BOXING HEART

Chapitre 42 Eli

La maison de ma mère se trouve à trois heures de route de Denker. Chaque kilomètre qui nous en rapprochait m'a noué un peu plus l'estomac. Je me tourne vers Lara. C'était une bonne idée, sur le papier, mais jamais, je ne me suis senti aussi démuni maintenant que je me retrouve devant cette baraque. Je toque trois fois. Aucune réponse. La dernière fois que j'ai vu cette foutue porte, je suis restée en face, incapable d'avancer plus près que le trottoir d'en face. À l'époque, je n'ai pas eu le courage de m'en approcher plus de 10 mètres. J'avais juste regardé, en silence, à travers la fenêtre. J'avais vu ma mère, son gosse et son mari. Ils riaient. Une putain de carte postale. J'avais compris que j'étais un fantôme dans sa nouvelle vie. C'était la seconde fois qu'elle me brisait le cœur. Jamais deux sans trois ?

— Laisse tomber, c'est une mauvaise idée.

Je fais volte-face, prêt à me tirer, mais la porte s'ouvre derrière moi. Un homme en chemise passe sa tête et sourit, un peu perplexe, mais accueillant. Il transpire la bienveillance. Ça a l'air d'être quelqu'un de bien.

— Bonjour, est-ce que je peux vous aider ?

Je suis sur le point de répondre quand une blonde fait surface derrière lui. C'est elle.

— Qu'est-ce qui se passe ?

Elle demande en prenant son mari par les épaules. Elle a l'air comblée, son teint est lumineux, et elle a repris des formes. Elle a vieilli, mais elle est belle. Puis, elle me voit et se fige. Son visage semble se liquéfier. J'ai envie de me barrer en courant.

— Elias...

Sa voix se brise sur mon vrai prénom. Je ravale ma salive.

— Eli. C'est Eli maintenant. Salut maman.

Elle porte ses mains à sa bouche et les larmes lui montent aux yeux.

— Maman ?

Son mari la regarde ébahi.

C'est bien ce que je pensais. Elle ne leur a jamais parlé de moi, ni de son passé. Je ne devrais pas être étonné. Elle sort de l'entrée et se plante devant moi lentement, comme si je risquais de disparaître. Ses cheveux ont poussé. J'ai le cœur qui bat comme si je faisais du cardio.

— Mon dieu...

Je me sens paralysé. Chacun de mes muscles se contractent tellement je stresse. Cette peur dans ses yeux que je voyais quotidiennement est toujours là quelque part, bien ancrée, mais largement atténuée. Puis, sa main se lève. Tremblante, hésitante. Elle frôle ma joue du bout des doigts avant de fondre en larmes. Et là, elle me prend dans ses bras.

Un sanglot s'échappe d'elle, et moi, je reste figé. Incapable de bouger, incapable de réagir. Elle me serre comme si on m'avait arraché à elle. Ses bras autour de moi. Son parfum. Son souffle saccadé contre mon épaule. Ça fait terriblement mal. Mais en même temps, c'est une libération. Ma mère s'écarte légèrement et s'essuie le visage d'une main fébrile avant de se tourner vers son mari.

— Il faut qu'on parle, Marc. Entre, Eli.

Je regarde Lara. Elle a les larmes aux yeux, mais elle me sourit pour m'encourager.

— Je t'attends ici. Prends tout ton temps.

Je prends une grande inspiration.

— Merci...

Je l'embrasse sur le front, puis je suis ma mère à l'intérieur.

*

Je suis assis sur le canapé du salon avec Lara, une tasse de café à la main. J'aurais plutôt besoin d'un scotch. Sa voix tremble légèrement quand elle reprend la parole. Je suis stupéfait. Elle a bien essayé de me revoir. Elle regardait ses genoux pendant qu'elle me racontait son histoire, comme si la honte l'accablait.