16. 21:33.

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Portland clinic, Oregon ,21h47.

Après six heures d'avion, nous avons atterri à Portland à 20h30, à cause du décalage horaire, il n'était que 17h30. Pendant le vol, personne n'a pleuré de tristesse. Les garçons nous ont offert des larmes de rire, ils étaient ridicules avec leur bataille d'égo. Ils voulaient absolument déterminer lequel d'eux se tapait le plus de filles.

Dans la clinique, une grande chambre spacieuse avec vue sur le parc de la providence a été réservée pour grand-mère. La pièce est tristement blanche. Le mobilier, les rideaux, les murs, tout ici est déprimant.

Le sourire de Nuna Anderson illuminait la pièce il y a encore quelques minutes. Elle s'est éteinte à 21h33. Mon cœur est comprimé depuis que le sien s'est arrêté. Mes parents étaient présents en appel, au beau milieu d'un cybercafé.

Ils aiment la nature, alors leur hôtel n'est autre qu'un endroit sans électricité, ni réseau. Comme à son habitude, Karl est en pleurs et inconsolable. Max est ému, mais il n'en montre rien.

L'infirmière toque doucement à la porte, pour nous proposer une carafe d'eau fraîche que nous acceptons. L'ambiance est pesante.

Mon grand-père sourit en caressant tendrement les cheveux de sa femme. Il semble soulagé qu'elle ne souffre plus. Ses fils eux, restent muets et stoïques. Ils ne laissent plus rien paraître de leurs émotions. Au fond, je sais qu'ils sont dévastés.

Les parents, ou plus généralement les anciens, sont très importants à leurs yeux, alors la perte de l'un d'entre eux, est une vraie tragédie. Matt et Chad me serrent tous deux dans leurs bras. Je n'ai toujours pas lâché la main refroidie de ma grand-mère.

Quand elle s'est éteinte, j'ai senti sa prise se relâcher et une larme couler sur ma joue, puis j'ai fini par sentir une présence étrangement réconfortante dans la pièce. Depuis, je n'ai plus pleuré. Cette femme, qui était comme une mère pour moi, vient de me passer le flambeau, avec pour ligne directive, les souvenirs. Ils ne quittent plus mon esprit, chaque regard vers son visage me remémore un bon moment passé en sa compagnie.

Cette atmosphère me pèse trop, j'ai besoin de respirer. Sans briser ce lourd silence, je me lève et me dirige vers la sortie. Personne ne me suit ou ne me retient. Dean profite de mon départ pour parler à son petit-frère, à travers le téléphone. Mon estomac se tord. J'ai soudain la désagréable impression que j'étais de trop dans la salle et que ma présence l'empêchait de diriger son plan.

J'avance jusqu'aux ascenseurs afin d'accéder à la cage d'escalier. Quand les portes des élévateurs s'ouvrent, je tombe nez à nez avec Edna. Elle n'est pas arrivée en retard. Non, elle ne voulait simplement pas faire l'effort de lui dire un dernier au revoir, ni de la remercier pour tout ce que Nuna a fait pour elle.

Cette femme me dégoûte au plus haut point. Mon poing me démange lorsqu'elle me passe sous le nez pour rejoindre la pièce dans laquelle sa mère défunte repose. Ce n'est pas ce qu'elle voudrait. J'enfonce mes ongles dans mes paumes pour calmer mes nerfs, puis je continue ma route vers les escaliers, sans même lui prêter attention.

Quand j'arrive dans le parc, j'inspire l'air frais de la soirée qui est tombée. Le cadre est magnifique et pourtant si sombre. L'endroit a pour seules lumières les lampadaires qui jonchent les allées de pierre, et la pleine lune cachée par quelques nuages transparents. J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles avant de me laisser porter, à travers les chemins de verdure, au rythme de ma musique.

Le parc est calme et à cette heure, je dois avouer qu'il est assez flippant. J'avais besoin de ce moment pour faire le point, je suis un peu perdue ces derniers temps. Tellement que j'ai du mal à me comprendre moi-même.

L'avocat Du Diable.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant