BOXING HEART

Chapitre 1 : Lara

« Il y a des gens pour vivre de belles histoires où « ils vécurent heureux pour toujours » et définitivement, je n'en fais pas partie. »

Frapper m'aide à me vider l'esprit, à m'ancrer dans l'instant présent, et à me sentir en vie. C'est une pulsion vitale, inexplicable et essentielle pour une fille comme moi. Abimée. Parfois, quand rien ne va, je dois résister à l'envie incontrôlable de cogner contre un arbre de toutes mes forces.

Mais même si je refuse de décharger ma colère sur quelqu'un, à la longue, un arbre, ça fait mal, les gants et le sac sont donc devenus mon refuge. Je ferme les yeux et grimace lorsqu'un souvenir peu reluisant s'invite dans ma tête, me rappelant l'erreur que les gens font souvent sur moi : je suis tout sauf calme. J'étais petite, je ne m'énervais pas souvent, mais ce jour-là, ce gosse m'avait vraiment mise hors de moi. Il a fini à l'hôpital.

Après ça, mon père ne m'avait pas engueulé comme je l'avais craint, par contre, il avait acheté mes premiers gants, et c'est à partir de là que la boxe est devenue fondamentale. Aujourd'hui, affronter quelqu'un pour mesurer ma force est presque devenue une obsession. Mais, je veux faire ça à la loyale, pas sauvagement. L'autre jour, après le travail, je suis passée devant un club de boxe, et je n'ai pas pu résister.

Je suis entrée. La scène qui s'est déroulée sous mes yeux a été comme un électro-choc : des tas de muscles en train de se battre comme s'ils voulaient se détruire, pour à la fin, s'écrouler au sol et s'esclaffer. J'ignore pourquoi, mais l'ambiance fraternelle de cette salle bétonnée m'a immédiatement donné envie d'enfiler mes gants. Avoir le même sérieux pendant le combat et en rire à la fin... J'aurais sûrement des difficultés à faire pareil tellement je prends les choses à cœur, surtout quand il s'agit de se battre. Voilà pourquoi je suis en train d'hésiter sur le pas de la porte du club. "Qu'est-ce que je fous là..." Est-ce vraiment fait pour moi ? Après tout, je n'ai pas le mindset pour ce genre d'endroit : je marche en solo, je n'aime pas qu'on me dise ce que je dois faire, et je me vois mal faire semblant d'être docile pour faire plaisir. Je commence à vouloir faire demi-tour, mais d'un coup, quelqu'un sort en trombe et me barre presque la route.

Surprise, un homme me frôle sans même me regarder : tatoué, crâne rasé sur les côtés, une crinière brune en bataille s'échappant de sa tête. Mes yeux peinent à s'empêcher de le suivre. Il a l'air d'être très à cran. Je le vois alors grimper sur sa bécane absolument magnifique. Il n'y a pas que la bécane...

— Salut, je peux t'aider ?

Un type couleur ébène à dread, tout transpirant et essoufflé, me ramène à la réalité. À voir son sourire, j'en conclus qu'il est agréablement surpris de me voir débarquer à l'improviste. En même temps, il n'y a qu'à regarder le club : que des hommes.

— Je pense oui, je lui réponds calmement, tandis qu'il me tend la main.

— Réki, j'ai monté ce club et je donne les cours.

— Lara.

— Ok, qu'est-ce qui t'amène ici ?

Je marque une pause en réfléchissant.

— J'ai envie de me battre.

Il hausse les sourcils et un coin de sa bouche se relève.

— Bienvenue au club . Dit il en m'offrant un sourire sincère malgré la fatigue. Je lui rends avec prudence. Je n'ai pas l'habitude qu'on soit aussi direct et chaleureux avec moi, et clairement, cet homme respire la bonne humeur. Il me guide vers l'intérieur du club à travers les sons de coups de poing et de pied s'écrasant sur les sacs de frappes. Il règne une odeur de sueur et de détermination qui me rappelle pourquoi je suis ici, et je réalise rapidement que je me sens à ma place. Exactement là où je dois être, même. L'espace principal est immense. Plusieurs rangées de sacs sont accrochés au plafond et, autour, des combattants qui s'entraînent, certains seuls, d'autres en duel. Je sens mon cœur battre un peu plus fort, et ce n'est pas dû à la peur. Je me sens vivante. Les sons des coups, le grondement des combats et le crissement des pieds sur le sol en béton remplissent mes oreilles.