Je tends l'oreille, mais aucun bruit à l'horizon. Une fois que je suis sûr que le monstre est sorti, je me glisse hors du lit. Il est sûrement allé au bar avec ses copains, mais ce qui m'inquiète, c'est que je n'entends pas maman. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, mais il faut vraiment que j'aille faire pipi et j'ai faim. Maman n'a pas fait attention aujourd'hui car elle était plus préoccupée que d'habitude, alors je n'ai pas voulu l'embêter. Le plancher craque sous mes pas et même si je sais qu'il n'est pas là, je tremble. J'atteins rapidement la cage d'escalier, mais ma tête se tourne vers la porte de leur chambre et je vois alors quelque chose d'étrange. Elle est ouverte, pourtant d'habitude, elle est toujours fermée. Pendant quelques secondes, je reste planté là, la main sur la rampe d'escalier, tétanisé. Et s'il était là finalement et qu'il était en train de me regarder à réfléchir à ma prochaine punition ? Je tressaille en passant ma main sur mon poignet et sur le petit cercle brûlé. Ça fait encore très mal. Malgré la peur, je me dirige vers la chambre et ce que j'y vois me glace le sang plus que tout jusqu'ici. La main de maman pend du côté du lit, ses cheveux cachent son visage, mais pas son cou. Je ne peux pas arrêter de le fixer, lui et la couleur violacée tout autour. Il n'y a plus une trace de peaux bronzée, tout est bleu, violet et sombre. Si je ne voyais pas son torse se soulever faiblement, je penserai qu'elle est partie. Mon regard dérive vers la table de chevet où je vois des petits bonbons blancs. Est-ce que ça l'aide à dormir ? Est-ce que moi, ça m'aiderait à dormir ? Je fronce les sourcils et secoue la tête. Quelque chose me dit qu'il ne faut pas toucher à ça. Soudain j'entends la cloche de l'entrée teintée et la porte claquer, mais ça ne réveille même pas maman. Paniqué, je ferme celle de la chambre, comme si ça pouvait la protéger et je retourne dans mon lit. Cinq minutes plus tard, des cris et des gémissements commencent alors à emplir l'étage. Qu'est-ce qui se passe ?
— Tu vas être la gentille salope que tu es Moera.
J'entends la voix de maman, mais c'est comme si elle n'arrivait pas à parler. Mais je l'entends essayer de crier. Je serre les draps dans mes mains. Je ne sais pas ce qui se passe mais je sais qu'elle a mal. Un bruit retentit et le monstre se met à hurler de rage et je reconnais le bruit d'une gifle. Je me concentre pour calmer mes tremblements mais je n'y arrive pas. Puis les choses se calment. Mais un bruit frénétique se met à résonner dans toute la maison. Je connais ce bruit, je l'ai déjà entendu beaucoup de fois. Et je ne sais pas pourquoi, mais dans ces moments-là, maman ne crie plus. Comme si elle n'était plus là. Ça me fait peur. Encore plus que quand elle hurle. Le temps passe lentement. Le bruit continue et s'accélère, encore et encore. Toujours pas de crie de maman. J'entends un meuble claquer contre le mur. Puis le bruit s'arrête enfin et un calme terrifiant prend place. Mes draps sont trempés de pipi.
Je me réveille en sueur, le souffle court et mon cœur tambourinant comme si j'avais couru un marathon. C'était un rêve. Un putain de cauchemar. Un souvenir de merde, rien de plus. J'observe Lara qui dort encore dans mes bras. Je me détends instantanément, ferme les yeux et hume à pleins poumons ses cheveux... Merde, rien que son odeur suffirait à me faire tout oublier. Il fait jour et le soleil vient lentement envahir son visage. On s'est endormi là, après mon aveu. Je ne parle jamais de ça, à personne, pas même aux gars. Je n'ai plus 15 ans, je n'ai plus besoin de faire ça, me plaindre d'avoir eu une enfance de merde. J'ai toujours la rage, mais c'est du passé, aujourd'hui, je vois plus loin. Et pour l'instant, dans mon avenir, j'y vois une brune tatouée. Elle commence à ouvrir les yeux et à réaliser où elle est. Ses joues rougissent à vue d'œil. Je serre les dents pour me retenir de lui donner de vraies raisons de rougir. Elle se relève et me sourit, embarrassée.
— J'arrive pas à croire qu'on a dormi là sans couverture ni rien. J'espère que j'ai pas une fourmi dans les oreilles. Ça bouffe le cerveau ces truc-là, faut se méfier. Elle s'exclame en se relevant. J'éclate de rire et me lève à mon tour, mes muscles encore engourdis par notre repos improvisé. Je la regarde enlever les dernières brindilles qui se sont installées dans ses cheveux et j'ai tout le loisir de l'observer. La lueur du soleil fait briller sa crinière. Elle est magnifique. Purement et simplement putain. Mais ce qui me frappe, c'est qu'elle n'est pas que belle. Elle est pure. Brut. Naturelle, j'ai rarement vu autant de transparence chez quelqu'un. Elle est tout simplement vraie et de ce que j'ai vu hier, elle est aussi sensible. Je m'approche d'elle et ses yeux s'écarquillent légèrement mais elle ne recule pas. Quelque chose a changé depuis hier soir. Je n'ai plus cette espèce de gêne qui aurait pu m'empêcher de faire ce que je m'apprête à faire. Je rapproche mon visage du sien et le prends en coupe. Je ne peux m'empêcher de fixer ces lèvres parfaites qui doivent avoir le gout du paradis. C'est trop tôt, mais je peux au moins lui faire comprendre ce que je ressens. Elle frissonne quand je dépose un baiser sur son front puis sur sa joue tout en la remerciant dans un murmure que même les arbres n'ont pas dû entendre. Elle cligne plusieurs fois des yeux et je souris. J'ai réussi à troubler mon pit bull. On se met ensuite en route pour rentrer. Et tandis que nous nous rapprochons du campement, une partie de moi espère que tout le monde dort encore, histoire de prolonger un peu ce moment. Raté.
— Ben alors Robin des Bois tu nous as zappé hier ! Mike et Chris sont posés sur la table en bois et pendant qu'ils se foutent de ma gueule, je leur envoie un joli doigt. Paul, avec ses cheveux blonds en bataille, émerge enfin de la tente avec Blanche Neige, et je vois Laetitia et Marie la naine sortir de la leur, attirées par le bruit. Si les yeux pouvaient tuer, Laetitia m'aurait buté sur place. Enfin, Max, qui traînait encore dans son duvet, fait son apparition et son visage se décompose à la vue de Lara et moi côte à côte. Le rictus que j'affiche sans aucune pudeur le termine. Et, comme le matin, plus con que moi, tu crèves, j'enfonce le cloue et passe un bras autour des épaules de Lara qui semble aussi choquée que Laetitia et Max. Il est temps qu'ils comprennent l'un comme l'autre que c'est mort. On est déjà pris. Enfin... Lara ne le sait juste pas encore.
— Programme pour la journée les gars, vu qu'on est tous réveillés, autant en profiter au max. Kayak, ça vous dit ? Eli ?
Chris se tourne vers moi comme pour valider et j'acquiesce, un semblant de calme retrouvé dans ma poitrine.
— Il est sept heures les gars qu'est-ce que vous foutez ?
Paul grimace en grommelant.
— Bouge toi Roméo, on va faire du Kayak.
On se met rapidement en route et par chance ce matin, personne n'avait réservé.
— Bonjour, vous êtes combien ?
Le petit doit avoir 18 ans et nous explique les consignes de sécurité. Cette ironie me fait sourire.
— Est-ce qu'il y a quelqu'un pour qui c'est la première fois ?
Lara lève la main et pendant un instant, elle a l'air nerveuse. Mais son regard de guerrière reprend vite le dessus et elle sourit. Ses yeux malicieux tournent vers moi.
— Si je te bats à moto, je pense que je peux te battre partout.
— Umm, pas partout non...
— On parie ?
Mes yeux la défient et elle déglutit. Je préfère écarter mon regard, sinon je ne donnerai pas cher de son short et de son petit top. Rien à foutre qu'il y ait mes potes. Je serre les dents et d'un coup, je suis parcouru d'une sensation étrange. Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose me dit que ça va être la merde. Le gamin des kayaks nous répète les règles de sécurité pendant qu'on se rapproche des engins. Je reste près de Lara. Mais je vois Max qui tente de se rapprocher d'elle en douce. Je dois lutter contre l'envie de le frapper. J'ai envie de rigoler pour me donner une contenance et éviter de lui casser quelque chose. Je ne devrais pas penser ça, mais rien que l'idée qu'il essaie de tenter un truc me rend malade. Est-ce qu'il s'imagine une seule seconde qu'elle l'a embrassé par envie ? Je le défie du regard et ce con le soutient. Le pire, c'est que Lara ne semble se rendre compte de rien. Elle écoute le gars avec ennui et le moment de faire les équipes de deux arrive enfin.
— Allez la boxeuse pro, tu viens avec moi, si je veux gagner ça ne pourra être qu'avec toi !
Lara sourit avec incertitude et me jette un regard hésitant, mais par réflexe, allez savoir pourquoi je détourne les yeux comme si on m'avait brûlé la rétine. Ma pomme d'Adam fait des montagnes russes. À l'extérieur, tout baigne. À l'intérieur, j'ai envie de fracasser Max contre un arbre. Parce que Lara accepte.
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BOXING HEART
RomanceLara et Eli. Deux écorchés vif au passé sombre qui n'avaient pas prévu de se tomber dessus. Boxeurs, loups solitaires, l'alchimie est instinctive, sauvage. Il a vécu un drame, elle aussi. Malgré la vie qui ne fait pas de cadeaux, vont ils réussir à...