Chapitre 3

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Asami bailla. Ce n'était pas dans ses habitudes d'ouvertement montrer son état de fatigue mais, en plus d'être seule dans son office, elle avait eu une semaine chargée et l'après-midi de ce vendredi s'éternisait, le nez dans une monticule de paperasse administrative. Elle joua avec son stylo, jeta un coup d'oeil par la fenêtre pour observer les oiseaux, puis son esprit finit par divaguer. La soirée du lundi s'invita dans ses pensées, elle se revit danser avec la princesse, dans ses bras, ses yeux bleus... Asami secoua la tête. Elle abandonna l'idée de replonger dans la lecture des factures et des certificats. Elle attrapa ses clés, enfila son manteau long à col et enfourcha sa mobylette à eau. Cet engin qu'elle adorait était le prototype de la Satomobile (automobile à eau) qu'Asami avait monté de toutes pièces - son père lui avait fourni les matériaux nécessaires. Jaune cassé, la machine ne payait pas de mine mais elle en était très fière et surtout se faisait beaucoup remarquer lorsqu'elle déambulait dans les rues à une vitesse modérée, assez rapide toute de même pour dépasser les chevaux au trot. Elle se gara en bas de la colline où elle aimait passer du temps pour se ressourcer. Arrivée en haut elle pu admirer la vue de la ville qui commençait à s'éclairer de ses milles lumières incandescentes. Le palais imposant se dessinait sur la colline en face de la sienne, posant son ombre sur la cité. En l'admirant Asami pressentit que ses pensées allaient encore divaguer et elle sortit son journal - qu'elle avait apporté - pour se distraire. Malheureusement la une des journaux la fit grimacer.

Arrestation d'un Élémentaire : les rafles continuent

Ce jeudi, un homme d'une trentaine d'année a été appréhendé puis mis au fer pour possession et utilisation de maîtrise de la terre. La police n'a pas souhaité s'exprimer à ce sujet mais il s'avérait que l'homme utilisait ses pouvoirs dans le cadre de sa profession : maçon. Les voisins du nouveau chantier qu'il avait commencé ont  soupçonné quelque chose dès les premiers jours. " C'est comme si l'argile se façonnait toute seule, c'était effrayant" nous confie la voisine qui a de suite contacté les autorités. L'arrestation s'est passée dans le calme et aucun blessé n'est à déclarer. Nous rappelons à nos chers concitoyens que la possession et l'usage d'un des quatre éléments est passible de prison à perpétuité et nous vous remercions pour tous les renseignements que vous pourrez disposer à la police.

Évidemment -cela n'étonna pas Asami - l'article provenait du duché de Kaen. En terme de discrimination envers les Élémentaires, ce dernier était le pire. Asami était bien contente d'avoir quitté cette atmosphère oppressante, où tout le monde dénonçait son voisin, son ami ou pire sa famille. La cité de Mizu, centre du royaume de Ricyte, la pratique ou la possession était aussi très mal vue mais n'était pas passible de prison à perpétuité ou peine de mort. Elle était juste tabou. Personne n'en parlait, personne ne voulait savoir. Le duché de Kyu était proche des idéaux de celui de Kaen : la peine de mort était applicable. Le duché de Kuki était le plus libre, considérant les Élémentaires comme des personnes normales et bienvenues. Asami avait entendu dire que des Élémentaires opprimés tentaient l'aventure, bien que les montagnes, réputées insurmontables, de duché, en dissuadaient d'autres. Une famille nomade habitait là-bas, possédant le don très rare de la maîtrise de l'air, et accueillait les réfugiés courageux.

Asami ne comprenait pas vraiment toute cette haine. Certes la maîtrise d'un élément pouvait s'avérer dangereux. Elle même en avait payé les frais lorsqu'un Élémentaire maîtrisant le feu avait assassiné sa mère alors qu'elle n'avait que six ans. Néanmoins, en son sens, il était impossible que tous les Élémentaires puissent être des monstres, l'exemple de ce pauvre maçon en était la preuve et il y en avait d'autres. La vengeance n'amenait à rien, voilà ce que pensait Asami. De plus, même si une partie de l'histoire de Ricyte n'était pas apprise pour que la propagande fonctionne, c'était un fait : l'existence des Élémentaires avaient toujours été une normalité dans le royaume, le nom des duchés en était la preuve irréfutable. Ils faisaient partie des citoyens comme les autres et n'avaient pas choisi d'être nés avec un pouvoir.

- Je me doutais que je te trouverais là.

Opal, sa meilleure amie, s'assit auprès d'elle sans qu'elle ne bouge le petit doigt. Sa présence n'était pas vraiment une surprise car les deux amies se connaissaient depuis leur enfance.

- J'ai appelé chez toi puis à ton office et vu que tu étais aux abonnés absents, j'ai parié sur la colline.

- Bien-vu, siffla Asami en faisant semblant d'être admirative.

Opal lui mit un coup de coude, ce qui la fit rire. Bien que son père ne voyait toujours pas d'un très bon œil cette amitié, c'est ce qui plaisait à Asami chez elle : sa spontanéité et son grand manque de considération envers les règles de la société. Opal était transparente dans tout, apportant une grande bouffée d'air frais à chaque fois qu'Asami en avait besoin.

Opal attrapa le journal à moitié chiffonné dans les mains d'Asami pour lire en diagonal les premières lignes de la une, grimacer à son tour puis elle le balança par dessus son épaule.

- Plutôt que de lire des sottises, tu pourrais t'occuper de milles et une façons plus ... fun.

Asami leva le sourcil. Dans quel pétrin allait-elle encore la fourrer ?

- Comment ça plus "fun" ? demanda l'intéressée dont la curiosité avait été piquée.

- Tu te rappelles du garçon, le serveur, que j'ai rencontré dans un restaurant, super sympa et tout ?

- Ah oui, le garçon mignon.

- Oui Bolin, rougit Opal.

- Mmmh ?

- Et bien il s'avère qu'il est aussi en voie pour devenir catcheur professionnel. Il a un match important ce soir lors d'un tournoi. Je voudrai aller l'encourager mais pas toute seule. S'il-te-plait Asami accompagne-moi. S'il-te-plait, s'il-te-plait.

Opal lui faisait le coup des yeux doux, brillants à souhait, comme à chaque fois. Et comme à chaque fois Asami céda.

- Oui, très bien, je vais venir.

- Chouette !

- J'espère qu'il n'y aura pas trop de journalistes dans ton tournoi, grogna-t-elle. Je n'aimerai pas que le gens apprennent que Asami Sato préfère se divertir devant à un match de catch plutôt que de travailler sur ses prototypes d'automobiles.

- Oh oui, c'est sûr que mademoiselle Sato, exagéra Opal d'une voix grave et en balayant l'air de gestes amples, préfère se divertir dans les bras de la princesse Korra et se faire remarquer dans une soirée huppée.

- Quoi ! Non ! s'étrangla Asami s'en pouvoir s'empêcher d'être embarrassée. Je n'y suis pour rien ! s'insurgea-t-elle. Je ne voulais juste pas me montrer impolie devant son altesse et montrer que je suis fidèle à la couronne.

Opal pouffa, apparemment son excuse était bidon. Elle-même le voyait bien mais elle n'allait pas l'avouer.

- Bon on y va ? Sinon tu vas rater les débuts de ton beau catcheur.

Asami essaya de retourner la situation en sa faveur mais Opal ne broncha pas ni même ne rougit. Au contraire, elle décida qu'elle n'avait pas fini de l'embarrasser alors elle répondit en faisant une révérence parfaite, imitant Asami :

- Nous y allons votre altesse.

Asami grogna de nouveau.



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