Profitant de ce moment de calme retrouvé, Camille s'était assise sur un banc près d'une incroyable fontaine qui s'étalait entre les bâtiments. A la nuit tombée, elle s'illuminerait.
"Être pétés de tunes, ça te donnait accès à de belles choses, quand même !!!"
Camille laissait ses pensées vagabonder alors qu'Eun-ji s'était finalement endormi dans sa poussette. La chaleur impitoyable de ce premier été à Séoul lui rappellait une nuit de canicule de l'été dernier.
*
« Merde, merde, merde ! Qu'est-ce que tu fous, Camille ! »
Ces mots tournaient en boucle dans sa tête alors que la douche fraîche ne l'apaisait en rien.
— Reviens te coucher. souffla Nicolas derrière elle en emprisonnant ses seins dans ses mains. Il commença à couvrir son dos de baisers. Elle ne put que laisser échapper un long soupir de plaisir. Ca finissait toujours comme ça entre eux !
Cette nuit-là, alors qu'il dormait paisiblement, Camille resta à la fenêtre à observer la Lune bleue de ce mois d'août interminable. 2021 avait été, jusqu'à présent, une série de déceptions.
Chaque jour annonçait son lot de mauvaises nouvelles. Dans quelques jours, elle allait rencontrer ses nouveaux élèves. C'était bien la seule perspective agréable ! Thomas et Léa, ses amis de longue date, venaient de s'envoler pour Lomé. Ils avaient eu la chance d'obtenir chacun un poste dans ce même lycée français togolais.
Et, Camille se disait : "Pourquoi pas moi ? Je devrais essayer de partir aussi... ça ne peut plus durer ce jeu de Je t'aime, moi non plus".
Nicolas était de ce type de garçon froid et distant, en apparence, mais tellement sensible lorsqu'on apprenait à le connaître. Ils s'étaient rencontrés très jeunes. Tout de suite après le lycée. Pas encore majeurs (Camille avait un an d'avance, Nicolas était né tard dans l'année). Et loin d'être adultes. C'est lui qui l'avait abordée, poussé par les autres gars de sa promo. Camille avait déjà été amoureuse mais jamais elle n'était parvenue à passer le cap de sortir avec un garçon. "LA HONTE, à dix-sept ans ! » pensait-elle. Alors, que ce garçon, vraiment mignon, s'intéresse à elle et fasse le premier pas, était une sorte de victoire et de soulagement à la fois. A vrai dire, elle ne l'avait pas vraiment remarqué, plongée dans ses études qu'elle devait absolument réussir et cette foule de nouvelles têtes. Rapidement, tout devint passionné et compliqué. Camille ignorait à quel point on pouvait dépendre du regard de l'autre et de ses attentions ! C'était de la torture ! Chacun géra à sa manière. C'est ainsi qu'au bout de quelques mois, alors qu'il la couvrait de "Je t'aime, bébé", il commença à prendre ses distances, à disparaître des jours durant, à tenir des discours sur la médiocrité de la vie et des gens en général. Camille, elle s'enfonçait petit à petit dans la mélancolie... Quand la jeune fille, dans un sursaut de vie, parvenait à lui dire "C'est fini, Nicolas, ça ne peut plus durer !", l'un finissait toujours par revenir échouer dans les bras de l'autre. Des études trop compliquées, un sentiment de solitude, une relation merdique, une rupture douloureuse...
Mais voilà, cette nuit-là, devant cette lune bleue, elle se jura de mettre fin à ce cycle infernal. Cinq ans de lutte, c'était bien plus qu'elle ne pouvait supporter. Elle ne voyait qu'un moyen : Partir ! Loin, très loin de lui ! Passer à autre chose, reconstruire le bazar innommable qu'elle était devenue, VIVRE !
L'été suivant, en cette fin juin 2022, elle était donc partie elle aussi. Les hommes, c'était fini pour elle ! Les coups d'un soir, pour oublier Nicolas, aussi ! Elle se jura qu'elle deviendrait sa propre priorité.
*
Camille laissa tomber sur le banc son Kundera tout écorné à force d'être lu en soupirant.
"Nous traversons le présent les yeux bandés. Tout au plus pouvons-nous pressentir et deviner ce que nous sommes en train de vivre."
— Hummm, tout à fait ça ! murmura-t-elle.
Chingu s'agita soudainement, tira sur sa laisse attachée à la va vite à la poussette, et aboya ! Tout se précipita ! Il voulut courir à la rencontre des deux vélos qui arrivaient un peu plus loin. Il embarqua la poussette, Eun-ji qui se réveilla bruyamment, et Camille tentant de maintenir l'équilibre de l'attelage tant bien que mal !
M. et Mme Paek lui avaient présenté le chien de la famille des étoiles dans les yeux. Ce sapsal était une crème avec les enfants. Calme et doux. Un vrai bonheur de vingt kilos et de poils blonds et blancs. Camille l'adora tout de suite. Mais elle comprit également, très vite, que ses promenades n'allaient pas être de tout repos ! Ce chien A-DO-RAIT les gens ! Il les adorait tant qu'il fallait qu'il les lèche tous ! Sans exception ! Et le défi était de le tenir et de garder de bonnes relations de voisinage ! Étrangement, tous les voisins n'appréciaient pas les grands coups de langue affectueux de ce sapsal incorrigible !
— CHINGU !!!! Espèce de serpillère à quatre pattes !!!!!! Arrête-toi tout de suite ! hurlait Camille en français sans plus se soucier du tapage que produisait leur incroyable trio ! Elle, elle voyait déjà ce gentil colosse se précipiter dans les roues des vélos et faire chuter leurs propriétaires pour leur lessiver le visage à grands coups de langue amicale !
IMPOSSIBLE !!!
Les cyclistes mirent pied à terre juste à temps. Le colosse se jeta sur le plus grand des deux et entama ses démonstrations d'amitié sous le regard médusé et dépité de Camille.
Eun ji avait cessé de pleurer dans la course folle et l'autre cycliste se pencha sur lui pour le gratifier de mots doux. Le bébé sourit et rit !!! "Non, mais quel ingrat !" ne put s'empêcher de penser Camille !
Et là, un énorme rire chaleureux mais incongru s'échappa du géant descendu de vélo ! Et avec ce rire, tout le stress de la situation et de la journée s'envola.

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Moon Children (Namjoon)
FanfictionCamille, 24 ans, fuit la France et Nicolas. Cinq ans d'une relation passionnée et destructrice pèsent sur l'image qu'elle se fait d'elle-même et de l'amour. Et si, à l'autre bout du monde, une personne, également en quête d'elle-même, lui ouvrait un...