Deux jours

77 16 0
                                    

Jet ouvrit péniblement les yeux. 

Son front était trempé de transpiration, et il s'essuya à l'aide de ses draps. Il jeta un coup d'œil autour de lui, le souvenir de la veille lui revenant comme un poison dans ses veines. Le soleil couchant éclairait faiblement la pièce. Il avait dormi toute la journée. Monsieur le chien était allongé à un pas de lui, tout plat.

Et Téo était assise sur le sol, dos appuyé contre un mur.

Jet tressaillit en la voyant, mais elle ne réagit pas. La jeune garde avait la tête penchée en avant, et elle plongeait un regard plein de colère sur lui. Une colère froide.

Jet s'assit en serrant les dents. Il craignait de rouvrir ses blessures. En réalité, il eut mal, mais pas tant qu'il aurait dû. Les hommes de main du bordel l'avaient bien amoché. Saloperies de piquiers, il avait bien failli y rester. Téo dut voir son soulagement, car elle pointa un doigt vers lui.

— Tes plaies. Elles guérissent à vue d'œil. C'est pas normal, fit-elle d'une voix aussi dure que calme.

Il baissa les yeux vers son torse dénudé. Des coupures, plus ou moins longues, mais pas de saignement. Elle avait raison, ça n'était pas normal. Les choses l'étaient rarement. Jet soupira.

— J'ai la tête qui tourne. T'es là depuis combien de temps ?

Téo éluda sa question et fit une grimace.

— T'as mal à la tête ? Mal à ta putain de tête ? C'est drôle.

Jet fronça les sourcils, ne parvenant pas à la suivre. Ses pensées virevoltaient entre les combats de la veille et les visions de son sommeil. Téo poursuivit en se penchant vers lui.

— C'est drôle de la part de quelqu'un qui vient de faire un massacre dans un bordel.

— Quoi ? s'étrangla Jet.

Je crois qu'elle sait, intervint faiblement le chien. A ta place, je nierais pas.

— C'est toi qui les as tués, hein, affirma Téo plus qu'elle ne le demanda. Les gardes d'hier soir. Le trafiquant de poudre. Et les cochers. C'est toi.

Jet sentit une bouffée de chaleur monter depuis son estomac et se répandre dans ses poumons, sa gorge, derrière ses yeux. La pièce commença à tanguer. Il posa fermement une main au sol et serra ses muscles, s'efforçant de ne pas perdre connaissance. Il chercha quoi dire pendant un souffle ou mille, veines tambourinant contre ses tempes. Il jeta un coup d'œil au chien, mais ce dernier ne bougeait presque plus. Il peinait à garder les yeux ouverts. Jet rassembla ses forces et se tourna vers Téo, qui le fixait comme un oiseau de proie.

— Tu vas m'arrêter ? finit-il par dire, trop las pour tenter de lui mentir.

— J'sais pas, siffla-t-elle entre ses dents. Ça dépend de ce que tu vas me dire.

— Ce que je vais te...commença-t-il, mais Téo le coupa.

— Pourquoi tu fais ça ?

Jet prit son visage dans ses mains et ferma les yeux. Il était tellement fatigué. Cette scène était-elle seulement réelle ? Rêvait-il encore ? Depuis quand ? Ses paupières pesaient si lourd qu'il n'était pas certain de pouvoir les rouvrir.

— C'est pour ta femme ?

L'évocation de sa femme lui fit l'effet d'un bain d'eau glacée. Il ouvrit les yeux et retira ses mains, fixant durement Téo.

— Comment la connais-tu ? lança-t-il avec une fermeté qui le surprit autant que la jeune blonde.

Téo parut décontenancée un instant, mais reprit rapidement sa posture inquisitrice.

LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant