Chapitre 27

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-Raphaël ... Comment t'as su que t'étais gay ?

Luc posa le téléphone sur son ventre et fixa le plafond au dessus de son lit. Il était tout en bois clair et formait une sorte de triangle dans la pièce. Dans la partie qui s'étendait juste au dessus du lit du jeune garçon étaient gravés des lettres qu'il avait lui même faites avec un compas quand il était venu vivre avec sa mère. Son père s'appelait Flavien et Luc avait tenu à graver un F dans le plafond. Il avait également mit un E pour Esther, un P pour Paulo et un R pour Rosa, son ancien chat. Il avait aligné les lettres de manière à former le mot "PERF" parce que lorsqu'il avait emménagé avec sa mère, la vie parfaite qu'il avait autrefois était simplement basée sur ces quatre êtres. Il soupira en relisant ces inscriptions. Ce temps paraissait très loin et Luc aurait aimé retourner en arrière pour goûter à nouveau à l'insouciance.
Son portable vibra, le sortant de toute pensée. Il le déverrouilla et regarda l'écran afficher le message de Raphaël :

-Tu sais j'ai grandi dans une famille avec des parents très "cool, zen, baba-cool" ou tout ce que tu veux ... Ils m'ont pas élevé de manière à ce que je m'imagine vivre avec une femme plus tard tu vois ? Et moi de mon côté j'ai jamais été attiré par les filles et ça ne m'a pas étonné ou fait bizarre lorsque je suis tombé amoureux la première fois, même si c'était d'un homme. Je pars du principe que les sentiments c'est pas vraiment toi qui les gère et tes attirances non plus ... Si un matin un homme te plait alors te pose pas de questions et fonce et puis si le lendemain tu te sens attiré par une demoiselle fonce aussi, ne cherche pas à te ranger dans une boîte et à suivre un règlement imaginaire que tu t'es imposé :)

Luc buvait les paroles de son interlocuteur au fur et à mesure qu'il les lisait. Il avait raison, la vie était courte et il fallait suivre ses instincts plutôt que ses peurs. Le téléphone vibra une nouvelle fois, indiquant un nouveau message.

-Mais surtout Luc dis-toi que c'est normal d'en être là maintenant, on a seize ans et on découvre pleins de trucs. Moi ça fait depuis longtemps que je le sais mais on est tous différents ... J'espère que je t'aurai aidé ;)

-Merci Raphaël ça m'aide bien tout ça ... Tu sais ça me ressemble pas de m'ouvrir  aux autres et de parler à des gens comme ça, surtout que je suis totalement perdu là ... Mais je sais pas, j'ai une certaine confiance en toi, un truc inexplicable.

-Je suis là quand tu veux :)

-Merci c'est adorable !

"Adorable", "confiance en toi" il n'avait jamais dit ça, pourquoi ça le prenait d'un coup là ?
Il posa son téléphone et enfouit ses mains dans son visage. Il respira un bon coup et descendit mettre le couvert. Sa mère n'était pas encore rentrée alors il décida de préparer le repas. Il composa une salade très riche et mit le tout très soigneusement dans les assiettes. Au moment où il posait le dernier morceau de tomate séchée, il entendit la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer et sa mère fit irruption dans le salon.

-Coucou chaton ! Oh t'as fait à manger, c'est vraiment top ! Je reviens je vais me chercher une bière, t'en veux une ?

-Avec grand plaisir ! Tiens je te sers en attendant.

Lorsqu'elle revint, ils burent leurs bières, et mangèrent le repas en discutant de tout et de rien. À la fin du dîner, Luc prit une douche rapide et se faufila dans son lit très rapidement avant de s'endormir moins de trois minutes plus tard.

~

-Alors comme ça tu vis seul avec ta mère ?

Luc était assis en face de Mathis, à la terrasse d'un café tranquille. Devant lui étaient posés un paquet de cigarettes et une bière. L'air était doux, il faisait même presque chaud et cela détendit Luc.
Il regarda son interlocuteur à travers ses lunettes de soleil.

-Oui ça fait quelques mois ... C'est pas toujours la joie mais depuis deux-trois semaines on a mis au point certaines choses et l'ambiance est moins tendue.

-Ah, moi aussi je connais les ambiances tendues.

-C'est-à-dire ?

-Un père en tôle et une mère toxico. Et puis quatre frères et soeurs.

-En tôle ?

-Pour violences armées. Il était bourré, comme d'hab', et il a atteri dans une manifestation pour les mariages pour tous. Il a clamé "être PD s'est pour les tapettes et les tapettes n'ont rien à foutre là" et a tenté de poignarder un manifestant avec un truc qu'il avait eu je ne sais comment. Tu vois le tableau.

Luc garda le silence quelques instants. Il n'avait jamais imaginé à quel point certains parents et mêmes adultes pouvaient agir ainsi. Le monde n'était pas rose et ça, il commençait à s'en apercevoir.
Luc était étonné de la manière dont Mathis racontait tout cela. Il restait calme et debitait ces paroles comme si tout cela restait normal et qu'il voyait ce genre de choses se passer chaque jour dans sa famille.
Il tapotait sa cigarette au dessus du cendrier tranquillement et exposait son visage au soleil lorsque Luc interrompit ce bref silence.

-Dommage que ...

Il se stoppa net. Il n'allait pas continuer sa phrase parce que c'était déplacé. Il avait prononcé ces mots sans réfléchir et il pria pour que Mathis n'ait rien entendu.

-Dommage que quoi ?

Et merde.

Mathis ne lui laissa pas le temps de répondre, il continua.

-Dommage que son fils soit gay, c'est ça que tu penses ?

Luc était terriblement gêné par cette situation et hésita quelques secondes avant de hocher la tête lentement.
Mathis éclata de rire. C'était un rire franc, qui sortait d'une bouche dont ont apercevait chaque dent parfaitement blanche. Il rigola longtemps et Luc sentait sa gêne augmenter. Qu'avait-il dit ?

-Mon pauvre vieux si tu savais ! Lorsque je lui ai rendu sa première visite en prison, mon père s'attendait à tout sauf à ce que je lui sorte qu'un PD marié est mieux qu'un connard emprisonné ! - il repartit dans un fou rire. - Mais concrètement je ne lui ai jamais parlé de moi. Et à personne d'autre d'ailleurs. Luc il faut bien que tu saches qu'on vit dans un monde de merde et que même dans un lycée comme le notre il y ayra toujours des abrutis pour te ruiner la vie si tu leur parle de ton homosexualité. Personne ne sait, à part toi et quatre-cinq potes, que je suis gay. Et j'aimerais que ça reste comme ça. Compris ?

Luc hocha la tête à nouveau, il comprenait le raisonnement de son nouvel ami. Il n'assumait pas, c'était clair. Mathis n'assumait pas son attirance vers les garçons et Luc comprit un peu. Il n'en avait lui-même jamais parlé à personne.

-J'aime bien quand on discute - reprit Mathis - j'ai l'impression que je pourrais avoir d'éventuelles chances avec toi.

Il lui adressa un clin d'œil et Luc frissonna. C'était un beau jeune homme, ça il en était sûr mais il était lui-même perdu, et s'aventurer dans ce genre de plan n'était pas vraiment son style.  Luc sourit.

-Tu peux toujours penser ce que tu veux, même moi je ne sais pas où ça va nous mener tout ça.

-Elle me plait bien ta part de mystère.

Ils payèrent l'addition et marchèrent en silence jusqu'à l'arrêt de bus. Au moment de se séparer, Mathis se pencha sur Luc pour lui faire la bise. Elle n'était pas normale cette bise. Mathis tenait Luc par la taille pour l'attirer contre lui. Celui-ci se dégagea rapidement, sous le regard attendri de l'autre.

-A demain - dit Mathis.

-Je ne sais pas ! - lui adressa Luc avec un sourire en coin.

Sur le trajet qui le menait à sa maison, Luc cessa de réfléchir à tout ça. Évidement qu'il se sentait plus à l'aise lorsqu'il buvait un café avec un garçon qu'avec une fille. Il avait l'impression de trouver plus de choses à dire et moins de stress. Pourtant ce n'était pas la sensations que Luc éprouvait généralement avec ses amis, c'était plus fort, plus secret, plus lié.
Il rentra chez lui, se prépara un goûter rapide et sorti son téléphone de sa poche.

"Nouveau message de : Raph."

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