoon hyung est en conflit avec eux depuis qu'il refuse tous les rendez-vous arrangés. C'est très récent les mariages à l'occidentale ici. Ma grand-mère a été mariée à un homme du même clan qu'elle ne connaissait que de vue. Mes parents n'ont pas eu à faire à une chungmae, une marieuse, mais ils ont été présentés par des amis communs et leurs familles ont longtemps négocié. Une histoire comme celle des parents de Kookie, c'était plutôt rare à l'époque. Et, maintenant, ce n'est pas rare non plus que les parents interviennent ainsi dans l'avenir de leurs enfants, surtout lorsqu'il y a des fortunes en jeu. De plus, c'est l'aîné... Ne pleure pas... Tu ne peux pas lui demander de provoquer la foudre de ses parents en t'imposant ou même lui demander de refuser leur présence. Je sais qu'il déplacerait des montagnes pour toi s'il était sûr que tu le suives. Mais sois honnête... pour le moment, tu n'as pas dans l'idée de rester en Corée pour toujours. Ton "chez toi" est encore en France, non ?
Camille allait se récrier. Mais les mots firent mal. D'autant plus mal qu'ils visaient juste. Au bout de dix semaines seulement, elle ne pouvait pas promettre de tout abandonner pour lui. Elle ne se projetait pas si loin. Son avenir, pour le moment, était en France. Mais pourquoi cela faisait-il si mal ?
— Mimi... Pourquoi ça fait si mal ? Pas de ne pas le voir... mais de savoir qu'il ne veut pas que ses parents apprennent mon existence ?
Si Camille comprenait cette histoire de mariage arrangé - ils en avaient longuement parlé - elle ne l'acceptait pas pour autant. Elle se disait qu'elle était peut-être affreusement égoïste. Elle ne resterait peut-être pas mais ne voulait pas non plus qu'il envisage son avenir sans elle. Elle ne pouvait pas l'imaginer avec un autre nez dans son cou.
— Tu es amoureuse, Kiyomi... mais laisse un peu de temps au temps.
— Mimi ? et nous ?
— Comment ça, nous ? dit-il doucement.
— Notre amitié, que deviendra-t-elle ?
— Cesse de trop penser ! Tu me donnes le vertige... je suis là. C'est l'essentiel. Quant à lundi soir, je t'accompagnerai. On verra ce que l'on peut faire.
*
Ce jeudi là, avant-veille de Chuseok, elle avait été heureuse de recevoir une réponse de la galerie avec laquelle elle avait été en contact. Elle avait reçu et lu le mail sur la pause déjeuner. Elle avait difficilement contenu sa joie dans la salle des maîtres. Le directeur la regardait toujours d'un air curieux, et, elle se voyait mal expliquer la raison de son excitation.
Une artiste anglaise qu'elle aimait beaucoup participait à une exposition temporaire au Leeum Samsung Museum of Art. Les œuvres de la sculptrice Billie Bond touchaient vraiment Camille. En tentant d'être la moins évasive possible, elle avait sollicité une visite privée. Elle avait été rappelée par une personne qui lui avait demandé de préciser la raison de cette demande. Elle avait pris de gros risques en disant la vérité et en affirmant que Namjoon laisserait certainement une photo sur son Instagram professionnel. Elle ne s'imaginait pas qu'elle serait crue ni même que cela ne lui coûterait rien. Le musée y voyait une opportunité d'attirer une foule de visiteurs à coup sûr.
*
Elle avait le cœur en miettes. Depuis la discussion de samedi dernier, elle n'avait pas revu Namjoon et ne l'avait eu qu'un très court instant dans l'après-midi au téléphone pour lui souhaitait un joyeux anniversaire. La culpabilité et la tristesse transpiraient dans leurs voix.
Comme promis, Jimin s'était libéré et avait réservé un chauffeur pour les conduire au musée. Camille avait été surprise de voir, en plus du chauffeur, un garde du corps qui ne les lâcherait pas du reste de la soirée.
Le bâtiment en partie imaginé par Jean Nouvel impressionna Camille. Le musée était fermé d'ordinaire le lundi mais un employé était présent pour les faire entrer. Il fut d'abord surpris de voir qu'il ne s'agissait pas de l'idol qu'il attendait. Cependant, si l'accord de faire de la publicité à l'exposition tenait toujours, il serait ravi de les accompagner.
Le cadeau de Camille tombait à l'eau. Elle n'avait rien prévu d'autre. Mais, pour Jimin, qui la sortait d'un mauvais pas, elle fit bonne figure et tenta de se montrer enjouée.
L'exposition commençait avec un grand panneau de verre gris sur lequel était écrit en grosses lettres d'or :'For me, the rendering of realism is a craft,
the art begins when I destroy it'Puis vinrent les sculptures. Des sculptures de marbre, de verre, de résine, de bronze ou de terre. Des visages et des corps brisés. Tous réparés à l'or fin.
— L'art du kintsugi est souvent utilisé comme symbole et métaphore de la résilience en psychologie. expliquait le responsable de l'exposition tout en narrant les intentions de l'artiste. Il poursuivit :
— Le kintsugi s'inscrit dans la pensée japonaise qui invite à reconnaître la beauté qui réside dans les choses simples, imparfaites et atypiques.
Camille ne sut pas tout de suite qu'elle pleurait. C'est en voyant Jimin sortir un mouchoir pour elle et pour lui-même qu'elle le réalisa.
— Kiyomi, je comprends ton choix. Cette exposition est sublime.
Il se laissa prendre en photo après avoir vérifié son apparence à l'aide de son téléphone. Il insista auprès de Camille pour qu'ils fassent un selfie ensemble devant une sculpture. Avant même, qu'elle le réalise, il avait publié quelques clichés de lui sur Instagram. Les "cœurs" s'envolaient à une vitesse vertigineuse. Ils allaient devoir quitter les lieux sans trop tarder.
Alors qu'ils remerciaient leur hôte, celui-ci leur demanda de patienter. L'artiste avait un cadeau pour la personne attendue à l'origine. Il revint avec un petit coffret. Il l'ouvrit avec délicatesse pour présenter l'œuvre aux deux visiteurs hypnotisés.
Il y avait là deux mains entrelacées. L'une de bronze et l'autre de résine. Toutes les deux avaient été brisées avant d'être réparées à l'aide de soudures d'or.
*
Monsieur et Madame Kim raccompagnaient leur fils chez lui lorsqu'ils s'arrêtèrent devant sa porte. Un coffret noir et une enveloppe blanche avaient été déposés sur le seuil.
Plus tard, dans la soirée, Namjoon ouvrit la belle boîte. Il découvrit subjugué la sculpture qui s'y trouvait. Il fondit en larmes en ouvrant l'enveloppe.
"For me, human relations are an art,
from my cracks is born my love for you.
Let's keep it simple, imperfect and atypical"Camille
Il se dit que le temps ne ferait rien à l'affaire. Les faits étaient têtus. C'était elle. La seule et l'unique. Quand le réaliserait-elle ? Le choisirait-elle ?

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Moon Children (Namjoon)
FanfictionCamille, 24 ans, fuit la France et Nicolas. Cinq ans d'une relation passionnée et destructrice pèsent sur l'image qu'elle se fait d'elle-même et de l'amour. Et si, à l'autre bout du monde, une personne, également en quête d'elle-même, lui ouvrait un...