Deux ans (Tome 2)

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PDV Grace

Lorsque quelqu'un nous quitte on se demande depuis combien de temps, cette personne faisait semblant. La rupture remet en cause le moindre souvenir : On compte, combien de sourires ? Combien de caresses ? Combien de baisers ? Combien de fois forcées et sans envie ? Combien de fois la pitié s'est-elle déguisée sous la tendresse. On imagine que c'est arrivé à partir d'une certaine date, un signe, un geste, n'importe quoi pour dire : "c'est à partir de là qu'elle a cessé de m'aimer". Puis – on commence soudain à se demander s' il est possible qu'elle nous aime encore. S'il est possible qu'elle n'ait jamais cessé de nous aimer. Et si l'amour ne suffisait pas toujours à rester ? Et si tout ça, n'était pas un peu de ma faute ? Et si on s'en veut de ne pas s'en être voulu plus tôt..

Deux ans, deux ans qu'elle m'avait laissé au milieu de tout ce monde d'hypocrites, à mon mariage, deux ans qu'elle m'avait dit ne plus m'aimer comme au début, de ne plus ressentir ce crépitement intense au creux du ventre, deux ans qu'elle avait décidé de partir vivre ailleurs, de m'abandonner, deux ans que ma vie avait changé.

J'étais redevenue celle que les autres détestaient, celle que les autres appréhendent de croiser ou bien même de citer le nom. J'étais redevenue cette femme détestable que tout le monde s'amusait à appeler "Tyran" ou "Le diable en personne". On ne refait pas sa vie, on continue seulement, on dort moins bien la nuit, on écoute patiemment les bruits du dehors, l'effondrement de notre vie, nos souvenirs qui s'effacent, on oublie le parfum, les yeux, la voix, et petit à petit les souvenirs font moins mal, les mots n'ont plus cet impacte glaçant sur nous, on vit, on survit.

C'est la seule personne que j'ai connu qui m'ait donné l'impression d'être spéciale et surtout, unique. Je me demande si elle pense encore un peu à moi, après tout ce temps. Je me demande si elle a repris sa vie en main, je me demande ce qu'elle fait. Si elle pense encore à moi, si je lui manque malgré tout.

Elle est partie parce qu'elle n'avait plus rien à m'offrir. Maintenant qu'elle n'est plus là, je me rends compte de tout ce qu'elle m'a donné.

J'aimerai tellement l'avoir rencontré à un autre moment de ma vie.

A un moment où j'aurais été prête, et mon coeur aussi.

Un moment dans lequel j'aurai été heureuse, légère, épanouie et disponible.

Une période de ma vie dans laquelle mes doutes n'auraient pas existé ; et mon avenir ne m'aurait pas semblé condamné.

J'aimerais vivre à ses côtés mille et une choses et pourtant, si cette amère impression que cela ne se réalisera jamais.
Je l'aimerai toute ma vie indéfiniment, et jamais une autre femme m'inspira autant de passion qu'elle ; j'en ai la conviction.
Elle sera ma plus belle œuvre inachevée, mon refuge face aux averses et mon ultime gourmandise.
Je serai toujours à la portée de son cœur et, si un jour elle se sent seule, j'espère que son cœur la guidera jusqu'à moi.

Nous avions une histoire prometteuse entre les mains, et regardons ce que nous avons fait.
Elle me manque chaque jour, chaque soir. Je regarde parfois la lune en me disant que nous aurions pu la contempler ensemble, à cet instant.

Aujourd'hui, rien ne me restait mis à part mon travail. La seule chose qui ne pas abandonner. Ma mère a décidé de couper les ponts avec moi, Robin est bien entendu partit aussi vite le divorce signé quelques mois après l'incident, que nous avions fait passer pour un moment de désinvolture..

Et j'étais là, assise à mon bureau, regardant quelle classe j'allais avoir, même deux ans après je revois nos querelles, nos baisers enflammés, nos corps transpirants sur ce bureau, nos moments d'attention, nos disputes..

Reviens...

Début Septembre, rentrée des classes, encore une classe de Terminale. Que faisait-elle ?

La chaleur de son corps, la douceur de ses mains, plus le temps passait plus tout commençait à s'effacer...

-"Grace." Non, non mon cerveau, mon ouïe me jouaient des tours, ce n'était pas possible, le bon dieu existait-il vraiment ? Avait-il entendu ma supplication ? Mes mains venaient couvrir mon visage, ce n'était pas possible, ça ne pouvait pas être elle, deux ans qu'elle était partit.

Avec le peu de courage qu'il me restait, le peu de force, je tournais ma tête dans sa direction, elle était bien là, bien présente, c'était elle, elle paraissait plus femme, plus sereine, sa longue robe verte fendue et ses escarpins mettaient son corps en valeur, son visage, ses yeux verts, j'avais retrouvé celle que j'aimais, elle était là devant moi. Je me levais, je n'y croyais pas..

-"Tu es revenue..." Je pleurais, je ne sais même pas comment je tenais encore sur mes jambes, mon corps tremblait, mon ventre brûlait, mon coeur allait exploser. Ma tête venait se plaquer dans son cou, les bras autour de ses épaules, je retrouvais sa chaleur, son parfum qui n'avait pas changé. Ses mains me repoussant délicatement, sans comprendre pourquoi je regardais son visage, quelque chose avait changé.

-"Je ne suis pas revenu pour toi Grace, je suis revenu pour le travail, tu sais que j'ai toujours été la plus sentimentale de nous deux, celle qui pleurait pour rien, celle qui riait pour un tout, et toi, tu me disais que l'amour constituait la plus grande faiblesse, ce que tu n'as pas compris et ce qui me fait avoir d'amers regrets c'est que le but ultime de l'amour c'est de pouvoir se permettre d'être faible, de montrer sa vulnérabilité à quelqu'un qui les transformera en forces et en beautés. Mais c'est trop tard ça, ce temps là est passé, tu comprends ?" Elle ouvrait la porte, et tirait une main à l'intérieur de ma classe. "Je te présente Ava, ma fiancée, Ava, Madame Grace Lord, mon ancienne professeure" Mon cœur se déchirait, je pouvais le sentir se contracter, les larmes commençaient à remonter, ma vue se troublait, j'avais cette impression que mon âme allait sortir de mon corps, que j'allais mourir à cet instant. Mais je le savais j'avais mis trop de temps à la choisir. Qu'est ce que j'aurai pu faire ? La supplier de rester ? De me garder auprès d'elle ? Humilier ma dignité encore une fois ? Mettre à ses pieds tous mes sentiments, une fois de plus, et anéantir la seule once de fierté qu'il me reste ? Non merci, sans façon.

Je regardais cette Ava, elle dégageait quelque chose il est vrai, la façon dont elle regardait Victoire, la façon dont elle lui tenait la main, elle était totalement amoureuse d'elle.

Vous avez connu le Tyran, mais avez-vous connu le Tyran avec le cœur brisé ?

-"Donc pour le travail ? Tu as trouvé quelque chose en ville ?" Je m'adressais à elle en essayant d'avoir cet air détaché alors qu'il y a encore quelques minutes je pleurais son retour.

-"Je suis titulaire, je suis ta nouvelle collègue, professeur de français pour les sections littéraires".

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Bonjour,
J'essaie de me faire pardonner pour cette longue absence, avec deux chapitres en peu de temps.

Le point de vu de Grace me manquait...Alors le voici, en espérant qu'il vous plait.

Avec une certaine hâte de lire vos impressions, bonne journée ❤️

D'Amour et de Haine [CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant