Chapitre 22

243 11 3
                                    

L'amour paternel : voilà un sentiment aussi complexe que lointain pour Asami. Elle n'avait jamais réellement manqué d'amour. Mais la majorité de ses souvenirs familiaux étaient ceux avec sa mère, Yasuko. Yasuko et elle en train de peindre un mur en s'en mettant partout, Yasuko et elle en train de rater un gâteau, ou encore Yasuko et elle riant aux éclats lorsque son père rentrait à la maison couvert d'huile. Hiroshi avait toujours été un ingénieur hors pair, travaillant avec acharnement. Malgré son absence de la maison, Asami l'admirait, le voir aussi dévoué à ses inventions lui avait tracé sa propre voie. Bien-sûr à la mort de sa mère, elle aurait souhaité qu'il soit un peu plus présent, partager son chagrin. Hiroshi avait, quant à lui, refermé sa carapace, et avait plongé deux fois plus dans son travail. Asami avait respecté ce choix. 

Son esprit divaguait sur ce qu'aurait pu être leur relation tandis qu'elle attendait dans le couloir comme dans un cabinet médical. De l'autre côté de la grande porte, à sa droite, s'entretenait Korra et Tonraq. De leur échange dépendait beaucoup trop de choses, particulièrement de l'avenir du royaume, de son avenir avec Korra... Elle souffla un bon coup pour évacuer le stress, son talon claquant contre le marbre du plancher. Soudain, la porte s'entrouvrit et une main caramel l'incita à entrer. Korra lui lança un regard qui en disait long, Asami entraperçut même son petit sourire en coin signifiant une victoire.

Le roi portait encore les stigmates de son combat avec Mako, même les bandages ne masquaient pas toutes les taillades sur sa poitrine. Son visage était marqué par la fatigue mais il était vivant et essayait de rester fier sur son trône même s'il s'y agrippait plus qu'autre chose. 

Asami s'inclina et attendit qu'il prenne la parole. 

- Approche mon enfant.

Asami releva la tête, confuse. Non seulement personne ne l'avait jamais appelée ainsi mais en plus ce roi si imposant, si colérique avait en fin de compte une voix posée, douce. Elle obéit, tout en contrôlant ses tremblements. Sa tête se vida encore plus lorsque le roi prit sa main entre les siennes et la regarda droit dans les yeux.

- Korra m'a tout raconté ou plutôt, j'ai enfin pris le temps d'écouter ce qu'elle avait à me dire... J'ai vraiment été un père indigne, j'avais soif de la protéger mais je n'avais pas remarqué à quel point j'avais créé un rempart entre nous.

Pourquoi le roi lui racontait tout ça ? Asami n'en savait rien. Il semblait épuisé, au bout de ses forces comme s'il allait s'endormir pour toujours. Non, il ne fallait pas ! Asami se ressaisit et posa sa deuxième main libre sur celles du roi comme pour lui signifier qu'elle l'écoutait attentivement et qu'il ne devait pas abandonner. Elle ne savait que trop bien ce que c'était que de perdre un parent.

Tonraq s'interrompit devant son geste. Une larme lui coula au bord de l'œil.

- Père, est-ce que ça va ? demanda Korra, inquiète.

- Oui.

Il reprit sa respiration, au son grinçant, et sourit, peut-être pour la première fois.

- Merci Asami, s'adressa-t-il de nouveau à elle, tu es une véritable alliée pour la couronne et pour ma fille. Même si votre relation, toussa-t-il, gêné, est ... particulière, je ne l'approuve pas pour autant.

- Mais père ! Asami vous a sauvé la vie !

Le roi leva la main pour interrompre Korra :

- Je m'accorde cependant le temps d'observer comment vous allez géré tout ça, toutes les deux. Asami comme héritière des Sato industries et toi Korra, comme reine de Rycite.

- Père ?

- Oui, il est temps pour moi de me retirer. J'ai commis beaucoup d'erreurs et j'ai conscience que je te laisse entre les mains un royaume divisé mais je te fais confiance pour le remettre sur pied et lui permettre d'entrer dans une nouvelle ère où les Élémentaires et non-Elémentaires seront égaux. Pour cela, tu auras besoin de toute aide nécessaire.

Il désigna Asami des yeux. Korra tomba à genoux, elle se mit en posture de respect, Asami l'entendit renifler.

- Merci père. J'espère être enfin digne de vous.

- ... Tu l'as toujours été Korra, pardonne-moi de ne pas avoir su te le montrer.

Asami sentit ses propres larmes lui monter aux yeux, ce moment serait à jamais gravé dans l'Histoire et aussi dans son cœur.

Elle passa un moment dans la salle du trône avant qu'un médecin de la famille royale ne leur quémande de sortir. Il se faisait tard et Korra insista pour la raccompagner au moins jusqu'aux portes du château.

Les deux femmes se regardèrent au début en baillant. La journée avait été longue, interminable même. Korra sourit et commença à se balancer légèrement sur ses pieds. Asami avait remarqué ce comportement depuis belle lurette : lorsque Korra était gênée, elle faisait souvent cela. Et elle trouvait cela adorable. Elle l'a pris dans ces bras, mélangeant son parfum avec le sien. Le fait que l'ingénieure soit plus grande qu'elle et que le visage chaud de Korra vienne toujours se réfugier dans son cou était réchauffant, agréable, particulièrement en hiver. Puis la princesse, ou plutôt la reine, toujours aussi fougueuse, vint poser ses lèvres brûlantes sur les siennes. Asami se laissa complétement dévorer par la chaleur, son amour, tout. Elle l'embrassa plus passionnément, plus profondément et elle sentit le feu s'embraser un peu plus à l'intérieur d'elle. Si bien que quand leur baiser s'interrompit, elle eut du mal à reprendre ses esprits.  De la buée sortit de sa bouche, la respiration saccadée. Korra avait aussi le regard vague. Elle devina le ton pivoine malgré sa peau caramel.

- Hem... toussa Korra dans l'espoir de rendre le moment moins gênant - ce qui faisait rire Asami - Rentre bien et ... bonne nuit.

- Oui bonne nuit.

L'héritière aurait souhaité rester plus longtemps, mais elle savait malgré elle qu'elle devait rentrer : une petite voix dans sa tête l'avait rappeler à l'ordre. Elle aimait de moins en moins cette partie d'elle, celle de la petite fille sage qui avait toujours fait ce qu'on attendait d'elle. Même si à partir de la fin de son adolescence, elle avait pris de plus en plus de libertés, elle n'avait jamais franchi la limite. En y réfléchissant, quelle limite existait-il quand il s'agissait d'aimer ? N'était-ce pas la plus belle et merveilleuse chose au monde ?

Elle pénétra le seuil de son manoir, retira ses chaussures, pataude. Elle n'eut qu'une envie : s'affaler sur son sofa et penser à rien, ou peut-être à la beauté aux yeux bleus qu'elle venait d'embrasser. Une forte agitation dans le hall la sortit de sa rêverie. Elle remarqua enfin que son père était là, préparant sa valise en toute hâte.

- Bonsoir papa, j'ignorais que tu étais de retour et que tu repartais.

Hiroshi Sato, comme pris sur le fait, releva la tête, quelques mèches de cheveux en bataille devant ses lunettes.

- Asami, dit-il presque essoufflé, tu tombes bien. Il faut qu'on parle.

- Qu'il y a t-il ? Papa, tu m'inquiètes, ajouta-t-elle en le voyant continuer son remue-ménage.

- Tu n'es pas au courant ma fille ?! La future reine de Rycite est une abomination ! J'ai demandé une audience au Roi mais il n'a pas tenu à me l'accorder. Nous ne pouvons décemment pas continué notre business avec la famille royale. Et ce n'est pas le plus ennuyant... Bref, prépare tes valises aussi Asami, on a pas beaucoup de temps.

Asami ne bougea pas d'un pouce. Elle était sidérée parce qu'elle venait d'entendre. Elle n'était même pas sûre d'avoir entendu quelque chose. Les mots avaient du mal à se rassembler dans son cerveau. Korra, une abomination ?

- Asami !

Le ton vociférant de son père, son attitude, la brusqua. Elle voulait être certaine de ses propos, parce que sinon c'était pire qu'un cauchemar.

- Qu'est-ce que tu viens de dire ?

Secrets partagésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant