Le ventre plein et les poches vides, Hestia entra timidement dans l'atelier de Franky. Comme elle le pensait, il était encore désert, et vu l'heure, elle doutait fortement que quelqu'un y vienne avant le lendemain matin. Elle referma la porte derrière elle en s'assurant que personne ne l'avait suivie, puis elle se laissa mollement tomber sur le vieux canapé au milieu de la pièce. Elle remarqua une petite guitare, sûrement celle de Franky, posée contre le canapé et qu'elle n'avait pas remarqué la dernière fois qu'elle était venue, mais elle n'était pas vraiment d'humeur à chanter. Il s'était passé tant de choses en une seule journée qu'elle en avait mal au crâne, et la fatigue commençait à se faire sentir.
Lorsqu'elle déposa son sabre contre le canapé en se préparant pour la nuit, Hestia fut surprise par l'écho qui résonnait dans tout l'entrepôt. Elle savait l'endroit vide, elle était même déjà venue plus tôt dans la journée, alors elle aurait dû s'y attendre, pourtant ce simple claquement du fourreau contre le sol en pierre semblait retentir sur chaque coin de mur pour venir la traverser de nouveau. Lentement, prudemment, elle vint placer ses chaussures à côté d'elle, attentive à ne pas faire le moindre mouvement brusque, le moindre bruit. Elle se rendait compte que durant son temps passé avec ces sept individus aussi affectueux qu'ils étaient bruyants, elle en avait presque oublié le son si profond et si caractéristique que produisait le silence, si bien qu'elle en était désormais trop effrayée pour oser le perturber. Hestia se releva et se dirigea pieds-nus vers l'atelier au fond de la pièce à la recherche du moindre tissu pouvant lui servir de couverture. Elle y trouva une maigre serviette blanche avec quelques traces d'huile incrustée. Ce n'était pas l'idéal, mais ça ferait l'affaire.
Une fois prête à aller se coucher, elle s'allongea sur le canapé et ferma les yeux. Sûrement, la fatigue de cette journée riche en émotions devrait être bien assez pour l'endormir rapidement, pensait-elle. Néanmoins, il n'en fut rien. Au lieu de cela, son esprit restait aussi éveillé qu'en milieu de journée, et elle ne pouvait s'empêcher de ressasser ses vieux souvenirs. D'imaginer ce qu'elle aurait dû faire autrement pour ne pas en arriver là, ce qu'elle aurait dû dire ou ne pas dire. Elle avait beau tenter de chasser ces pensées, elles revenaient toujours en trombe, comme si le fait qu'elle dorme seule dans un entrepôt glacial n'était pas déjà un rappel suffisant.
Au fur et à mesure, les évènements récents finirent par laisser place aux vieux souvenirs les moins agréables, y compris certains tourments qu'elle avait tant bien que mal essayé d'oublier. Malgré ses paupières fermées, elle revoyait presque trop clairement les barreaux d'aciers auxquels elle avait fait face durant deux longues années. Elle sentait l'air froid frôler sa peau sous ses vêtements et venir lui manger le bout des doigts ; ou encore le métal rude des menottes en granit marin qui lui rongeaient les poignets au moindre mouvement. Elle entendait le silence pesant dans les quelques cellules autour d'elle et les occasionnels grognement de ses voisins. En tournant légèrement la tête, elle y voyait même la maigre silhouette de son compagnon de cellule et son regard hazel. Elle entendait presque sa voix résonner jusqu'à elle en appelant son nom. Hestia. Hestia.
- Hestia.
Elle se redressa en sursaut, haletante. Elle regarda autour d'elle frénétiquement, le cœur battant, une lueur d'espoir dans les yeux, avant de devoir se rendre à l'évidence. Bien sûr que Jason ne pouvait pas être là. Elle avait juste rêvé.
Elle jeta un dernier coup d'œil derrière elle avant de s'avachir de nouveau sur le canapé. Elle replaça la serviette sur ses épaules, s'accrochant fermement à elle comme si elle avait peur qu'elle ne s'envole. L'espace d'un instant, elle s'était laissée espérer un avenir impossible, un avenir où il était là, avec elle, où il pourrait la consoler et lui dire que tout ira mieux demain, tant qu'ils étaient ensemble. Le retour à la réalité était rude, et elle sentait sa gorge se serrer.
Le silence dans la salle n'aidait en rien et semblait de plus en plus pesant à mesure des minutes qui passaient. Hestia se sentait presque étouffée. Ce n'était pourtant qu'une pièce vide, alors pourquoi était-elle aussi agitée ? Petit à petit, elle finit par comprendre. C'était la première fois depuis son arrivée dans ce monde qu'elle se retrouvait seule, réellement seule. Et soudain, elle avait l'impression que tout lui tombait dessus.
Elle ne retrouverait jamais ce qu'elle avait perdu. Que ce soit Jason, les années passées en prison, sa vie d'avant, ou même juste l'innocence qu'elle avait encore avant d'être emmenée ici de force. On lui avait volé son passé. Ou son futur, elle ne savait pas trop. Peut-être les deux. Elle avait beau avoir passé des mois formidables au contact de Luffy et des autres, elle savait qu'elle n'avait rien à faire avec eux.
Ce monde n'était pas le sien. Elle n'y avait pas sa place.
Elle repensait à ses amis de lycée, à ses camarades d'université, au petit groupe virtuel avec lequel elle discutait toutes les semaines des dernières sorties du Weekly Shonen Jump. Elle revoyait encore le visage souriant de Soren qui lui racontait des anecdotes sur ses élèves en se préparant pour la journée, un café à la main. Ou bien ceux de ses parents la dernière fois qu'ils étaient venus lui rendre visite. Cela faisait désormais plus de deux ans qu'elle ne les avait pas vu... Est-ce qu'ils allaient bien ? S'inquiétaient-ils pour elle, après qu'elle ait disparu sans laisser de trace ? Un courant d'air froid s'infiltra dans le bâtiment et Hestia serra encore plus fermement sa couverture contre elle. Elle qui avait toujours fuit leurs marques d'affection telle l'adolescente capricieuse qu'elle était, en cette nuit glaciale, elle ne demandait qu'une chose : qu'ils la prennent dans leurs bras, comme avant. Alors qu'elle commençait à s'endormir, quelques larmes vinrent tomber sur le vieux tissu délabré du canapé et une voix faible résonna dans l'enceinte vide de l'entrepôt.
« Je veux rentrer chez moi... »
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Uranus || One Piece
FanfictionAu moment où son regard croisait celui du vice-amiral, elle savait au fond d'elle que la vie banale qu'elle avait vécu jusque là n'avait été qu'un mensonge. Transportée de son monde tranquille à celui où la piraterie est monnaie courante, dénuée de...