Le secret

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Point de vue : Oikawa

Mon souffle est court et chacun de mes muscles me crient de cesser tout mouvement. Depuis l'autre côté du filet, j'observe le regard bleu de mon cadet qui s'apprête à servir pour notre balle de match.

Après deux sets équilibrés, dont un remporté par Karasuno, je peux sentir la fatigue me taquiner.

Cette balle est décisive et pas seulement parce qu'elle peut nous offrir la victoire : devant moi, mes 5 co-équipiers semblent autant souffrir de l'effort demandé que moi. 

Je crois que nous n'avons jamais autant couru, que ce soit pour réceptionner la courte de Tobio et Hinata ou leurs attaques synchronisées. À l'image d'une lame, ils ont parfaitement aiguisé leur jeu.

Mais nous aussi.

Kageyama s'élance et nous envoie un service smashé puissant que nous parvenons à contrôler. La balle m'arrive de Kunimi avant que je ne la donne à Matsukawa dont l'attaque est touchée par leur contre - satané Tsuki.

Ralentie, Daichi n'a aucun mal à la renvoyer proprement à Tobio, et tous s'élancent avant même qu'il choisisse sa cible. Ah, je dois bien avouer qu'il n'y a rien de moins ennuyant que de jouer contre eux. 

Enfin, rien de plus agaçant non plus ceci dit.

Je connais bien le jeu du passeur et je me précipite vers le petit roux : sa confiance lui est garantie, sa passe sera pour lui. Je m'élance forçant un peu plus sur mes jambes transies de douleur afin de gagner ne serait-ce qu'un petit centimètre.

N'importe quel détail peut nous offrir la victoire.

Le ballon se dirige vers leur champion, à ma grande surprise, mais Watari contrôle le missile qui percute ses avant-bras. Alors, utilisant mes dernières forces, je me précipite vers la sphère qui vole au-dessus de nous.

Je n'ai aucun doute sur ma passe qui s'oriente naturellement vers Iwaizumi. Mais je l'ai lancée trop tôt, trop loin ; ma passe est brouillonne, je m'en rends bien compte. 

C'est juste que... c'était une évidence pour moi, elle ne pouvait être que pour lui.

Alors que je n'ai toujours pas touché le sol, je vois Hajime en transe et déterminé s'élever dans les airs et il frappe en une diagonale intérieure le ballon qui passe à droite du contre.

La scène semble se dérouler au ralenti et je peux voir à la fois la sphère tricolore heurter le parquet de bois et l'expression de hargne d'Iwaizumi.

Le reste de notre équipe nous saute dans les bras tandis que mon attention ne peut quitter notre numéro 4.

Puis, lentement, comme si ça me demandait un effort colossal, j'observe nos adversaires qui pour la plupart se laissent tomber, visiblement éreintés par notre rencontre. Tobio lui reste droit et plante son regard azur dans le mien. 

Son aura émane de lui, semblant me défier.

Je m'apprête à lui balancer la plus cinglante de mes remarques, mais une odeur gagne mes sens.

- Eh le passeur tyranique, tu seras gentil d'éviter de relâcher tes phéromones gronde Hajime.

Je me retourne, perplexe. J'ignore de quoi il parle, mais surtout, je me demande pourquoi il paraît si... énervé ? De toute évidence, mon cadet semble confus lui aussi et il marmonne :

- On est entre alphas et bêtas, si tu réagis à si peu c'est ton problème.

Sur ces mots, Hajime se rue de l'autre côté du filet et saisit le survêtement de Kageyama. Ironiquement, cette situation me rappelle la fois où j'ai failli blesser Tobio et qu'Iwaizumi s'était interposé. 

Sauf que cette fois, les rôles sont inversés et je ne comprends pas pourquoi.

- Qu'est-ce qui te dit qu'on est entre alphas et bêtas hein ? Tu penses qu'un oméga ne peut pas jouer à ce niveau, c'est ça ? vocifère-t-il

- Qu'est-ce qui te prend ? J'ai jamais dit ça enfin ! Je te dis juste qu'il n'y a pas d'omégas !

C'est étrange, mais je vois bien que le passeur est pris au dépourvu. Je sens que je vais regretter ce que je vais faire... dire que je vais l'aider. Pour peu, je me giflerai. 

- Hajime, tout va bien.

J'articule ces mots en me dirigeant le plus calmement du monde vers lui. Aucune autre personne n'ose bouger. Je continue, sur le même ton.

- Hajime, il ne peut pas savoir que je suis un oméga, tu sais.

Je peux entendre des petits bruits de surprise du côté des corbeaux, et l'expression de Tobio se transforme légèrement déconcerté par la nouvelle.

- Tu es un oméga, toi ? demande-t-il comme s'il doutait de ce fait.

- Oï, je te préviens, menace l'alpha resserrant sa prise sur le tissu noir et orange sans terminer sa phrase.

- Oui, je suis un oméga. Ça t'en bouche un coin hein ? dis-je d'un ton provocant, espérant calmer la situation.

Je pose une main sur le bras Iwaizumi qui finit par relâcher Kageyama et quitte le gymnase sans un mot. 

Je m'excuse pour son attitude avant de taquiner nos adversaires et de leur proposer une nouvelle rencontre pour la revanche.

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Une fois de retour au lycée, notre entraîneur nous fait un bilan de ce match évitant de mentionner l'incident post-victoire. 

Ni Iwaizumi ni moi n'avons échangé un mot dans le bus, bien qu'assis à côté. Il semblait absorber par ses pensées, et je n'ai pas osé l'en sortir me disant qu'il serait plus avisé de parler une fois seul à seul.

Le chemin du retour se veut aussi silencieux, mais il accepte néanmoins de venir chez moi et une fois dans ma chambre, je l'interroge sans détours.

- Alors, c'était quoi cette scène hein ?

- Il a nié que tu puisses être oméga en prenant ses grands airs d'alphas... Il se sent au-dessus de tout et tout le monde. Et...

J'aperçois un doute dans ses yeux alors j'insiste.

- Et ?

- Et je ne supporterai pas qu'un alpha se permette d'émettre ses phéromones devant toi. Encore moins que ça te fasse de l'effet.

Sa bouche est pincée, ses poings fermés. Il a dit ça d'un ton ferme et je peux sentir qu'en ce moment même, il se contrôle pour ne pas émettre ses phéromones.

Pour moi. 

Parce qu'il refuse que ma réaction, mes pensées et mes envies soient dues à ses phéromones. Je sais qu'il voudrait parfois effacer nos types pour que notre amour soit libre de tout ça, même si c'est impossible. 

Ça m'énerve... je sens que quelque chose m'échappe.

J'hésite puis je demande :

- Hajime, quel est le vrai problème ?

Ses yeux turquoise me transpercent, habités par une tristesse qu'il semble garder en lui depuis une éternité. 

 Pourquoi faut-il que tout soit si compliqué ? Pourquoi ne peut-il simplement pas m'expliquer ce qui le tracasse ?

- Tooru, je t'aime dit-il simplement avant de m'embrasser.

J'essaye de m'ancrer dans son regard, mais je peux le sentir m'échapper. Cette barrière, ce secret qu'il garde en lui lève un brouillard qui m'empêche de le comprendre complètement.

- Je ne ferai jamais rien qui puisse te blesser, tu le sais, n'est-ce pas ? demande-t-il.

- Bien sûr que oui ! Je...

Il me serre dans ses bras et nous finissons par nous endormir ainsi, lui accablé d'une chose que j'ignore et moi submergé de doutes, incapable de l'aider. 

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Un long chapitre cette fois ! :)

J'espère que vous aimez toujours autant. 

Oikawa is an omega (IWAOI)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant