Chapitre 37 Lara

2.4K 130 0
                                    

— S'il vous plaît, mademoiselle.

— Il a rien fait, je vous dis !

Ma voix s'éraille sous la colère et l'impuissance. Je me débats comme une furie, mais c'est inutile. Encore une fois, je ne peux rien faire. Encore une fois, je suis impuissante. Les bras qui me retiennent sont forts, fermes, et pourtant, je lutte. Parce qu'on est en train de me l'arracher sous mes yeux et que je ne peux rien faire à part hurler.

— Lâchez-moi putain !

Mais personne ne m'écoute. J'ai arrêté de respirer au moment où j'ai vu Eli disparaître derrière cette putain de porte métallique. Mon corps tremble. Je n'entends plus rien autour de moi. Plus rien, sauf mon propre cœur qui bat si fort qu'il menace d'exploser. Au bout d'une dizaine de minutes, je cesse de me débattre, à bout de force. Faible. Et tellement fatiguée. Nelly débarque, essoufflée, affolée, et s'accroche à mes bras pour me retenir de faire une connerie.

— Lara ! Qu'est-ce qui se passe ?!

Je ne réagis pas.

— J'ai fait aussi vite que j'ai pu, étant donné mon état, murmure-t-elle les yeux fuyant l'officier.

Je ne réponds pas. Je ne peux pas. Nelly pose les yeux sur moi et l'horreur tord son visage quand elle voit mon cou.

— Merde... Qui t'a fait ça ?! Où est Eli ? C'est quoi ce bordel, putain ?!J'entends à peine sa voix. J'ai l'impression d'être hors de mon corps, d'être spectatrice d'une scène qui ne m'appartient pas

Un officier s'approche et commence à expliquer ce cauchemar à Nelly. Sa voix devient un bruit de fond insupportable. Je sens l'injustice me broyer de l'intérieur, un putain d'étau qui me serre les côtes jusqu'à m'écraser. Eli est enfermé.Et le monstre est encore en vie.

— Je veux le voir. Maintenant.

— Vous pourrez d'ici deux heures, c'est comme ça que ça se passe malheureusement. J'ai déjà fait quelques exceptions mais je ne peux pas faire mieux, désolé. Vous devriez rentrer vous reposer. Après ce qui vous est arrivé, c'est probablement ce qu'il y a de mieux à f....

—Vous n'avez aucune idée de ce qui me ferait du bien, là, tout de suite.J'ai juste...

J'ai la mâchoire serrée à m'en péter les dents. Je vais devoir poireauter deux heures. Soit. Je fixe un siège et vais m'y asseoir sans un mot. Je croise les bras et je jure que le premier qui osera venir me dire quoi que ce soit ne passera pas la nuit. Nelly vient se poser à côté de moi. Elle comprend qu'il ne faut pas me parler. Alors, elle fait la seule chose qu'elle peut faire. Elle pose sa tête contre mon épaule. Mes larmes roulent en silence et elle me prend la main.

*

Je suis assoupie contre ma meilleure amie lorsqu'un officier vient m'annoncer que je peux venir voir Eli.

— Je tiens juste à vous préciser qu'il ne veut pas que vous veniez.

Je lève un sourcil, le regard noir.

— Je tiens juste à lui préciser que j'en ai rien à foutre.

Je laisse mon sac à Nelly et passe devant l'officier, déterminée et en colère qu'Eli ose me repousser. Je passe cette maudite porte que j'ai fixée pendant deux putains d'heures et l'officier me suit dans un couloir trop étroit, trop sombre.

J'arrive devant sa cellule. Il est assis sur la banquette en métal, les coudes sur les genoux, les mains croisées derrière sa nuque. La vision du désespoir. Quand il lève les yeux et me voit, il se fige. Il se redresse immédiatement, comme si je venais de le gifler.

— Merde... il murmure. Je vous avais dit...

— Franchement, t'as cru que tes petites protestations allaient m'arrêter ? Il abandonne l'idée de riposter et esquisse un sourire fatigué.

— Ouais, c'était peine perdue.

Il s'avance et attrape les barreaux de métal entre ses mains. J'avance à mon tour et colle mon front contre le sien. Ses doigts cherchent les miens à travers le froid du métal. Je donnerais tout pour faire disparaître cette putain de cage.

— Je suis désolé.

— De quoi ?

— De ne pas t'avoir protégée.

— Si tu n'étais pas arrivé, je serais morte. Alors arrête de dire des conneries.

— Il t'a jeté dans le lac. Il a failli te noyer.

— Mais il n'a pas réussi. Grâce à toi.

J'ai beau me démener pour lui faire comprendre qu'il m'a sauvé la vie, il ne m'écoute plus. C'est comme s'il ne m'entendait plus. Il me lâche et agrippe violemment les barreaux la tête baissée. Comme si lui aussi avait perdu un combat.

— Ça recommence.

Sa voix se brise. Son corps entier s'affaisse contre les barreaux.

— Eli, regarde-moi.

Il secoue la tête.

— Tu vas partir.

Il ferme les yeux, comme si ces mots le tuaient à petit feu.

— Exactement comme elle. Parce que je suis pas foutu de prendre soin de toi.

— Arrête.

— C'est vrai, et tu le sais.

Je l'attrape par le visage et l'oblige à relever la tête.

— Je ne suis pas ta mère.

Un éclair de douleur traverse son regard.

— Même si elle avait ses raisons... même si elle t'aimait plus que tout...

Je prends une grande inspiration et serre sa mâchoire entre mes doigts.

— Elle n'était pas moi.

Je le rapproche encore plus, à en sentir son souffle tremblant contre mes lèvres.

— Jamais je ne te quitterai..

Sa main se glisse sur ma joue et il m'approche de ses lèvres. Je sens la froideur du métal contre ma peau, mais je m'en fous. Parce que son baiser me réchauffe de l'intérieur. Sentir sa chaleur est la seule chose qui me répare petit à petit. Je me presse contre lui autant que je le peux, et plus je m'agrippe à lui, plus je le sens s'agiter. Je veux qu'il sente que je suis là putain. Sa respiration s'emballe, son corps s'agite, impatient, avide et fébrile. Son besoin viscéral de défoncer ces putains de barreaux pour me prendre contre lui est presque aussi flagrante que mon envie de lui sauter dessus. Cette cage me rend folle. Je ne peux pas m'empêcher de le toucher. De lui répéter que ça va aller. Je lui prends son visage entre les mains, il ferme les yeux et murmure :

— Je ne veux plus jamais qu'on se cache quoi que ce soit.

Mon cœur rate un battement tandis qu'il me contemple intensément. Ses poings se crispent. Il est en train de se faire violence, je le sens.

— Si je ne t'ai rien dit de ce qui s'est passé avec Laetitia c'est parce que...

— On pourra en parler plus tard, là, je ne suis pas sûre que...

— Si! Si, il le faut.

Il se mord la lèvre et lutte contre lui-même pour continuer. Ça me fait mal au cœur. Mais je le laisse faire, je sens qu'il en a autant besoin que moi. Cette soirée est sûrement l'une des pires de ma vie, mais c'est ce soir que je vais avoir des réponses. Mon cœur s'accélère. Parce que je sais que cette nuit va tout changer.

BOXING HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant