Trois semaines. Trois putains de semaines se sont écoulées depuis qu'elle m'a quitté.
Chaque jour sans elle est une plaie qui refuse de cicatriser. Chaque réveil est un combat. Chaque nuit est une putain d'agonie. Et aujourd'hui, c'est le départ. Le début de cette nouvelle vie qu'on avait rêvée à deux, et que je vais affronter seul. J'ai tout organisé, chaque détail, chaque étape. Tout est prêt. Mais il y a une chose que je n'avais pas prévue : la douleur. Je ne m'étais imaginé beaucoup de choses pour cette journée, mais pas être triste comme si on m'avait arraché le cœur avec des griffes. Alors, avant de partir, avant d'embarquer dans cet avion qui va m'éloigner d'elle pour de bon, je veux la voir une dernière fois. Je veux imprimer son visage dans ma mémoire, me raccrocher une dernière fois à son image, à la seule choisie qui me fait encore tenir debout. Je me dirige vers l'hôpital. Je sais qu'elle y est toujours, qu'elle vient voir sa mère à la même heure, chaque jour, sans faute. J'ai retenu son emploi du temps mieux que le mien. Je pousse la porte de la chambre en silence. Là, elle est là. Avachie sur le bord du lit, son corps minuscule à moitié allongé sur celui de sa mère. Elle dort paisiblement, comme si, dans ce moment fragile, elle a trouvé un semblant de répit. Mon cœur s'arrête. Je bois cette image avec une soif insatiable. Ce sera le dernier plus beau spectacle de ma vie. Parce que rien, ni aucun paysage, ni aucun coucher de soleil, ni aucune putain de merveille du monde ne pourra surpasser ça. Je m'approche lentement. Ses cheveux retombent en cascade sur son visage, sa respiration est lente, sereine. J'aurais pu rester là des heures. Mais le temps me file entre les doigts, et une voix grave brise ce moment hors du temps.
— Bonsoir Eli.
Je me redresse légèrement et me tourne vers son père.
— Bonsoir monsieur.
— Tu veux boire quelque chose ?
— Non, je suis de passage, je venais juste lui déposer une lettre.
Son père sourit et arque un sourcil, intrigué..
— Et qu'est-ce que tu lui dis dans cette lettre que tu ne peux lui dire en face ?
Je baisse les yeux et regarde Lara.
— Qu'aucun paysage ne pourra combler le vide qu'elle me laisse.
Le silence s'installe, son père soupire et s'assoit lentement, sans me quitter des yeux..
— Tu l'aimes. Pourquoi tu pars ?
Je serre les dents. Car c'est vraiment une question que je me pose aussi depuis 3 semaines. Je pourrais lui répondre que c'est parce qu'elle m'a dit que c'était mieux comme ça. Parce qu'elle veut que je réalise mon rêve. Mais la vérité, c'est que je pars parce que je suis une putain de merde incapable de se battre pour ce qui compte vraiment.
— Parce qu'elle me l'a demandé.
Son père esquisse un sourire amer.
— Et tu n'as toujours pas compris que c'est une tête de mule ?
Un rire triste m'échappe.
— Si, justement...
Je me frotte les yeux, épuisé.
— C'est pour ça que je veux respecter sa décision. Tout ce que je veux, c'est qu'elle soit heureuse... si je dois partir et être séparé d'elle, je le ferai. Pour elle.
Son père me fixe longuement, puis hoche lentement la tête. Je ne lui laisse pas le temps de répondre et lui tend la lettre.
— Merci, monsieur. Au revoir.
Et je m'en vais sans me retourner.
*
Mon appartement est quasiment vide. C'est drôle, mais voir cet espace dépouillé de mes affaires me donne une sensation de vide encore plus profonde. Comme si, en quittant cet endroit, je laisse derrière moi une partie de moi-même.
Pat m'attend devant pour me filer un coup de main avec Chris, Paul et Mike.
Mon sac est fait et le vol est dans 3 heures. J'ai la boule au ventre. Ma moto aussi va me manquer. Je dis au revoir à mes potes. Ma famille.
— Tu m'appelles quand tu arrives... Je ne sais où.
Pat éclate de rire, mais son regard est plus brillant que d'habitude. Je le regarde, et une vague de gratitude m'envahit.
— Merci pour tout ce que tu as fait pour moi Pat. Tu es le père que je n'ai jamais eu.
— Arrête p'tit con, tu vas me faire chialer. Allez, file. Loupe pas ton avion.
Je hoche la tête.
— Merci.
— Fais attention, gros.
Mes trois meilleurs amis me serrent dans leur bras un par un.
— Je vous envoie des messages toutes les semaines, chialez pas les filles.
Je leur fais un clin d'œil. Ils sourient, mais leurs yeux disent autre chose.
— Vous direz au revoir à Reki de ma part.
— T'en fais pas.
Affirme Paul. Mais les mots de Mike me figent sur place.
— Et Lara...
Mon cœur se serre. Je détourne les yeux et mon visage s'assombrit. Je ne dis rien, ma gueule doit être assez explicite. Je monte dans le taxi et donne ma destination.
Mais avant de quitter cette ville pour de bon, il me reste une dernière chose à faire.
*
Je me tiens devant notre arbre. Celui qui a été témoin de tout. De nos disputes, de nos rires, de nos baises. De notre amour. Notre sac de boxe est toujours là. Suspendu, immobile. Un vestige de ce que nous étions. Je frappe une première fois. Puis une deuxième. Puis une troisième. Je cogne jusqu'à ce que mes articulations brûlent, jusqu'à ce que la douleur physique efface un peu celle qui me ronge de l'intérieur. Jusqu'à ce que mes larmes cessent de couler. Jusqu'à ce que je n'aie plus la force de lever les poings. Je me laisse tomber à genoux, les poings en sang, le souffle erratique. C'est ici que tout a commencé et c'est ici que tout est fini. Je ferme les yeux et trouve la force de me redresser. Et sans un dernier regard, je tourne le dos à notre passé. Direction l'aéroport. Une nouvelle vie commence. Mais je me sens mort de l'intérieur.
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BOXING HEART
RomanceLara et Eli. Deux écorchés vif au passé sombre qui n'avaient pas prévu de se tomber dessus. Boxeurs, loups solitaires, l'alchimie est instinctive, sauvage. Il a vécu un drame, elle aussi. Malgré la vie qui ne fait pas de cadeaux, vont ils réussir à...