BOXING HEART

Chapitre 15 Lara

Je m'attendais à tout sauf à ça : le mannequin brun que j'avais vu se jeter sur Eli quelques semaines plus tôt venait de débouler au campement et autant dire que sa venue n'était pas passé inaperçu. Je m'efforce de sourire, car j'avoue sentir d'ici la puanteur de l'hypocrisie. Éli me fixe et je jurerai qu'il est aussi tendu que moi. Je détourne le regard. Je ne sais rien de ce qu'il y a entre eux et je ne veux pas le savoir. Eli s'approche et arrive à ma hauteur. Je le regarde droit dans les yeux et ne peux m'empêcher de lui lancer ironiquement " Pas de panier hein..." mais je regrette immédiatement mes paroles. Il ne me doit rien, et réagir comme je le fais est totalement injuste pour lui et surtout, injustifié. Je décide alors de rester impassible. Hors de question qu'il voit que je suis touchée.

Nous sommes sur le chemin pour aller droit dans les criques de Finlade, les plus belles piscines naturelles aux alentours de Denker.

J'ai hâte de me défouler en faisant quelques longueurs, le seul bémol, c'est que je n'aime pas me mettre en maillot. J'aime mon corps et j'en suis même assez fière. Mais l'exposer n'est pas ma tasse de thé. Pour l'occasion, je me suis procuré un deux pièces, mais au lieu d'une culotte, c'est un shorti que je mets. Je dois sûrement avoir l'air tache à côté de la brune aux yeux verts, mais je m'en contrefous. Moi, au moins, je n'ai pas besoin de vérifier toutes les trente secondes si on voit mes poils. Nelly marche à mes côtés et me serre le bras en souriant, ce qui me détend. On ne tarde pas à arriver et chacun s'approprie un emplacement sur les rochers plat que nous offre la nature.

L'endroit est tout simplement magique. J'étais déjà venue ici plus jeune avec un ancien ami, je devais avoir 15 ans. Je dépose ma serviette à côté de Nelly tandis que Max se positionne entre les gars et moi. Laetitia et Marie se mettent à côté de Mike. Je crois comprendre que leur présence ici est due à Eli et à lui ? Ils n'ont pas vraiment précisé mais les questions me brûlent les lèvres. Les mecs sautent tous à l'eau pendant que Nelly et moi, on se tartine de crème solaire. J'entends Laetitia et Marie s'esclaffer et j'essaie tant bien que mal de ne pas leur prêter attention, mais difficile d'ignorer le diable quand il vous fonce dessus.

— J'ai entendu dire que Paul le tombeur s'était casé ? C'est vrai ça ?

Demande Laetitia sur un ton malicieux et avide de détails croustillants. Je constate avec soulagement qu'elle m'ignore royalement. C'est mieux comme ça. Mais s'attend t'elle vraiment à ce que ma meilleure amie qui ne la connait ni d'Adam ni d'Ève lui raconte sa vie ? Je retiens un sourire amusé et ravale mes sarcasmes.

— On est ensemble, c'est vrai. On ne s'y attendait pas.

— C'est souvent ça, répond Marie gentiment. Je sens que Nelly se débrouillera très bien avec la princesse et Marie j'en profite donc pour boire un coup d'eau histoire de ne pas mourir de déshydratation. Rapidement, je regarde mon portable pour vérifier si tout va bien. RAS. Pas d'appel, ni de SMS, ni de mail. Je chasse les pensées qui viennent m'assaillir ainsi que les images tout droit sorties d'un film d'horreur.

— Tu viens pas te baigner ? Éli nage jusqu'à mon rocher à moitié plongé dans l'eau, me sortant de mes pensées. L'espace d'un instant, je reste figée, hypnotisé par les gouttes qui glissent sur son torse parfaitement dessiné, couvert de tatouages tous plus impressionnants les uns que les autres. Mes yeux dérivent vers ses abdos. Dieu, il en a vraiment beaucoup... Son sourire me fait me réveiller et je secoue la tête. Il a toujours son bandage à la main. Je me demande vraiment ce qu'il a foutu. Et je suis curieuse aussi de savoir si nous allons aborder le sujet de l'hôpital. Je ne suis pas aveugle ni stupide. Il a un passé avec la fille assise à moins de deux mètres de moi.

— Je ne suis pas trop d'humeur.

Son sourire disparaît.

— OK.

Je regrette immédiatement ma froideur. Je vois bien qu'il tente d'apaiser nos tensions, et moi, je me renferme. Comme d'habitude. Non. Pas cette fois. Je me surprends moi-même, car je décide de ne PAS laisser mon égo capricieux dicter ma conduite. Livrant un combat intérieur, je me lève et fais la première chose qui me passe par la tête : je prends de l'élan et je saute. L'onde de choc que je crée éclabousse tout le monde et la bande commence à rire. À l'exception de Laetitia qui remet ses cheveux en place. J'oublie vite la princesse, car Éli me lance un sourire qui récompense ma victoire contre ma tendance à me limiter dans mes capacités. Je lui envoie de l'eau dans la figure et ni une ni deux, ses mains m'attrapent avec une facilité qui m'impressionne. Un picotement me parcourt l'arrière de la tête et je sens un regard noir dans mon dos que j'ignore délibérément.

— Tu fais comment là ?

Je ne peux m'empêcher de sourire. Bordel, heureusement que je ne me vois pas, je me mettrai sûrement des baffes. Cette attitude. Je ne me connaissais pas aussi fleur bleue... Une chose est sûre : dans les bras d'Eli, je me sens privilégiée et soulagée malgré mes questions sans réponse et le regard meurtrier pas très discret de la princesse qui ne perd pas une miette de ce qui se passe entre Eli et moi. A mon tour de faire semblant de ne pas la voir. À la place, j'observe les lieux et la piscine naturelle dans laquelle nous nous trouvons qui est véritablement paradisiaque. De la végétation nous encercle et la grotte imposante qui se présente à nous laisse entrevoir une entrée à travers la cascade.

Me voyant scruter les lieux et en particulier le coin avec curiosité, toujours emprisonné sous sa tonne de muscles, Eli s'éloigne des gars qui se font des combats dans l'eau pour m'entraîner sous la cascade. On se retrouve sous la grotte et c'est plus spacieux que je ne le pensais. On n'entend plus que le bruit assourdissant et apaisant de la cascade qui tombe à côté de nos têtes. Je suis toujours bloquée dans ses bras, mon dos contre son torse, mais nous ne bougeons plus pendant ce qui me semble être une éternité. Je sens son torse s'abaisser contre moi, comme s'il faisait un effort pour contrôler son souffle. Je n'ai pas envie de mettre fin à ce moment et je crois que lui non plus. Je n'ose plus respirer quand je sens sa tête se poser contre mon épaule. Mes yeux se ferment et une caresse sur ma hanche me fait presque échapper un soupir. Ses lèvres sont à quelques centimètres de mon cou et la pression de ses bras se resserrent. Une bataille se livre en moi. Une partie de moi veut de tout ça et une autre est terrifiée. Mon rythme cardiaque devient anarchique et je sens son torse se lever et descendre plus rapidement. Mon dieu. Il faut évidemment que le souvenir de mon rêve refasse surface maintenant... Sa bouche sur la mienne, ses mains qui emprisonnent mes poignets, ses lèvres qui dévorent mon cou, ses yeux qui ne me quittent pas alors qu'il descend pour... D'un coup, je sens ses lèvres se poser sur mon épaule. Merde. Je ferme les yeux. Putain... j'ai tellement chaud que je me demande comment il y a encore de l'eau dans cet endroit. N'importe qui aurait déjà tenté quelque chose dans un moment pareil. Au lieu de ça, Éli me caresse timidement le bras de son pouce et je sais qu'à cet instant, je ne pourrais pas me contenter de ça à l'avenir. Il me relâche et j'ose lui faire face, envisageant très sérieusement de lui arracher le peu de vêtement qu'il a. Son regard se plante dans le mien comme s'il voulait me dire quelque chose. Mais il s'approche et comme une geste dont j'avais, je le réalise, cruellement envie, il lève mon menton et dépose un baiser sur mon front. Je cille. Première fois qu'on me donne autant de douceur sans rien attendre en retour. Je me sens libre. Je me sens invincible. Je vois à son petit sourire serein et malicieux qu'il n'en demandera pas plus. Nos yeux se mélangent pendant quelques secondes mais je me raidis en entendant les cris de Chris qui débarquent suivi de Paul Mike et Max. Je m'écarte soudainement et les mâchoires d'Eli se resserrent comme une huître se renferme lorsqu'on la touche.