BOXING HEART

Chapitre 19 Lara

Max ne me juge pas, il se comporte comme si j'étais un bon pote à lui et honnêtement, ça me soulage. Je jette un regard furtif à Eli et surprend le sien braqué sur moi. Je ravale la boule qui se forme dans ma gorge. Mettre un peu de distance avec lui ne me fera pas de mal. Laetitia est resplendissante aujourd'hui et pire encore, elle le dévore du regard. Je ne sais pas combien de temps ça va prendre avant que je ne perde mon sang-froid. Je n'ai pas envie de m'énerver, je ne m'abaisserai pas à ça. Surtout pas après ce moment intime qu'on a partagé hier et ce matin. Mais j'ai besoin de prendre du recul. Mes yeux dérivent vers les kayacs jaunes. C'est la première fois de ma vie que je vais en faire. Paul nous l'offre et quelque chose me dit que ça ne fera strictement rien à son compte en banque. Il n'y a qu'à regarder sa voiture.

Nous formons les groupes et bien évidemment, Laetitia se met avec Marie, Nelly m'abandonne pour être avec Paul et Mike, Chris choisis Éli qui semble contrarié, et j'ai accepté l'offre de Max. L'excitation traverse mes veines mais je me sens nerveuse. D'après ce que nous a dit le gars, il y a beaucoup d'endroits au bord de la rivière où nous pourrons nous arrêter pour nous baigner. Le lieu est tout bonnement incroyable. Un vrai bol d'air pur et un paysage à couper le souffle. On enfile les gilets obligatoires et nous montons chacun à notre tour dans les kayaks. Je me sens flotter dans l'eau, c'est vraiment agréable, alors je parviens enfin à me détendre. D'un coup, je sens toute colère et toute haine partir de mon corps.

Le courant de la rivière nous emporte doucement et si je ne suis pas tout à fait confiante, Max se débrouille bien et m'explique ce que je dois savoir pour garder l'équilibre et éviter de nous faire chavirer. Une fois stabilisé, nous pagayons à un rythme tranquille. Avec son éternel sourire, il essaie de détendre l'atmosphère en racontant une blague un peu douteuse sur les poissons et les kayakistes. Je ne peux m'empêcher de ricaner, même si la blague est clairement mauvaise. Je fixe le dos épais et massif d'Eli devant moi. Les muscles de ses omoplates se contractent à chaque mouvement et pendant un instant je n'arrive pas à détourner les yeux tant c'est magnifique à voir. Il doit le sentir, car son mouvement se stoppe et il se retourne subtilement. Ses yeux plongent dans les miens et ses sourcils se haussent, un air de défi sur le visage. Je secoue la tête de droite à gauche et ne peux empêcher la courbe qui se forme sur mes lèvres. Le sourire franc qu'il me rend me donne envie de sauter de ce kayak et de retourner avec lui sous la grotte. Soudain, il reçoit de l'eau et ma tete tourne si vite que je crains qu'elle se dévisse. Je fixe Max les yeux écarquillé l'air de dire " qu'est-ce qui te prend" Eli serre les dents tandis que Max hausse les épaules, faussement penaud.

— Désolé, mec. L'arrosage automatique, c'est ma spécialité. Lance-t-ilil avec un clin d'œil. J'observe Eli qui est à deux doigts de l'attraper par le col, mais au dernier moment il sourit, un air mauvais.

— Ça m'étonne pas, ça tombe toujours en panne.
Les éclats de rire des autres résonnent autour de nous, tandis qu'Éli sourit d'un air narquois.

La tension est palpable et le trajet est rythmé par des éclaboussures et des grognements. Et alors que nous manquons de nous renverser en naviguant autour d'un énorme rocher, Je vois le kayac de Laetitia prendre la tête du groupe. Si elle croit qu'on va la laisser nous dépasser comme ça, elle se fourre le doigt dans l'œil jusqu'au trognon. Je prends les devants et vois une lueur d'excitation briller dans les yeux de Max. Il obtempère et accélère la cadence. L'ambiance se transforme et le parfum de la compétition me chatouille les narines. J'aime ça. Battre cette mannequin trop parfaite sera une parfaite revanche à son gage de merde d'embrasser Max. Je jette un coup d'œil à leur kayac et pendant un bref instant, nos regards se croisent. Je n'écoute pas la voix de la raison dans mon esprit qui me dit que cette réaction est ridicule, que je n'ai plus 15 ans, que nous ne sommes pas dans un putain de film pour adolescent ou dans un bouquin à l'eau de rose. Mais j'emmerde cette voix, et accélère jusqu'a sentir mes bras me bruler.

— Tu gères tellement Lara.

Je me tourne vers Max et le remercie d'un sourire en coin.

—Tu me remercieras quand on aura gagné.

Je vois alors Eli accélérer aussi de son côté. Et devinez qui a remporté la victoire haut la main ?

Après avoir échoué lamentablement, on s'arrête sur un bord de la rivière ou des plaques de rocher nous permette de nous reposer aprés notre effort physique. Je me lève et décide de prendre quelques minutes à l'écart pour téléphoner à mon père. Plusieurs sonneries retentissent. Mais aucune réponse. Comme toujours. J'appelle dans la foulée mon patron qui m'aide avec lui, de temps en temps. Il passe le voir autant de fois qu'il le peut, et pour ça, je lui en serais éternellement reconnaissante. Une fois que je tombe sur la messagerie, je raccroche et tente de ne pas céder à la panique. Mon patron doit être occupé. Je m'apprête à retourner vers le groupe mais tombe nez à nez avec Laetitia. Je me fige.

— Tu as faim ?

Je fronce les sourcils et réponds prudemment.

— Oui, j'arrive, je devais passer un coup de fil.

— Aucun problème, on a tous une vie en dehors d'ici.

Je ne comprends pas où elle veut en venir. C'est la première fois qu'elle m'adresse la parole. Et elle comme moi, nous savons très bien pourquoi nous n'avons pas eu beaucoup de conversations. Je la contourne et m'apprête à retourner vers les autres, mais elle me retient par le bras.

— Éli... Il est sensible. Je ne sais pas ce qu'il t'a raconté, mais il te dit juste ce qu'il a bien voulu voir. On s'aime encore, tu sais.

Je serre les poings et me dégage le plus calmement possible de son emprise. Mais mon sang est en ébullition. Éli sait ce qu'il a vu. Il a vu qu'elle prenait son pied avec quelqu'un d'autre alors qu'il l'aimait. Point. C'est aussi simple que ça.

— Je ne sais pas pourquoi tu me dis ça, mais je vais te donner un bon conseil, si tu tiens vraiment à lui, reste en dehors de son chemin. Et du mien.

Elle prend un air offusqué.

— Je tiens à lui d'accord ? Je serai toujours là pour lui, t'en fais pas.

Je mords l'intérieur de ma joue.

— Ce n'est pas pour lui que je m'inquièterais si j'étais toi.

Je siffle. La colère monte comme ces espèces de jeu dans les fêtes foraines, tandis que cette garce sourit.

— Je suis vraiment contente qu'il ait une amie aussi présente pour lui. Quand on se remettra ensemble, tu viendras manger à la maison.

Sur ces derniers mots, elle retourne auprès des autres. Et moi, j'avale le sang dans ma bouche.

*

— Salope. J'arrive pas à croire que je n'ai rien vu.

Nelly cesse de se mettre du mascara et semble tellement remontée qu'on dirait que c'est elle qui va aller en mettre une à Laetitia.

— J'ai tellement eu envie de la frapper si tu savais. Je pince les lèvres, n'osant pas imagier la scène.

— Fais-toi magnifique pour ce soir. Et concentre-toi sur Eli... Ça te va bien l'amour.

Je manque de m'étouffer.

— Qui a parlé d'amour ?

Nelly pouffe en finissant de se maquiller.

— Désolée de te le dire ma vieille, mais tu ne trompes personne.

Je ne sais pas quoi répondre. Je sens le feu monter aux joues à tel point que je décide de mettre un peu de fond de teint moi aussi. Au bout de 10 minutes, j'espère ressembler à quelque chose.

— Putain Lara... il va craquer. Tu es à tomber par terre. Même Max ne va pas résister à ça !

— Max ?

— Ah, j'oubliais, aveugle aussi.

J'hausse les sourcils. Bras dessus bras dessous, on quitte l'espace salle de bain réservé au camping et on rejoint les autres aux campements. Il est minuit. Ce soir, nous avons prévu d'aller en boîte juste à côté du camping. Après cette journée, je redoute clairement le déroulement de cette soirée.