Chapitre 39 : Lara

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Nelly me ramène chez moi. Je n'ai pas envie de parler, je n'ai pas envie de manger, je n'ai pas envie de dormir. Je veux juste être seule. Et me contenter d'exister. Mon esprit est ailleurs, complètement détaché de la réalité. C'est comme si une partie de moi était restée enfermée derrière ces barreaux, avec Eli. Eli. Je ferme les yeux et inspire profondément, mais rien ne dissipe cette sensation de vide, ce putain de poids qui m'oppresse la poitrine. J'ai l'impression d'être une coquille creuse, un corps sans âme, un cœur sans battement.

— Je comprends... murmure Nelly en me massant doucement les épaules. Je sais qu'elle fait de son mieux, qu'elle voudrait que je parle, que je lâche prise, mais je n'en ai pas la force. Elle s'affaire à appliquer une crème sur mon cou, là où les doigts de ce monstre ont laissé des marques violacées. La douleur est supportable. Ce qui ne l'est pas, c'est l'empreinte laissée sur mon esprit. Tout tourne en boucle dans ma tête. Eli. Son père. Laetitia. Son bébé. Mort. Je me sens vide. Creuse. Stupide et incroyablement égoïste. Comment j'ai pu mettre une pression sur une chose pareille ? Je pense alors à Laetitia. Je n'arrive pas à croire qu'on puisse être aussi désespéré... Une larme refait surface pour la centième fois ce soir. Et ce monstre qui sert de père à Éli... Comment a-t-il pu survivre à tout ça ? Comment peut-il encore sourire, encore aimer, encore croire en quelque chose après avoir traversé une telle descente aux enfers ? Eli est un miracle. Mon miracle. Et il est hors de question que je le laisse partir. Au sens propre comme figuré. Je prends une grande inspiration et fixe mon reflet dans le miroir. Demain, quand il va sortir de sa maudite garde à vue, je lui annonce que je pars avec lui. C'est décidé. Cette soirée m'aura au moins fait comprendre que je ne veux plus jamais être séparée de lui.

*

Je dors deux heures, tout au plus. Et quand mon réveil sonne je m'habille en automatique. Mes côtes me font souffrir, ma tête bourdonne, mais je m'en fous. Je n'ai qu'une seule chose en tête : Eli. Je saute sur ma moto et file droit vers le commissariat. Il est déjà là.

La vision de son visage me coupe le souffle. Il semble fatigué, marqué par la nuit qu'il vient de passer, mais dès qu'il m'aperçoit, quelque chose s'illumine dans son regard.

Je n'ai jamais été aussi heureuse de descendre de ma moto. Sans réfléchir, je cours vers lui et me jette dans ses bras, ne lui laissant pas le temps de respirer. Ses mains retrouvent leurs véritables places sur mes hanches, dans mon cou, sur mes joues...

— Moi aussi... murmure-t-il en serrant son étreinte.

Il s'éloigne légèrement et fronce les sourcils.

— C'est pas trop tôt pour que tu reprennes la moto ?

Il a l'air inquiet.

— T'en fais pas, je vais très bien.

Je mens. J'ai mal. Mes côtes me lancent, mes muscles sont raides, mais rien ne m'empêchera de savourer cet instant. Eli ne semble pas totalement convaincu, mais avant qu'il ne puisse insister, un officier nous rejoint avec quelques papiers.

Il nous explique rapidement quelques détails supplémentaires concernant la procédure à l'encontre du père d'Éli, le temps que ça pourrait prendre etc. Je n'écoute que d'une oreille, car je n'ai qu'une envie, me retrouver enfin seule avec Eli. J'ai l'impression qu'on a été séparés une éternité et que ma soirée d'anniversaire était il y a plus d'une semaine. C'était pourtant hier. L'officier nous laisse après nous avoir tout dit en détail.

— Tu veux aller où ?

Je réfléchis un instant. Et je réponds calmement.

— Au lac.

Il grimace. Mais ne cherche pas à comprendre.

Nous arrivons à notre endroit préféré. Celui dans lequel on s'est toujours senti bien même avant de se rencontrer. Je prends une grande inspiration, luttant contre les souvenirs de la veille qui m'assaillent. Je ferme les yeux et inspire profondément. Ce lac ne doit pas devenir un souvenir douloureux. Je refuse qu'il soit souillé par la peur et que cette agression gâche tous les bons moments que j'ai passé ici.Je repère alors la corde qui pend toujours de notre arbre, là où était attaché notre sac de boxe. Notre sac. Je la ramasse et me tourne vers Eli.

BOXING HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant