Chapitre 43 Lara

2.3K 122 1
                                    

Je n'entends pas Eli me demander ce qui se passe. Mon cœur bat trop vite et d'un coup j'ai le souffle coupé Mon corps réagit avant même que ma tête ne suit. J'attrape mon casque et me précipite hors de mon appartement comme si une force invisible me poussait. Il y a eu un problème, l'hôpital vient de m'appeler. Ça y est. Le cauchemar recommence. Je me fous de dépasser les limites de vitesses. La route défile en un brouillard indistinct de néons et de phares aveuglants. Le rugissement de ma moto couvre le vacarme assourdissant de mes pensées. J'ai l'impression que mon cœur s'écrase un peu plus à chaque seconde qui passe. Pas elle. Pas encore. Quand j'arrive enfin, je freine brutalement et jette ma bécane sur le parking sans même prendre la peine de l'attacher. Je fonce vers l'entrée des urgences, mes mains tremblent tandis que je me précipite vers l'accueil.

— Ma mère. Où est ma mère ?

La réceptionniste relève la tête, visiblement habituée à voir des proches en détresse, mais je n'ai pas le temps pour son air compatissant.

— Nom de votre mère, s'il vous plaît ?

— Evelyn Williams.

Elle tape sur son clavier et relève les yeux vers moi.

— Elle a été transférée au premier étage, aile B. Vous allez devoir attendre que le médecin...

Je n'écoute pas la suite, j'ai déjà tourné les talons et je cours. Attendre ? Comme si j'allais attendre. J'emprunte les escaliers et les dévale quatre à quatre, mes jambes mues par une force qui ne m'appartient pas. Quand j'arrive enfin, elle est déjà sur un brancard, en train d'être déplacée par une équipe médicale. Son visage est si pâle qu'un frisson d'horreur me traverse.

— Maman...

Ma voix se brise. Elle ne réagit pas. Je me précipite vers elle, mais un aide-soignant me barre le passage.

— Mademoiselle, reculez s'il vous plaît.

— Laissez-moi rester près d'elle !

Je reste près de son corps froid. Elle est tellement pâle que je me demande ce qui a bien pu la mettre dans cet état. Je n'ai jamais vu ça.

— On doit la transférer.

— Transférer où ? Qu'est-ce qu'elle a ?

Personne ne répond. Je tente de suivre le brancard, mais un type grand comme une armoire à glace me bloque de son bras massif.

— Mademoiselle, vous ne pouvez pas aller plus loin.

Les larmes me brouillent la vue et je les essuie furieusement, énervée d'être incapable de me montrer forte devant elle, pour elle. Le molosse me dit qu'il ne veut pas employer la force. Je ferme les yeux, je respire fort. Calme-toi Lara. Ne fais rien de stupide. Il ne va pas me faire chier celui-là.

— Je veux juste rester près d'elle, ça lui fait du bien. Docteur s'il-vous-plait.

Je me tourne vers le docteur Roland qui vient d'arriver.

— Mademoiselle Williams, je sais que c'est difficile, mais votre mère a besoin de...

— Dites-moi ce qui se passe !

Ma voix tremble. Je sens mon contrôle m'échapper. L'armoire à glace m'attrape par les épaules, ses doigts serrant un peu trop fort. Puis en un instant, je vois la porte s'ouvrir et ma mère s'éloigner de moi, impuissante.

Encore une fois, je ne peux rien faire.

— Lâchez-moi !

Je me mets à hurler de colère.

— Hé !

Éli arrive de nulle part. Il a l'air calme, mais c'est un leurre. C'est la tempête à l'intérieur.

— Lâche-la.

Son regard est noir, dangereux, mais sa voix est d'un calme glacial. Le type hésite une seconde. Eli s'avance d'un pas.

— Vite.

L'armoire à glace relâche son étreinte. Je suis à bout de souffle, mon corps tremble sous l'adrénaline.

— Sors-la d'ici, sinon c'est la camisole.

Je vois rouge. Je m'attrape les cheveux et tire jusqu'à me faire mal, comme si ça pouvait empêcher l'explosion qui se prépare à l'intérieur.

— Eli, je vais casser quelque chose...

Éli regarde autour de lui, il ne veut pas de conflit, je le sais.

— Laissez la voir sa mère au moins 10 minutes... S'il-vous-plait..

— Je suis désolé mais...

À ces mots, je perds la raison. Toujours des "mais, mais, mais." Mais rien du tout ! Je me précipite dans le couloir, les larmes me brûlent les yeux. Mon estomac se retourne. Une nausée fulgurante me fait mal et je vomis.

Eli est déjà là, accroupi à côté de moi, sortant un mouchoir de sa poche.

— Tiens.

Il essuie mon visage avec une douceur qui me brise le cœur. Mais je ne suis plus là. Ma tête est ailleurs, quelque part dans un tourbillon de douleur et de colère. J'ai besoin de sortir. Je me redresse, titube vers la sortie en dévalant les escaliers, les poings serrés. J'entends Eli me suivre sans rien dire. Il faut que je sorte d'ici tout de suite ou je vais tuer quelqu'un. Arrivée en bas, je suffoque. Je ne sais pas comment me calmer, je n'arrive plus à respirer, je me sens perdue, piégée, énervée, triste, étouffée... tout est trop fort.

L'effondrement est inévitable. Mon corps s'accroupit et se plie en deux. J'ai mal. J'ai mal au cœur. Je veux donner mes restes de force à ma mère. Je veux qu'elle puisse avancer.

— Ça va aller mon amour...

— C'est trop dur...

Il s'agenouille avec moi, me prend contre lui et m'enlace. Son étreinte me réconforte, mais ne me calme pas assez. Je secoue la tête. Il me serre un peu plus fort.

— Ça va aller, je ne te laisserai jamais. Même si je dois crever... je serai là pour toi, t'entends ?

Il se cajole le visage dans la main que je viens de poser sur sa joue rugueuse. Je l'embrasse. C'est un besoin à présent. C'est comme respirer. C'est logique, vital, il n'y a plus à se poser la question. Mais mon cœur se serre quand je comprends que je ne veux pas de cette vie-là pour lui. Mais au moment où mes lèvres effleurent les siennes, une pensée me transperce comme une balle en plein cœur. Soudain, mon cœur se serre quand je comprends que je ne veux pas de cette vie-là pour lui. Il le mérite mieux. Sa mère a raison : Eli est devenu un homme. Un homme magnifique. Il mérite mieux que toute cette merde. De quel droit je l'entraine dans mon calvaire ? C'est ça l'amour ? Emmener l'autre à toucher le fond avec nous ? Ma gorge se serre. Je prends brutalement conscience que je suis trop abimée et je refuse d'être un boulet pour lui. J'ai besoin d'Eli mais il est clair qu'il se porterait bien mieux sans moi. Je ferme les yeux et savoure ces lèvres que j'aime tant. Ce visage qui met du baume à mes cicatrices. Cet homme qui m'a permis de connaître le bonheur ne serait-ce qu'un temps. Ça me suffit. Maintenant, je vais le laisser partir. Je profite une dernière fois la chaleur de son corps, la force de ses bras, la sécurité qu'il m'offre sans condition.

Puis je murmure :

— Je suis amoureuse de toi depuis le premier jour.

Sur ces mots, je le pousse et enfourche ma moto avant qu'il ne puisse réagir. Les larmes me brouillent la vision, mais je m'en fous. J'ai envie de repousser mes limites. Plus rien n'a d'importance. Je me retrouve rapidement sur la route en ligne droite et j'entends une moto me suivre. Il ne comprend pas. Je ne veux pas le mêler à ça, tout va mieux pour lui. Alors, j'accélère encore. le moteur mugit comme un orage grondant sous mes pieds et le vent fouette mon visage. Si je n'avais pas eu des larmes plein les yeux, j'aurais sûrement vu arriver la voiture en face.

BOXING HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant