Moon Children (Namjoon)

Haut les mains, peau de lapin, la maîtresse en maillot de bain!

  On n'a aucune idée de l'immensité d'une ville avant de s'y être perdu, avant d'y avoir confronté son quotidien.

   Camille fulminait. La visite de l'appartement avait été annulée au dernier moment. Elle venait de faire plus de trente minutes de bus pour rejoindre Seorae Village. Il en faudrait au moins autant pour rentrer !

  "Mais qu'est-ce qu'il m'a pris de tout quitter ?! Dans quelle galère, je me suis mise ?"

*

  Ce n'était pas la première déconvenue dans sa recherche de logement pour septembre ! Les garanties demandées étaient tout simplement hallucinantes ! Elle comprenait maintenant pourquoi, finalement, peu de ses futurs collègues français envisageaient de rester plus d'un an s'ils ne décrochaient pas un logement de fonction. Dernière arrivée, on avait laisser entendre à Camille que, malheureusement, à moins d'un départ imprévu, elle aurait à trouver son propre appartement.

  Camille économisait tant qu'elle le pouvait mais cela resterait insuffisant. Lors d'un repas avec les Français de Séoul, elle avait parlé librement de ses soucis. Mathieu et Vincent, un couple de quarantenaires pimpants, lui avaient alors fait une proposition hallucinante ! Ils avaient leur propre studio photo dans Itaewon et travaillaient sur un énorme contrat publicitaire. Leur client venait de perdre une de leurs modèles qui avait trouvé l'herbe plus verte ailleurs. Camille les avait écoutés, se demandant s'ils s'adressaient vraiment à elle ! Est-ce qu'ils l'avaient vraiment regardée ? Certes, elle était plutôt grande mais pas toute fine ! Du moins, elle n'avait pas la silhouette d'une mannequin ! Elle avait bien trop de rondeurs pour ça ! Et puis, elle ne se trouvait pas spécialement jolie... elle fuyait même les photos tant qu'elle le pouvait ! Alors, quand Mathieu lui expliqua qu'il s'agissait d'aider la marque Petit Bateau à s'implanter ici, et plus particulièrement la gamme de sous-vêtements pour adultes, elle recracha le Saumur qu'elle sirotait rêveusement, provoquant l'hilarité de toute la tablée !

  — Vous me voyez poser en marinière milleraies et petite culotte en coton ? Non mais, je vais être maîtresse de maternelle dans un peu plus d'un mois !!! Les parents vont me regarder de travers...
  — En long, en large, en travers, en ce qui concerne les papas ! plaisanta Carmen, ce qui déclencha de nouveau un fou rire général. Camille rougit comme jamais !

*

  Mais l'idée avait fait son chemin... Elle avait vraiment besoin de cet argent, et se cherchant, se reconstruisant, elle s'était dit :
  « Ma grande ! Tu as besoin de cet argent ! Et puis, c'est Petit Bateau, pas Aubade ! C'est toi qui ne t'aimes pas ! Tu le sais que tu plais aux hommes... de quoi as-tu peur ? Au pire, si tu ne fais pas l'affaire, ça s'arrêtera là ! FONCE ! »

  Mathieu et Vincent l'avait présentée à un certain Kim Min-jae, le chef de projet. Camille n'était pas vraiment à l'aise et ce dernier ne l'aidait pas. Il enchainait les questions en la scannant des yeux de haut en bas. Cet homme nerveux d'une cinquantaine d'années l'impressionnait. Si elle avait eu le courage, elle aurait fait demi tour. Il appela alors brusquement une photographe, attendant timidement dans un coin de la pièce, lui intimant l'ordre de faire des essais.

  — Prends une série de clichés ! Commence par des portraits puis passe aux essayages ! On verra bien si ça le fait ! Mais au point où j'en suis... elle devrait faire l'affaire ! Un joli minois, un petit cul, des gros seins... ça passe où ça casse avec celle-là !

  Camille aurait bien fondu en larmes d'humiliation et de stress ! La jeune femme entraina Camille avec douceur dans une autre pièce du studio. Elle s'appelait Sae-jin. Elle avait pris le temps de lui parler, de s'intéresser à elle en installant son matériel. Sensiblement du même âge que Camille, elle éprouvait une véritable sympathie pour cette Française qui ne semblait pas savoir ce qu'elle faisait là. Et pourtant, il émanait d'elle une certaine aura de force ; elle en était quasi magnétique ! Sae-jin sut mettre Camille à l'aise petit à petit. Au fil des rendez-vous, tout se pacifia. Camille repartit avec son gros chèque et le numéro de celle qui serait plus tard une amie très précieuse !

  M. Paek avait également dit, un soir, qu'il appréciait le travail de Camille auprès des enfants. Sa mère et lui constatait l'influence positive qu'elle avait sur Dambi. Cette dernière, en présence de la jeune femme, prenait de l'assurance. Il lui avait également annoncé que son épouse et lui avaient discuté de l'éventualité de prolonger ses services. Camille avait remercié M. Paek de sa gentillesse. Cependant, elle ne se voyait pas renoncer à l'opportunité que représentait le contrat signé avec le Lycée Français. Il avait alors évoqué la possibilité pour Camille de rester en échange d'un loyer, de la promenade du soir de Chingu, de ses services le mercredi et trois ou quatre soirs par semaine. Elle avait senti, là, que la famille Paek ne cherchait pas seulement à la garder pour leur propre avantage, mais qu'elle le faisait aussi pour l'aider... elle, qui avait débarqué dans leur vie il y a tout juste un mois !

  Ne pas s'attacher. A rien ni personne.
UN ECHEC TOTAL ! PUISSANCE 1000 !