L'avocat Du Diable.

7. Totale étrangère.

Propriété des Anderson, Miami, 10h13.

Mon verre vide et les idées claires, je reviens enfin à moi. Je n'ai même pas remarqué l'arrivée de Matt. Il est assis sur le fauteuil en face de moi. Nos regards se sondent pendant un long moment. Puis, j'éclate de rire quand je me remémore la scène de tout à l'heure, il me rejoint dans mon hilarité.

— Quelle idée de mettre la musique à fond dans ses oreilles, quand on vit avec un dépravé sexuel comme moi ?

— J'avais besoin de ne rien entendre d'autre... malheureusement, ricané-je. J'ai entendu pire !

— C'est vrai qu'elle était particulièrement bruyante, se moque-t-il. 

Il pouffe de rire en me voyant lever les yeux au ciel.

— Je suis désolée de t'avoir dérangé, mais c'était le seul endroit où je voulais être.

— Tu ne me déranges jamais et tu le sais. Il se lève de son siège pour s'approcher de moi. Il m'invite à faire pareil, puis, il se rassit sur mon fauteuil, afin de soigneusement m'installer sur ses genoux. L'angoisse de le blesser à cause de mon poids fait palpiter mon cœur. Je me glisse discrètement sur ce qu'il reste de place entre l'accoudoir et ses jambes. Enfin, comme si de rien n'était, je hisse mes mollets sur lui. Ma tête s'incline contre la sienne, alors que ses bras entourent mes épaules.

— Maintenant, reprend-t-il, la bouche collée à la racine de mes cheveux. Si tu me disais ce qu'il s'est passé pour que tu sois dans cet état. 

Sa voix est calme, son contact réconfortant. Sans vraiment réfléchir à l'ordre des évènements, je lui déballe tout.

— J'ai croisé ma sœur au bahut, elle a fait un spectacle devant tout le monde et m'a insulté de monstre, parce que je n'avais pas eu de pitié pour elle, qui vient de perdre sa meilleure amie.

Matthew ne traite pas immédiatement l'information et laisse sa colère prendre le contrôle.

— Putain de merde ! Quelle salope ! Je vais la t... La dernière partie de ma phrase cogite brutalement dans son crâne. Il est tellement sidéré que je ne sens plus son souffle, à l'arrêt, dans mon cuir chevelu. Je pince sa nuque pour le faire revenir à la réalité. Attends... Quoi ? Charlie ? C'est pas une blague ?

— Si tu avais vu le jeu d'acteur de Chloé, tu aurais pensé que si. Mais quand je suis allée en musique et qu'il n'y avait personne, j'ai compris.

— Bordel... jure-t-il, le regard perdu à travers l'immense fenêtre du salon. Yard ne m'a rien dit ! 

Je me retourne vivement vers mon frère, toute ouïe. Mon corps tout entier réagit et mes muscles se contractent d'appréhension. Heureusement pour moi, Matt ne semble pas le remarquer.

— Je l'ai aperçu aussi ce matin, envoyé-je innocemment. Il allait dans le bureau du dirlo. Mais qu'est-ce qu'il a à voir dans cette histoire ?

— T'es conne ou quoi ? me questionne sans scrupule mon frangin. Tu t'es pas dit que "Monsieur Yard" et "Charles et Charlie Yard" ça sonnait pareil ? 

J'entrouvre la bouche. J'ignorais le nom de famille des jumeaux. L'employé de Dean est trop jeune pour être père, donc... c'est leur grand frère. Yard a perdu sa petite sœur. Mon dieu. Je n'ose même pas imaginer sa peine. Et dire qu'il arrive encore à tenir debout.

— Charles n'a jamais mentionné de grand-frère aux répètes, me défends-je, sans vraiment me concentrer sur la discussion.

Mes pensées continuent de se ruer sur lui. Il n'a sûrement pas fermé l'œil de la nuit. Et moi, je l'ai fait chier avec mes histoires de cœur.