Chapitre 18

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Le cœur battant à la chamade, les mains moites, une goutte de sueur perlant sur le front, Asami s'avança encore d'un mètre sur le tapis rouge. La file d'attente, une ligne parfaite d'hommes en tout genre, de toutes les tailles et d'âges différents, était insoutenable. Chaque seconde passée ici lui rappelait qu'elle pouvait être démasquée et encourir une sanction et ce n'était sûrement pas Opal, à quelques mètres devant elle, reproduisant des gestes rassurants, qui allait lui retirer son angoisse. Ni même Bolin qui sifflotait d'ennui derrière elle.  Elle se sentait complètement ridicule avec son tailleur gris rayé et qui aurait presque pu révéler sa poitrine si elle ne l'avait pas compressée sous des bandelettes, et surtout son nœud papillon rouge qui l'étranglait à moitié. Bien que c'était surtout la chaleur de sa perruque de cheveux mi-longs et bruns qui la faisait le plus suffoquer car elle avait dû entasser sa masse capillaire en-dessous. Elle avait l'impression de sortir tout droit d'un film neuneu pour adolescente en pleine puberté. "Beau gosse", l'avait d'ailleurs moqué Opal lorsqu'ils avaient terminé de la déguiser.

Durant les trois longues heures d'attente pour enfin pénétrer la salle du trône, Asami avait donc gardé la tête baissée et n'arrêtait pas de ruminer ses mauvaises pensées : "Jamais ça ne marchera ... On va se faire prendre, on va se faire prendre... " Elle finit par se calmer quand elle entendit la voix lassée de Korra prononcer :

- Suivant.

Asami osa relever le menton et remarqua que c'était la première fois qu'elle voyait la salle du trône.  Korra était assise, même plutôt avachie avec lassitude, sur le trône de son père. Immense et fabriqué dans la glace, il en imposait à côté des deux autres, ceux habituellement utilisés par la princesse et la reine, qui eux étaient sobrement décorés par des stalagmites. Senna se croisait et décroisait les doigts par nervosité à gauche de Korra tandis que Tonrak observait attentivement les prétendants sur sa droite. Asami baissa à nouveau la tête. Cette fois-ci plus moyen de revenir en arrière. Elle maudit intérieurement Opal de l'avoir embarquée dans une pareille idée, surtout qu'au vu de l'attitude de Korra, elle ne tiendrait pas deux secondes devant elle, vêtue ainsi, sans se faire expulser. D'ailleurs ce scénario se produisit avec Opal, elle aussi déguisée, en une sorte d'homme du spectacle qui fut vite déclaré inconvenable pour la famille royale.

Au bout de quinze minutes, ce fut enfin le tour d'Asami. Opal lui avait fait apprendre par cœur son texte, ainsi que travailler sa posture pour se transformer en Don Juan. Asami, même si elle savait que son amie avait exagéré son personnage, fit comme elle avait appris et mis un genou à terre, la main collée sous sa poitrine. Elle prit la voix la plus grave possible -maudissant encore plus Opal- :

- Ma future reine, récita-t-elle, c'est un honneur de vous rencontrer et d'admirer votre beauté d'aussi près.

Korra ouvrit grand les yeux, apparemment elle l'avait reconnue et Asami ne savait pas si elle devait se sentir soulagée ou pas.

- Et quel est votre situation ? questionna le roi, fatigué du désintérêt de sa fille pour cet événement.

- Je... Je suis...bégaya Asami avant de reprendre son texte et ne pas éveiller les soupçons, je suis un modeste artisan dans le minerai mais qui possède tout de même six employés sous ma charge. Et je compte bien investir dans les projets de la royauté. Je n'ai de cœur qu'à vous servir majesté, s'adressa-t-elle à Tonrak puis à Korra qui avait retrouvé une expression normale, bien que ses yeux pétillaient.

Contre toute attente, Korra se leva, provoquant un léger murmure dans la file d'attente et fit lever un sourcil sur le visage du roi. Korra s'approcha puis se pencha sur Asami qui, toujours sur un genou, n'osa pas bouger. Elle n'allait tout de même pas lui retirer son déguisement devant l'assemblée ?! Non, Korra fit semblant de resserrer son nœud papillon et rattacher ses boutons, cachant ce qu'elle faisait avec son corps, et lui chuchota : "Rejoins-moi dans la salle de couture après la cérémonie". Elle retourna ensuite sur le trône comme si de rien n'était et s'excusa auprès de son père :

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