Ce soir

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Souffle régulier, esprit clair, regard droit. Jet était prêt. A sa place.

Ils avaient cessé de courir à l'approche du château, mais ils avançaient tout de même d'un bon pas. Monsieur le chien trottina un peu plus vite pour se porter à sa hauteur.

On arrive, Jet.

Ce dernier hocha doucement la tête, bien qu'il soupçonnait que le chien ne faisait pas référence à leur localisation . Jet s'en moquait, il n'avait ni le temps ni l'envie de s'appesantir sur la question. A la lecture de la lettre, il avait immédiatement su quelle était sa priorité. S'il ne lui restait qu'une nuit, il la consacrerait à sauver Téo plutôt qu'à venger le souvenir de sa femme. La scintillement bleuté de la lune s'était accentué, lui semblait-il. Etait-ce bon signe ? Etait-ce seulement un signe ?

Le blondinet va pas bien, continua l'animal.

C'était vrai. Le garde essayait de sauver les apparences, mais il était tendu. Trop ? Peu importait. Il faudrait qu'il tienne le coup. Jet ne pourrait pas tout faire tout seul.

Ensemble, ils traversèrent le pont menant à la caserne d'un pas décidé, croisant soldats et civils éméchés. Jet bouscula un homme. Il l'entendit jurer, mais il ne se retourna pas.

Le blondinet leur indiqua le chemin, mais Monsieur le chien semblait déjà savoir où ils devaient aller. Jet le suivit plus qu'il n'écouta les indications du garde. Le chien ne se trompait pas. La musique de la fête devint plus forte à mesure qu'ils s'approchèrent d'une grande place. Sans doute le terrain d'exercice. Ils s'en éloignèrent bientôt et prirent une allée menant vers des baraques plongées dans l'obscurité. Un tressaillement le prit, une impression de déjà-vu qu'il chassa aussitôt.

Homme, chien et blondinet furent bientôt en vue d'une sorte de vilain entrepôt de bois. Loin des regards. Loin de l'animation de la fête. Ils dérangèrent une jeune femme en livrée blanche qui prit ses jambes à son cou lorsqu'elle les vit approcher.

Jet fit halte un instant et attendit que Monsieur le chien le rejoigne.

— C'est là ? demanda Jet.

— Oui, fit Lemon.

Ouais, fit le chien.

Jet se doutait de ce qu'il trouverait à l'intérieur. La lettre de Téo ne laissait que peu de doute à ce sujet. Comment avait-elle pu se montrer aussi naïve ?

— Ils sont combien ? demanda-t-il.

Lemon parut dérouté, mais Jet ne lui accorda pas plus d'attention que nécessaire. Il attendait la réponse du chien.

Plein. Une bonne vingtaine, je dirais, lui répondit l'animal.

— T'en es pas sûr ?

Je suis pas voyant.

— Comment veux-tu que je sache ? reprit Jet. T'es un chien qui parle.

Oui, ben je vois pas à travers les murs. Je sens juste les choses.

Jet soupira et hocha la tête, sous le regard décontenancé du garde blond. Après tout, peu importait combien ils étaient. Il décida de se concentrer sur ce qu'il avait besoin de savoir.

— Y'en a qu'il faut que j'épargne, là-dedans ?

Le chien leva la gueule et huma l'air. Il mit quelques souffles avant de répondre.

A part Téo ? Non.

Jet acquiesça. C'était suffisant.

Il reprit son chemin, suivi par ses compagnons. Ils n'étaient qu'à une vingtaine de pas de l'entrepôt lorsque la porte de la bâtisse s'entrouvrit.

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